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Le tourisme de transplantation en question

Le tourisme de transplantation en question

Un texte de la députée Valérie Boyer vise à lutter contre le trafic d’organes achetés à l’étranger. En France, le phénomène reste marginal, selon l’Agence de la biomédecine.

La députée UMP des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer est à l’origine d’une proposition de loi visant à lutter contre le « tourisme de transplantation d’organes ». Cette appellation désigne la pratique consistant, pour certains patients de pays riches, à se rendre à l’étranger pour obtenir des organes moyennant finances.

L’objectif du texte, dont on ignore quand il sera débattu, est de « renforcer le système de surveillance et de traçabilité » des transplantations. Ce tourisme concerne surtout les greffes de rein réalisées à partir de donneurs vivants. Dans certains pays (Chine, Pakistan, Philippines…), des personnes démunies n’hésitent pas à vendre un des leurs reins à des patients-touristes en attente de greffe.

En 2004, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que cette pratique représentait 10% de l’ensemble des transplantations au niveau mondial.

En France, le phénomène reste toutefois marginal. Interrogé à ce sujet, le docteur Karim Laouabdia, directeur médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine (ABM), indique : « Nous sommes très attentifs à ce problème du trafic d’organes. Chaque année, nous devons rendre au Parlement un rapport sur ce sujet, que nous élaborons à partir de questionnaires adressés aux équipes de greffes rénales et aux centres de dialyse. » Les médecins sollicités sont invités à signaler (anonymement) les patients greffés à l’étranger à partir de donneurs vivants possiblement rémunérés.

En 2009, l’Agence a reçu des réponses de 211 centres de dialyse (sur 354 sollicités) et de 21 équipes de greffe rénale (sur 46). Seuls quatre patients greffés à l’étranger en 2009 ont été dénombrés, dont trois ont déclaré avoir rémunéré le donneur. Certains malades auraient-ils pu ne pas être repérés ? Difficilement, compte tenu du fait que ceux-ci doivent suivre à vie un traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet du greffon.

C’est bien sûr la pénurie d’organes dans les pays riches qui peut inciter certains malades à se tourner vers l’étranger. En France, au 1er janvier 2010, 7511 patients étaient en attente d’une greffe de rein.

« Au-delà du problème éthique posé par la rémunération d’un organe, il convient de préciser que ces transplantations sont souvent réalisées dans des conditions sanitaires peu satisfaisantes avec des organes parfois touchés par des pathologies transmissibles telles que le VIH/sida ou l’hépatite B », indique le docteur Laouabdia.

Le texte de Valérie Boyer stipule que toute personne transplantée à l’étranger devra fournir avant son retour en France un certificat attestant que l’organe a été obtenu gratuitement. Il oblige aussi les médecins à signaler à l’Agence de biomédecine l’identité de toute personne greffée hors des frontières. « Le croisement de ces données permettra d’identifier ceux pour lesquels il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils ont été impliqués » dans un trafic d’organes, indique le texte. Ainsi identifiés, ils pourraient être poursuivis en justice.

Une disposition qui risque d’être mal perçue par les médecins peu désireux de se transformer, selon l’expression de l’un d’entre eux, en auxiliaires de police.

Pour rappel, l’article 511-2 du Code pénal français indique que :
Le fait d’obtenir d’une personne l’un de ses organes contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.
Est puni des mêmes peines, le fait d’apporter son entremise pour favoriser l’obtention d’un organe contre le paiement de celui-ci, ou de céder à titre onéreux un tel organe du corps d’autrui.
Les mêmes peines sont applicables dans le cas où l’organe obtenu dans les conditions prévues au premier alinéa provient d’un pays étranger.

D’après Pierre Bienvault, la Croix, 19/10/2010

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