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Prélèvement d’organe sur donneur décédé suite à un arrêt cardiaque

Des résultats très encourageants

L’activité de prélèvement d’organes et de reins en particulier ne permet, en France, que de greffer un tiers des patients susceptibles de recevoir une transplantation.

Cette situation de pénurie a conduit l’Agence de Biomédecine et les équipes de transplantation à optimiser les stratégies de prélèvement et d’allocation des organes et de mettre en place, depuis septembre 2006, un protocole clinique national de transplantations rénales réalisées à partir de donneurs décédés par arrêt cardiaque (NHBD). Même s’il existe encore des réticences de la part d’un nombre restreint de membres de la communauté médicale, celles-ci tendent à s’estomper et cette technique de prélèvement qui n’a cessé de progresser est désormais considérée comme un complément efficace aux techniques de prélèvement sur les sujets en état de mort encéphalique, comme nous l’explique le Pr Lionel Badet.

AFIN D’AUGMENTER le nombre des organes disponibles, l’Agence de la biomédecine, se fondant sur l’expérience encourageante de plusieurs pays étrangers (Belgique, Hollande, Royaume-Uni, Espagne, Japon), a estimé que les personnes décédées de mort encéphalique, après arrêt cardiaque persistant, pouvaient désormais être donneurs d’organes et que cette source de donneur pourrait permettre à terme une augmentation de l’activité de transplantation rénale de l’ordre de 20 %. En effet, jusqu’en 2005, seuls les prélèvements sur des personnes en mort encéphalique à hémodynamique conservée pouvaient être pratiqués. Le décret 2005-949 du 2 août 2005 autorise désormais les prélèvements d’organes et de tissus « sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant. Ces prélèvements sont réalisés dans le respect de protocoles édictés par l’Agence de biomédecine ».

Conditions réglementaires.

Le Pr Lionel Badet du CHU de Lyon nous détaille les conditions actuellement en vigueur pour que ces prélèvements puissent être effectués : « Ces prélèvements de donneurs décédés par arrêt cardiaque (hors arrêt de soin volontaire) ne peuvent être réalisés que dans des établissements de santé qui ont signé une convention avec l’Agence de la Biomédecine. Dix centres français sont actuellement autorisés à développer cette activité et le processus d’ouverture à d’autres centres devrait être débloqué par la DGS avec la publication des résultats préliminaires très encourageants de ce type de greffe en France, l’éclaircissement de la question du diagnostic de la mort par arrêt cardiaque et celui de la circulation extracorporelle apportées par le Rapport Riou qui fixe précisément le moment où le constat de décès par arrêt cardiaque et respiratoire persistant peut être établi. Il n’est dès lors pas exclu de penser que de nouveaux centres pourront prochainement être accrédités pour réaliser ce type procédure. »

Les autres conditions sont que les donneurs soient âgés de moins 55 ans et sans antécédent médical connu, qu’il n’y ait pas plus de 30 minutes d’asystolie entre l’arrêt cardiaque et la mise en place d’une réanimation efficace. Les moyens de préservation (canule de Gillot ou circulation extracorporelle régionale) doivent être mis en route moins de 150 minutes après l’arrêt cardiaque, puis les reins prélevés dans les deux à trois heures. Les organes prélevés doivent être placés sur une machine de perfusion pour évaluer leur capacité de récupération fonctionnelle et être préparés à la reperfusion. Les receveurs potentiels doivent être âgés de moins de 60 ans, non immunisés, et avoir signé un consentement.

Enfin, la greffe doit être effectuée dans les 16 heures qui suivent l’arrêt cardiaque.

Une technique préférentielle.

Actuellement, deux techniques de préservation des organes sont employées : la canule de Gillot ou la circulation extracorporelle (CEC) régionale. Mais, l’expérience aidant, le Pr L. Badet constate que « la CEC régionale semble préférable à la canule de Gillot puisqu’elle permet d’obtenir une qualité de conservation bien supérieure qui conduit à une diminution de 80 % à 12 % du taux de reprise retardée de fonction rénale après transplantation et très probablement à de meilleures survies de greffons au long cours. D’autre part, la CEC régionale présente un coût inférieur puisque le matériel est moins onéreux et le nombre de dialyses post transplantation très significativement inférieur dans l’expérience de ceux qui l’utilisent.

Enfin, seule l’utilisation de la CEC permettra par ailleurs aux équipes de transplantation hépatique qui le souhaitent d’utiliser les foies provenant de NHBD et de lancer ce programme dont les modalités viennent d’être établies par un groupe d’expert piloté à l’Agence de la Biomédecine. »

Organiser et revaloriser.

Le Pr L. Badet en est persuadé : « ce projet doit être intégré par tout l’établissement, soutenu par la gouvernance hospitalière, et pas uniquement porté par les équipes d’urologie ou de néphrologie qui doivent se le désapproprier. Il faut avoir une très grande réactivité, car une majorité de personnels doit être prête à intervenir à chaque instant, 24 heures sur 24 pendant 365 jours par an pour que l’on puisse amener le prélèvement à son terme et réaliser la transplantation dans les plus brefs délais. Cela est d’autant plus essentiel que des échecs successifs de procédure sont propres à démobiliser les acteurs impliqués en amont et que la tolérance à l’erreur est finalement très réduite. Il est donc impératif que la mise en œuvre soit structurée et que le coût humain et matériel soit parfaitement pris en compte. Si l’on veut que ces activités se développent et que les systèmes mis en place soient pérennes, il faut les valoriser et rémunérer les équipes qui travaillent à flux tendu à leur juste valeur. Il faut donc redimensionner les moyens à la stratégie choisie et, en cette période de pénurie médicale, opter pour une politique plus incitative en matière de rétribution ».

BENOÎT THELLIEZ, le Quotidien du Médecin

D’après un entretien avec le Pr Lionel Badet, hôpital Edouard-Herriot, Lyon.

 

 

 

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