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Loi de bioéthique : dons croisés et “dons entre amis”, récit d’une révision

C’est une évolution législative majeure que proposent les députés dans le cadre de la discussion du projet de loi de bioéthique, adoptée par tous les pays européens, sauf le Portugal et la France.

Les députés ont autorisé ce 10 février les dons croisés d’organes entre personnes vivantes, mais également le don d’un ami proche dans le projet de loi de bioéthique.
Autant l’autorisation du don croisé figure dans le projet de loi du gouvernement, autant celle du don de proches non apparentés n’était absolument pas prévue.

L’article 5 adopté modifie les règles de prélèvement d’organes sur une personne vivante, concernant donc uniquement le rein et le foie, avec l’objectif de développer le nombre de greffes à partir de donneur vivant (281 greffes de rein en France en 2010 sur un total de 2.889 greffes rénales, soit 9,7%; 17 greffes de foie sur un total de 1.092 greffes soit 1,5%).
Le premier élargissement, soutenu par le gouvernement, autorise une personne vivante, ayant déjà exprimé une intention de don au bénéfice d’un receveur en attente d’organe, à se voir proposer le recours à un don croisé d’organes avec une autre paire donneur/receveur en cas d’incompatibilité médicale au sein des paires.

Les principes éthiques généraux pour les dons et utilisations des éléments et produits du corps humain seront respectés: consentement préalable au prélèvement, révocable à tout moment; gratuité; anonymat entre paires; estimation du bénéfice/risque des interventions et mise en oeuvre du système de vigilance sanitaire. Il est prévu qu’une information préalable spéciale sur les modalités du don croisé soit apportée au donneur par un comité d’experts.
Pour garantir la réciprocité du croisement, les opérations de prélèvement et de greffe devront être engagées simultanément. L’organisation logistique sera lourde, a souligné le rapporteur Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes), car nécessitant de mobiliser quatre blocs opératoires. Les modalités de ce nouveau dispositif seront fixées par décret en Conseil d’Etat.

La gestion des combinaisons d’appariement des paires de donneur/receveur sera assurée à l’échelon national par l’Agence de la biomédecine qui tiendra un registre des paires associant donneurs vivants et receveurs contenant toutes leurs données médicales.

Autorisation du don d’un ami proche

Contre l’avis du gouvernement, les députés ont élargi jeudi aux amis proches le cercle des donneurs vivants d’organes, actuellement réduit aux personnes ayant un lien de parenté proche (père, mère, conjoint, frère, soeur, fils, fille, grand-parent, oncle, tante, cousin germain, conjoint de la mère ou du père).

Un amendement de la députée UMP Claude Greff (Indre-et-Loire), soutenu par des députés UMP, Nouveau centre et socialistes, a été adopté contre l’avis du gouvernement et du rapporteur Jean Leonetti, pour qu’une “personne ayant un lien affectif étroit, stable et avéré avec le receveur” soit autorisé à faire un don de son vivant.

Plusieurs députés ont rappelé les chiffres de la greffe pour plaider en faveur de cet élargissement : 4.705 greffes réalisées en 2010 à partir de 1.476 donneurs pour une liste d’attente de plus de 10.560 personnes et 277 personnes décédées alors qu’elles étaient en attente de greffe.

Jean Leonetti a tenté de contrer le mouvement en soulignant que le “lien affectif durable” serait “difficile à avérer” devant le juge et qu’il fallait “privilégier le don cadavérique”. Il a estimé que le don de personnes vivantes ne constituait pas une solution à la pénurie d’organes.

Craintes du gouvernement face au trafic d’organes

La secrétaire d’Etat à la santé, Nora Berra, a mis en avant un risque de “pression” et de “tractations financières” avec le donneur et a cité, comme une menace, l’exemple du démantèlement d’un vaste trafic mis à jour par le FBI aux Etats-Unis. Elle a aussi remarqué que cet élargissement aurait un effet marginal car il ne bénéficierait qu’à la greffe de rein. Le don vivant reste “dangereux” pour la greffe de foie et “impossible pour les autres organes”.

La secrétaire d’Etat a tenté de convaincre les députés de renoncer en soulignant, comme l’avait fait son ministre de tutelle, Xavier Bertrand, mercredi soir, qu’un plan de développement de la greffe était en préparation et qu’un rapport faisant un état des lieux complet serait rendu en juin.

Le socialiste Jean-Louis Touraine (Rhône) a plaidé pour le développement du donneur vivant, en soulignant que la proportion pour la greffe rénale n’avait “jamais atteint 10% en France”, alors que les autres pays se situaient “entre 25 et 50%” . “Il nous faut rattraper ce retard”.

Il a estimé que la crainte de trafics d’organes n’était pas justifiée pour la France car “il n’y a eu aucun trafic dans notre pays”. Jean-Louis Touraine a aussi souligné qu’il n’y avait “pas de grande différence de lien” entre “un ami proche” et “un cousin” car ce cousin bien que germain pouvait en réalité être une personne avec un lien affectif bien moins fort qu’un ami de longue date. Le socialiste Alain Claeys (Vienne) a plaidé pour cet élargissement “même si cela développe seulement un petit pourcentage”.

Par ailleurs, les députés ont voté cinq dispositions visant à protéger ou à distinguer les donneurs vivants.

L’article 5 quater accorde la “reconnaissance symbolique de la nation” envers les donneurs d’organes vivants et inscrit un principe de “non discrimination” à leur égard. Les députés ont également inscrit, dans le code pénal, que la prise en compte des conséquences d’un prélèvement d’organe est considérée comme une discrimination envers un donneur vivant. Il s’agit de protéger le donneur vis-à-vis d’assureurs qui voudraient le pénaliser en raison d’un risque particulier sur son état de santé. La disposition a été jugée mal rédigée mais a été maintenue.

L’article 5 quinquies prévoit que les donneurs vivants seront prioritaires sur la liste des candidats à la greffe s’ils ont besoin d’un organe un jour.

Le gouvernement aura l’obligation de rendre deux rapports avant le 1er octobre, un sur l’amélioration des conditions de remboursement des frais engagés par les donneurs vivants (article 5 decies du projet de loi) et un sur leur indemnisation en cas de dommages subis du fait du prélèvement (article 5 nonies).

 

 

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