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Greffe rénale à partir d’un donneur vivant : des recommandations formalisées d’experts

La publication de recommandations formalisées d’experts sur le prélèvement et la greffe à partir de donneur vivant pourrait contribuer à augmenter ce type de transplantation, qui reste limité dans notre pays. Étant donné le très faible risque auquel est exposé le donneur et la meilleure qualité du greffon, la greffe rénale à partir d’un donneur vivant a des avantages certains, notamment pour les patients les plus jeunes. Les explications du Pr Christophe Legendre*.

LE QUOTIDIEN – Quelle est actuellement la place des greffes rénales à partir de donneur vivant dans notre pays ?

Pr CHRISTOPHE LEGENDRE – Elle est trop faible. En 2008, 223 greffes rénales ont été réalisées avec un rein de donneur vivant, ce qui représente 7,8 % des 2 826 transplantations rénales, alors qu’aux États-Unis, comme dans d’autres pays, notamment scandinaves, ce taux atteint 40 à 45 %.

Pourquoi une telle différence ?

La première raison tient sans doute à un certain degré de méconnaissance de la part des néphrologues, qui ont plus l’habitude d’avoir recours à la greffe à partir de donneurs décédés. Il faut bien dire que, globalement, au niveau international, nous sommes dans le peloton de tête des pays industrialisés pour la transplantation rénale à partir de reins de donneurs décédés. Il existe néanmoins une grande inégalité d’accès à la greffe sur le territoire national. Dans certaines régions, l’accès est très facile avec des délais courts et les équipes n’éprouvent pas le besoin d’avoir recours à la greffe à partir d’un donneur vivant. Dans d’autres régions, et plus particulièrement dans les grandes métropoles, la pénurie devrait inciter au développement des greffes à partir de donneurs vivants, mais nous nous confrontons à un autre obstacle : le manque de moyens humains pour préparer et organiser ce type de transplantations, qui nécessitent en effet une logistique lourde afin de décharger les donneurs des contraintes inhérentes à la réalisation des examens et des rendez-vous émaillant le parcours. Enfin, pendant longtemps, l’Agence de biomédecine n’a pas soutenu suffisamment le développement de cette approche. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, comme en témoignent ces recommandations formalisées d’experts publiées sous son égide.

Sur quelle méthodologie s’appuient ces recommandations et quelles en sont les grandes lignes ?

Il s’agit d’un ouvrage collectif réalisé par un groupe d’experts, qui, en s’appuyant sur les données de la littérature et leur propre expérience, répondent à un certain nombre de questions et élaborent des recommandations consensuelles. En ce qui concerne les greffes à partir d’un donneur vivant, nous étions une quarantaine d’experts d’horizon divers. Les recommandations, qui ont été élaborées, couvrent l’ensemble des procédures (techniques, anesthésie, suivi…) pour prendre en charge donneur et receveur. Le but est de mettre à la disposition des professionnels des données qui permettront une prise en charge la plus homogène possible des donneurs et des receveurs.

Quel est l’intérêt des greffes à partir d’un donneur vivant ?

Il faut d’abord souligner le très faible risque que comporte cette intervention pour le donneur. La mortalité est estimée à 0,3 pour 10 000. Nous disposons de données de suivi d’une trentaine d’années montrant que l’espérance de vie de ces donneurs est comparable à celle de la population générale, voire plus longue, sans doute en raison d’un biais de recrutement et d’une meilleure surveillance médicale. Les donneurs ne sont pas exposés à un risque accru d’insuffisance rénale mais à une probable augmentation de la pression artérielle. Le seul risque théorique est la survenue d’une situation imposant l’ablation du rein unique (traumatisme du rein, cancer).

Pour le receveur, l’intérêt est de disposer d’un rein parfait. Compte tenu de la pénurie de greffons, les donneurs sont de plus en plus âgés (52 ans en moyenne) avec, en corollaire, des organes de moindre qualité, dits « marginaux », et ayant par conséquent une durée de vie plus courte. De plus en plus de patients devront donc subir une nouvelle greffe. Les malades jeunes ont donc un intérêt particulier à bénéficier d’un rein d’un donneur vivant. De plus, autre avantage, il est possible de réaliser la transplantation avant de débuter la dialyse (greffe préemptive). Cette approche offre également parfois l’avantage d’une meilleure compatibilité, puisque le greffon provient d’un membre de la famille, parent, frère ou sœur, enfant ou cousin de premier degré. D’où un moindre risque de rejet.

Dr Marine Joras, le Quotidien du Médecin
*Hôpital Necker, Paris
 

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