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Psychologues, assistantes sociales, diététiciennes : quel accès aux soins de support pour les patients dialysés ?

Les soins de support sont définis comme “l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie conjointement aux traitement”(1). Ils font aujourd’hui partie intégrante de ce qui est attendu d’une prise en charge de qualité.

 

Ils comportent notamment la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, le soutien nutritionnel, la rééducation fonctionnelle, le soutien psychologique, le soutien social, la socio-esthétique ou l’art-thérapie. Il existe aussi d’autres types de soins de support à ce jour non pris en compte dans la réglementation, par exemple l’hypnose, la méditation, la sophrologie, le yoga, l’acupuncture, etc.

Des soins de support doivent être proposés aux patients dialysés(2).
La réglementation(3) précise que tous les établissements de dialyse “s’assurent le concours, pour cette activité, d’une diététicienne, d’une psychologue et une assistante sociale”. Le recours à ces soins pour les patients doit intervenir “autant que de besoin”, les coûts correspondants étant couverts par les forfaits de dialyse.

Si le nombre d’infirmières en dialyse est clairement fixé (une pour 4 à 6 patients, selon la modalité), aucun ratio n’a été prévu pour les professionnels des soins de support.

Les recommandations internationales préconisent une diététicienne à temps plein (ETP) pour 100 à 150 patients maximum.

Un projet de loi(5) déposé récemment en Californie (“the Dialysis Patient Safety Act”, bill SB 349) propose l’établissement de tel ratios pour la dialyse : 1 ETP assistante sociale pour 75 patients et 1 ETP diététicienne pour 75 patients.

En France, on évoque souvent le risque que toute diminution tarifaire des forfaits de dialyse ait pour conséquence la diminution ou la suppression de ces soins de support(6). Dans le même temps, les patients dialysés se plaignent fréquemment de l’impossibilité d’accès à ces soins(7), pourtant indispensables. Dans quelle mesure sont-ils réellement proposés ?

Pour apporter une réponse à cette question, Renaloo a examiné les données de la Statistique Annuelle des Etablissements (SAE) et d’Hospidiag sur l’année 2015(8).

Des soins de support très peu accessibles

En 2015, un total de 112 entités juridiques privées (à but lucratif et non lucratif), auxquelles étaient rattachées 677 antennes, avaient une activité exclusive de dialyse.

Elles prenaient en charge environ 25 600 patients (22 600 en HD et 3 000 en DP), soit plus de 60% des 42 000 patients dialysés en France (REIN 2015). Chaque antenne traitait en moyenne 33 patients. 3,5 millions de séances d’hémodialyse ont été réalisées par ces unités sur l’année.

Au total, elles ont eu recours à :

  • 30 assistantes sociales (1 pour 760 patients)
  • 30 psychologues (1 pour 760 patients)
  • 48 diététicienness (1 pour 470 patients)

Ces ratios sont très faibles, au regard des besoins des patients, et très inférieurs aux recommandations

Plus de 80% de ces unités (554 sur 667) ne disposaient d’aucun personnels de soins de support, salariés ou libéraux. Les 15 220 patients dialysés pris en charge dans ces structures (13 560 en HD et 1 660 en DP) n’avaient donc aucun accès à aucun soin de support.

Statut lucratif versus non-lucratif

Le statut juridique des structures a également un impact important sur l’accès aux soins de support.

Ainsi, les 505 unités de dialyse de statut associatif (privé à but non lucratif), qui traitaient en 2015 14 090 patients en HD et 2 823 patients en DP (en moyenne 33 patients par unité), disposaient au total de :

  • 24 assistantes sociales (1 pour 600 patients)
  • 21 psychologues (1 pour 660 patients)
  • 36 diététiciens (1 pour 400 patients)

Ces chiffres peuvent être comparés à ceux des 171 unités privées à but lucratif, prenant en charge 8494 patients en HD et 188 en DP (en moyenne 51 patients par unité) :

  • 6 assistantes sociales (1 pour 1 400 patients)
  • 9 psychologues (1 pour 1 000 patients)
  • 13 diététiciens (1 pour 700 patients)

L’accès aux soins de support est encore moins proposé dans les structures privées lucratives que dans le secteur associatif.

Soins de support et rentabilité des structures lucratives

En 2015, seulement 34 structures lucratives exerçant exclusivement la dialyse ont déclaré leur taux d’EBITBA(10), qui constitue un bon indicateur de la rentabilité d’un établissement.

Pour 17 d’entre elles, ce taux était supérieur ou égal à 15%, montrant une rentabilité considérée comme très importante.

Or, 10 de ces 17 structures ne proposaient aucun soin de support à leurs patients. Les 7 autres proposaient des ratios très faibles.

Le non recours aux soins de support pour ces structures n’est donc pas lié à des difficultés économiques, au contraire, puisque leur rentabilité montre qu’elles étaient à même de les prendre en charge.

Analyse des bonnes pratiques

Parmi les 123 unités proposant des soins de support, nous avons cherché à identifier celles ayant les meilleures pratiques, c’est à dire disposant :
– A la fois d’assistantes sociales, de diététiciennes et de psychologues
– de ratios au moins égaux, pour chaque profession, à 1 pour 600 patient

Seules 32 unités de dialyse réunissaient ces deux critères(11). Parmi elles, 26 étaient à but non lucratifs et 6 à but lucratif.

Elles traitaient au total 2 364 patients (1779 en HD et 585 en DP), avec des ratios d’environ :

  • 1 assistante sociale pour 150 patients
  • 1 psychologue pour 175 patients
  • 1 diététicienne pour 120 patients

Ces ratios, correspondant à des pratiques pouvant être considérées comme vertueuses, pourraient constituer des objectifs souhaitables – et réalistes – à atteindre par l’ensemble des établissements. On peut noter que le ratio concernant la diététique est cohérent avec les recommandations internationales.

Conclusion

Ces constats permettent de supposer que le financement des soins de support dédiés aux patients insuffisants rénaux dialysés reste souvent considéré comme optionnel. Les coûts associés sont vus comme des dépenses facultatives, dont la suppression permet d’améliorer la rentabilité.

Le dispositif réglementaire actuel est insuffisant pour garantir aux patients dialysés l’accès aux soins de support dont ils ont besoin et qui sont nécessaires à une prise en charge de qualité.

L’instauration de ratios pour les soins de support, définis sur la base des pratiques des structures les plus vertueuses, pourrait constituer un levier efficace pour améliorer et homogénéiser cet accès. La bonne mise en oeuvre de ces ratios devrait faire l’objet d’une évaluation. 

Voir aussi :

“Pourquoi le mode de financement de la dialyse est mauvais pour les patients ?”

> Pourquoi l’organisation de la dialyse cherche t-elle à décourager l’autonomie des patients ?

> Nos propositions pour une réorganisation des soins et une réforme du financement

Références :

(1) Plans cancer

(2) Circulaire DHOS/SDO/201/101

(3)  Circulaire du 15 mai 2003 sur la pratique de l’épuration extra-rénale

(4) KDOKI 2000

(5) Ce texte a fait suite au talk show “Last Week Tonight” de John Oliver, diffusé en mai 2017, dénonçant des dysfonctionnements et des dérives financières dans l’organisation de la dialyse aux USA.

(6) Rapport sur la dialyse chronique en France en 2016, SFNDT 2016

(7) Voire notamment les résultats de l’enquête des Etats Généraux du Rein

(8) SAE comporte notamment par établissement les nombres de séances de dialyse réalisées dans chaque modalité, les personnels (en ETP) dédiés aux soins de support (assistants service social, psychologues, diététiciens), qu’ils soient salariés ou libéraux. Ces données sont mutualisées sur l’ensemble de l’établissement. Lorsqu’il pratique d’autres activités en plus de la dialyse, il n’est donc pas possible de connaître la part de ces postes dédiée à la dialyse. C’est notamment le cas pour les établissements publics, ainsi que pour certaines structures privées, à but lucratif ou non. En raison de cette limite, nous n’avons pris en compte que les structures pratiquant exclusivement la dialyse.

(9) Hospidiag comporte des données financières, notamment les taux d’EBITDA (Chiffre d’affaire hors taxes – Achats et charges externes – Charges de personnel – Autres charges), dont le remplissage est facultatif. L’EBITBA correspond approximativement à l’excédent brut d’exploitation des structures et constitue donc un bon indicateur du niveau de rentabilité du processus d’exploitation d’un établissement. Malgré la non-exhaustivité de son recueil, cet indicateur permet d’étudier les pratiques des structures de dialyse les plus rentables vis-à-vis des soins de support.

(10) par ordre alphabétique : AAIR, Colomiers ; AGDUC, Valence ; ALURAD, Limoges ; ANIDER, Hérouville-Saint-Clair ; ARTIC 42, L’Horme, Saint-Etienne, Savigneux, Monistrol-sur-Loire ; ASDR, Saint-André, Saint-Paul, Sainte-Marie, Saint-Denis, La Réunion ; ATIR, Avignon, Carpentras, Orange ; AUB, Rennes ; AURAD Aquitaine, Gradignan ; AURAL Villon Lyon ; CALYDIAL Vienne, Portes du Sud, Pierre-Bénite, Irigny, Sainte Colombe ; Clinique Delay, Bayonne ; Polyclinique Bordeaux Rive Droite, Lormont ; Santelys, Loos.

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