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Greffes : un agent antirejet a priori peu toxique testé avec succès chez le singe

31 octobre 2003, Le Quotidien du Médecin

Des chercheurs décrivent dans « Science » un nouvel agent immunosuppresseur, inhibiteur sélectif de la tyrosine kinase JAK-3, qui promet d’être efficace et peu toxique. Actif par voie orale, il prévient le rejet d’organe chez le singe sans entraîner les effets secondaires des immunosuppresseurs actuels. Sa bonne tolérance est aussi observée chez des volontaires sains.

Les effets secondaires des agents immunosuppresseurs dont on dispose pour prévenir le rejet de greffe et pour traiter les maladies auto-immunes sont liés au fait que leurs cibles moléculaires sont exprimées dans de nombreux types cellulaires.

L’idéal serait un immunosuppresseur qui bloque l’action des cellules immunes sans interférer avec les autres cellules.

En quête d’un nouvel immunosuppresseur hautement sélectif, des chercheurs de Pfizer (Groton, Connecticut) ont développé un inhibiteur spécifique de la tyrosine kinase JAK-3, appelé CP-690,550. Son évaluation dans des modèles de transplantation chez la souris et le singe est prometteuse, selon une étude publiée dans la revue « Science ».

« En théorie, la molécule ciblée par cet immunosuppresseur est présente uniquement dans les cellules immunes. Nous avons montré qu’en ciblant cette voie qui est spécifique aux cellules immunes l’immunosuppression est efficace. Et, sur la base des données que nous avons maintenant, nous pensons que les effets secondaires de cet immunosuppresseur chez les hommes seront très probablement limités », déclare le Dr Dominic Borie (laboratoire d’immunologie de transplantation de l’université médicale de Stanford, Californie), qui a dirigé l’étude préclinique chez la souris et le singe.

Tandis que les précédents immunosuppresseurs ont été découverts un peu par hasard – par exemple la découverte qu’un antibiotique bloque aussi la prolifération des cellules immunes -, ce nouvel immunosuppresseur a été développé de façon rationnelle.

Une leçon tirée du SCID lié à l’X

L’inspiration vient d’une meilleure connaissance des mutations responsables du syndrome d’immunodéficience combinée sévère (SCID). Le SCID lié à l’X est causé par la mutation de la chaîne gamma des récepteurs aux cytokines, récepteurs indispensables pour activer les cellules immunes. Tous ces récepteurs requièrent la tyrosine kinase cytoplasmique JAK3 (Janus kinase 3) pour le signal d’activation, et les patients dépourvus de JAK3 présentent un SCID. Etant donné son rôle crucial et sélectif dans l’activation des lymphocytes, JAK3 représente une excellente cible pour induire une immunosuppression.

L’équipe de Pfizer a identifié parmi des milliers de molécules un inhibiteur de JAK3 in vitro. Ils ont « optimisé » cette molécule pour obtenir le CP-690,550, un puissant inhibiteur sélectif de JAK3, actif par voie orale. Ses résultats sont prometteurs dans un modèle murin de transplantation cardiaque et, mieux encore, dans un modèle de transplantation rénale chez le singe. C’est en effet le premier inhibiteur JAK3 qui montre une efficacité antirejet chez le singe.

En outre, le CP-690,550 produit une immunosuppression suffisante pour prévenir le rejet de greffe d’organe sans entraîner les effets secondaires classiques des immunosuppresseurs (hypertension, hyperlipidémie ou maladie lymphoproliférative).

Les chercheurs poursuivent l’évaluation chez le singe de doses encore plus faibles et de sa combinaison avec d’autres immunosuppresseurs afin d’optimiser la stratégie thérapeutique en vue des essais cliniques chez les patients transplantés.

Dr V. N.
« Science », 31 octobre 2003, p. 871.

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