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Dans le coeur de Sandrine bat le bonheur de la vie

16 avril 2004, Le Midi Libre

Fin décembre 2003. Une femme de 33 ans s’éteint, à l’autre bout de l’Europe, en Grèce. Mais parce qu’elle avait signalé qu’elle était favorable au prélèvement d’organes, une jeune Aveyronnaise de 25 ans reprend actuellement goût à la vie au sein du paisible centre des Écureuils, posé à Antrenas, près de l’A 75.

Sandrine Fernandez était pourtant atteinte d’une rare maladie depuis de nombreuses années. La HTAP, comprenez l’hypertension artérielle pulmonaire, définie par l’élévation des pressions au niveau des artères pulmonaires, dans lesquelles les résistances à l’écoulement sanguin sont augmentées. Elle risquait une fatale défaillance cardiaque et seule la greffe d’un bloc c€ur – poumons pouvait lui permettre d’envisager un avenir.

C’est donc avec une touchante émotion et beaucoup de joie de vivre que Sandrine a fait part de son expérience lors de l’assemblée générale de l’Adot 48 (Association pour le don d’organes et de tissus humains). Tous ont écouté avec beaucoup d’attention le récit d’une jeune femme qui a passé ce qui aurait dû être les plus belles années de sa vie… à l’hôpital.

« Je suis entrée dans l’établissement Beckler à Paris en 2001. Depuis, j’étais sur la liste d’attente d’une greffe, sans savoir quand cela allait arriver. »

Elle, se fixait un calendrier, histoire de combler l’attente. « Je marchais par tranche de six mois. Cela me permettait de reprendre espoir régulièrement. Même si rien ne venait… »

Peu à peu, Sandrine Fernandez s’est pourtant habituée à cette vie, se fabriquant même un agréable petit cocon. « On se fait à tout. J’avais mon ordinateur pour communiquer avec l’extérieur, le passage d’une visiteuse d’hôpital depuis devenue ma mamie de c€ur. Finalement, l’appréhension était devenue celle de recevoir ce don d’organes, peut-être par peur de retourner dehors. »

L’idée de refuser une éventuelle greffe lui a même traversé l’esprit, peut-être parce que personne, à l’hôpital, ne l’a préparée à l’intervention afin de ne pas engendrer trop d’espoir. Mais sa santé devenait vraiment préoccupante et, heureusement, le 28 décembre dernier, la bonne nouvelle tombait. Le c€ur et les poumons de cette femme grecque étaient compatibles. Le lendemain, Sandrine Fernandez recevait ce cadeau de la vie après une longue opération de six heures.

Difficile, pourtant, trois mois plus tard, de concevoir que bat en elle le c€ur d’une autre. Ou plutôt de se l’approprier. « J’ai désormais le droit de sortir. Et j’ai peur d’abîmer ses organes, par exemple si je vais dans un endroit enfumé. Je ne sais pas si j’arriverais, un jour, à dire que ce c€ur et ces poumons sont les miens. Peut-être, peut-être pas… » Elle sait en revanche qu’elle veut désormais profiter de la vie. Même si l’appréhension est encore présente, que la peur du monde extérieur la tiraille toujours, Sandrine tire des plans sur une belle comète, celle de l’avenir. A 25 ans, ce joli petit bout de femme compte bien fonder un foyer. « Avoir des enfants, travailler… Je peux rêver de choses normales pour quelqu’un de mon âge. »

La jeune Aveyronnaise hésite pourtant à quitter, déjà, le foyer d’Antrenas, pas encore prête à pousser un grand « ouf » de soulagement. « Je ne peux pas dire encore que je revis. Pas totalement ! »

Dynamique et bien entourée par ses proches, sa mère surtout qui l’a tant soutenue dans cette longue et difficile période post-opératoire – « C’était peut-être plus difficile pour elle »-, Sandrine Fernandez compte tout de même sur sa « pêche » pour montrer toute l’importance du don d’organes. Elle n’hésite pas à partager son expérience, même si elle reste persuadée que les mots ne sont pas assez forts. « J’ai peur, aussi, de ne plus revoir les amis que j’ai laissés à l’hôpitaldans l’attente d’un organe. Peur de ne pas savoir parler aux gens, comme ce père de famille qui est venu me voir et dont l’enfant est décédé parce que la transplantation n’est jamais arrivée. »

Des doutes légitimes qui ne lui feront toutefois pas tout oublier. Car parce qu’une femme, anonyme, portait sur elle une carte de donneuse d’organes, Sandrine Fernandez rêve aujourd’hui de choses simples… Comme de passer, chez elle, l’aspirateur qu’elle avait commandé au cours de son hospitalisation. Un petit bonheur de la vie… La vie qui s’offre désormais à elle.

Ludovic TRABUCHET

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