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Didier Tabuteau : vers une nouvelle loi pour les droits des patients ?

Didier Tabuteau : vers une nouvelle loi pour les droits des patients ?

Didier Tabuteau, Conseiller d’État, responsable de la Chaire Santé de Sciences Po et du Centre d’Analyse des Politiques Publiques de Santé de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, revient sur le bilan de la loi sur les droits des patients du 4 mars 2002 et sur les évolutions nécessaires… Extraits choisis.

(…) La France est en retard sur le droit à l’information sur la qualité des établissements et des professionnels, d’où le succès des palmarès hospitaliers dans les médias. (…) L’égalité d’accès aux soins comprend trois volets : financier, territorial et socioculturel, c’est-à-dire l’accès à l’information. Celui-ci est aujourd’hui essentiellement assuré par les professionnels, qui sont la source la plus utilisée pour se renseigner sur le système de santé. Cela signifie que vous n’obtenez pas les mêmes informations selon que vous avez des médecins dans votre famille ou votre entourage proche ou que vous avez une telle distance socioculturelle avec le milieu médical que vous n’osez même pas demander à votre praticien un conseil sur un établissement.

(…) Les associations de patients ont porté plusieurs politiques publiques, non seulement dans la lutte contre le sida, mais aussi contre le diabète, le cancer et bien d’autres, avec une efficacité, une clairvoyance et une compétence remarquables.

La loi du 4 mars 2002 n’est pas allée assez loin dans la démocratie sanitaire. Il faut lui donner les moyens, en particulier financiers, qui existent pour les démocraties politique et sociale, pour que les associations puissent assurer leurs rôles en toute indépendance des intérêts privés. Elles ont des milliers de postes de représentation à remplir dans les institutions (commissions régionales, nationales, agences, etc) et les établissements de santé. Certaines fonctions éminentes sont déjà excellement assurées par certains de leurs représentants. Mais pour qu’elles jouent un rôle majeur, il faut que leurs membres soient formés et leurs fonctions soutenues. C’est fondamental pour un système de santé moderne, dont les quatre piliers sont l’État, les caisses d’assurance maladie, les professionnels de santé et les associations de patients et d’usagers.

Aujourd’hui, le système est bancal parce que ce dernier pilier n’a pas la puissance institutionnelle des syndicats et des professionnels. Son renforcement devrait être un élément majeur d’une future loi sur les droits des patients.

La loi HPST (Hôpital patients santé territoires) est passée complètement à côté de cette nécessité. La Conférence nationale de santé s’appuie sur les services du ministère de la santé, et les conférences régionales dépendent totalement des ARS (agences régionales de santé), dont elles sont des sortes de commissions annexes, sans secrétariat ni budget autonomes. Or il faut assurer leur indépendance, de même qu’il faut donner aux associations représentatives les moyens pour remplir les missions que leur donne la loi.

Contrairement aux droits individuels (codécision, accès au dossier médical, …) et collectifs (droit à l’information, démocratie sanitaire), les droits sociaux ont plutôt régressé, notamment en ce qui concerne les conditions de prise en charge des soins et de la prévention. Il faut en particulier revenir à un taux de remboursement satisfaisant des soins courants et refaire des assurances privées et des mutuelles des complémentaires, et non pas des acteurs principaux du système.

C’est important en particulier pour les ALD (affections de longue durée), dont la prise en charge est de 100 % pour la pathologie principale, mais pas pour le reste ; or en général les malades concernés ont des pathologies associées, ce sont même eux qui supportent le plus les dépenses de soins courants.

Il faut également faire cesser les restes à charge extrêmes, par exemple, le ticket modérateur hospitalier, qui est un non-sens : qui peut légitimement soutenir que c’est aux patients de modérer leur recours à l’hospitalisation ? L’exonération doit être indépendante de sa durée et des actes pratiqués. Même pour les soins ambulatoires, invoquer la responsabilité du patient est un discours difficile à tenir : le gaspillage et le nomadisme médical sont très marginaux dans ces dépenses et ne justifient pas un reste à charge à 50 % ! L’immense majorité des soins sont contraints.

(…) Au total, nous assistons actuellement à une évolution profondément inégalitaire de l’assurance maladie. Les difficultés des finances publiques ne devraient pas la justifier, au contraire ! c’est dans les périodes de crise qu’il faut renforcer le pacte social. (…)

Depuis la loi du 4 mars 2002, les patients ont-ils changé ? C’est aux sociologues de répondre. Je pense que leurs droits individuels sont mieux reconnus même s’il reste beaucoup à faire.

Les usagers du système de santé ont également accès à beaucoup plus d’informations de santé qu’autrefois. En revanche, il est difficile de dire si ça n’a pas accentué les inégalités socioculturelles d’accès à la santé, qui restent majeures. (…). Enfin il est malheureusement certain que beaucoup rencontrent des difficultés accrues pour accéder aux services de santé pour des raisons financières ou de pénurie médicale.

D’après l’entretien publié dans le numéro 871 de décembre 2011 de la Revue du praticien médecine générale.

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