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Le prélèvement sur donneur à coeur arrêté doit prochainement débuter en France

17 juillet 2004, APM Santé

Le prélèvement d’organes sur donneur à coeur arrêté devrait commencer prochainement sur quelques sites pilotes avec un protocole d’encadrement très précis, a-t-on appris au cours d’une réunion scientifique sur les prélèvements.

L’Etablissement français des greffes (EFG) a déjà fait savoir qu’une réflexion était en cours sur le prélèvement sur donneurs à coeur arrêté parmi les pistes explorées pour augmenter le pool de donneurs, étant donnée la situation de pénurie que connaît le prélèvement sur donneur à coeur battant.

Pour l’instant, la réglementation ne le permet pas : les autorisations de prélèvement sont données aux établissements pour des donneurs en état de mort encéphalique (EME) à coeur battant, car les données de la littérature dans le passé étaient plutôt défavorables. Mais la situation a évolué et les résultats sont jugés désormais très bons. Plusieurs pays se sont d’ores et déjà engagés dans cette voie.

Un certain nombre de communications de la XVIème Journée de Bicêtre sur les prélèvements d’organes en vue d’une transplantation, organisée le mardi 22 juin à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), ont abordé cette question et illustré les difficultés que peut poser ce type de prélèvement, justifiant les précautions prises.

L’EFG a réuni un groupe de travail. Les aspects éthiques ont été analysés et l’évolution de la réglementation est en discussion avec le ministère, a précisé le Dr Corinne Antoine, médecin à l’EFG au pôle stratégique recherche et développement, alors qu’elle était invitée à s’exprimer sur les nouvelles règles de répartition des greffons rénaux au cours de cette réunion.

Le prélèvement sur donneur à coeur arrêté devrait être expérimenté sur plusieurs sites pilotes avec un protocole précis et homogène permettant l’évaluation dans 6 mois et 1 an, a-t-elle annoncé. Le groupe de l’EFG espère aboutir dans sa réflexion pour fin 2004, afin de lancer l’expérimentation, a-t-elle précisé.

Le Pr Gérard Benoît, chef de service urologie à Bicêtre et organisateur de la journée, a évoqué les pièges techniques lors des prélèvements à coeur arrêté.

Dans son établissement, le prélèvement sur donneur à coeur arrêté est pratiqué depuis longtemps. Il avait été suspendu à la demande de l’EFG, mais aujourd’hui, cette activité est reprise.

Les résultats des greffes réalisées avec ces organes sont comparables à ceux des greffes avec donneurs à coeur battant, comme le montrent les chiffres de survie à 1 an, 5 ans et 10 ans de l’hôpital Bicêtre. Les organes fonctionnent aussi bien, et “c’est ce qui fait que nous sommes toujours partisans de le réaliser même si c’est difficile”, a souligné le Pr Benoît.

Sur 700 prélèvements, 60 l’ont été à coeur arrêté, a-t-il précisé à APM Santé.

Il faut éviter certains pièges, notamment un arrêt cardiaque de plus de 30 minutes car au-delà, l’organe non perfusé ne refonctionnera jamais, a-t-il prévenu.

“Il est essentiel de s’y préparer avec une procédure établie à l’avance pour aller de la réanimation au bloc et un membre de l’équipe doit posséder un chronomètre pour surveiller ces 30 minutes”, a-t-il recommandé. Il a aussi estimé que la machine à perfusion pulsatile pouvait s’avérer utile pour évaluer la qualité du greffon dans cette situation.

Comme il s’agit d’une technique difficile, il est important de la tester tout d’abord dans des centres entraînés, puis si les résultats sont bons, de la diffuser dans d’autres établissements de prélèvements, a-t-il estimé.

UN ENCADREMENT TRES STRICT, DES PRATIQUES TRANSPARENTES

Le spécialiste a insisté sur la nécessité d’un encadrement très strict pour aider les professionnels et éviter tout risque de confusion dans l’esprit des familles qui pourraient croire que les médecins n’ont pas tout fait pour sauver leur proche.

L’équipe de Bicêtre a réduit ses pratiques de prélèvement à coeur arrêté et ne s’y engage que pour des patients ayant fait un arrêt cardiaque, pour lesquels le dialogue avec la famille en vue du don a déjà été initié et le registre des refus déjà interrogé.

“Cependant, les réanimateurs stabilisent beaucoup mieux le contrôle hémodynamique de ces patients qui n’évoluent donc plus vers l’arrêt cardiaque”, a-t-il déclaré à APM Santé.

La procédure est utilisable pour prélever des reins mais aussi des foies. A Bicêtre, 8 foies ont ainsi été prélevés.

Le Pr Benoît estime que le coeur battant pourrait fournir 5 à 10% de donneurs supplémentaires, guère plus.

Parmi les autres sources de donneurs potentiels, il a également été question des traumatisés crâniens graves. Là aussi, des difficultés persistent, comme l’a souligné le Dr Bernard Vigué, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital Bicêtre.

S’appuyant sur des données récentes d’étude des pratiques en Ile-de-France, le Dr Vigué a ainsi montré que la prise en charge des traumatismes crâniens graves par le SAMU est loin d’être optimale, avec des écarts par rapport aux recommandations pour la pratique clinique. Les délais de transport sont trop importants et l’hémodynamique cérébrale n’est pas stabilisée de manière optimale. De plus, la prise en charge de ces patients à leur arrivée à l’hôpital n’est pas parfaite non plus.

Au total, la mortalité en Ile-de-France reste très lourde et n’a pas évolué depuis 1995, a indiqué le spécialiste. Cette situation de prise en charge non optimale induit un malaise par rapport à la recherche de donneurs d’organes potentiels.

“Nous serions plus à l’aise si tout était fait dans le respect des recommandations et avec une meilleure organisation. Les taux de succès seraient meilleurs pour ces patients dont la moitié décèdent. Dans le cas où ils ne pourraient pas être sauvés, il serait plus facile de décider de l’arrêt des soins et d’envisager ainsi un prélèvement. En outre, le passage vers la mort cérébrale serait moins brutal en raison des traitements administrés, ce qui fait que les organes prélevés seraient de meilleure qualité”, expliqué le Dr Vigué.

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