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La loi de bioéthique au fil du temps

La loi de bioéthique définit le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les activités de prélèvement et de greffe, mais aussi de procréation, d’embryologie et de génétique humaines, en France.

La loi que nous connaissons est le résultat de plusieurs décennies d’évolution des textes et des pratiques, puisque les premiers textes de lois relatifs au don d’organes datent de 1887 !

Panorama sur un feuilleton dont chaque épisode est essentiel pour comprendre le paysage du don et de la greffe en France.

Voir aussi notre dossier sur la révision 2009 – 2011 de la loi de bioéthique.

Le diagnostic de la mort

Le diagnostic de mort repose jusqu’à la fin des années soixante sur l’arrêt cardiaque, ce qui pose des difficultés pour les prélèvements, car les organes ne sont plus vascularisés.

En France la mort cérébrale, décrite en 1959, ne sera reconnue officiellement qu’en 1968 dans la circulaire légalisant le prélèvement d’organes sur un sujet en état de mort encéphalique.

En 1970, le diagnostic de mort cérébrale est défini : c’est la destruction irrémédiable et définitive du cerveau, alors que l’activité cardiaque et respiratoire peut être entretenue de manière artificielle assurant la perfusion des organes qui pourront être prélevés.

La loi Caillavet

Au milieu des années 70, Henri Caillavet, alors sénateur, est sensibilisé à la question de la transplantation par Jean Hamburger.

Ce dernier lui suggère d’être à l’origine d’une disposition législative destinée à favoriser le don d’organes.

En 1976, la loi Caillavet donne un cadre législatif permettant de faire des prélèvements, si l’on sait que le donneur ne s’y est pas opposé : c’est le principe du consentement présumé.

Des registres de refus sont créés dans tous les établissements hospitaliers, donnant la possibilité aux personnes opposées au don de le faire savoir.
Voir le récit d’Henri Caillavet sur son engagement en faveur du don

La loi de bioéthique de 1994

Les questions soulevées par les progrès scientifiques et techniques dans le domaine des sciences de la vie alimentent en France, depuis les années 1980, un large débat public qui a abouti, en 1994, au vote de trois lois de bioéthique, encadrant le développement du progrès biomédical pour protéger les droits fondamentaux de la personne.

Voir le texte de la Loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain sur Legifrance

Concernant le don et la greffe, la loi de 1994 a énoncé plusieurs grands principes :

  • Le consentement présumé

Est présumée consentante, toute personne qui, de son vivant, n’a pas fait connaître son opposition au prélèvement. Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit “s’efforcer de recueillir le témoignage de la famille“.

Le registre national des refus est créé.

Le Code de la santé publique prévoit une parfaite étanchéité entre les médecins qui constatent la mort et ceux qui font le prélèvement ou la greffe ; la restauration décente du corps après le prélèvement est exigée.

  • La gratuité du don

La loi interdit toute rémunération du don d’organes et de tissus.

  • L’anonymat

Afin d’éviter une relation qui peut être complexe entre la famille du donneur et le receveur, l’identité du receveur ne peut être révélée à la famille du donneur et inversement.

La famille du donneur peut toutefois être informée si elle le souhaite des résultats des greffes par les équipes médicales.

En outre, le cadre du don entre personnes vivantes est fixé :

Le prélèvement d’organes sur une personne vivante, qui en fait le don, ne peut être effectué que dans l’intérêt thérapeutique direct du receveur. Le receveur doit avoir la qualité de père ou de mère, de fils ou de fille, de frère ou de sœur du donneur, sauf en cas de prélèvement de moelle osseuse en vue d’une greffe. En cas d’urgence, le donneur peut être le conjoint.

Afin que l’équilibre trouvé n’entrave pas la dynamique de la recherche, le législateur a alors inscrit dans la loi elle-même le principe de sa révision au bout de 5 ans.

L’Etablissement Français des Greffes voit le jour.

L’Établissement français des Greffes

En janvier 1994, l’Établissement français des greffes* (EfG) est créé. Le décret du 10 octobre 1994 précise son rôle. L’EfG est chargé d’une bonne application des règles « relatives à la gestion de la liste nationale des patients, à la répartition et à l’attribution des greffons ».

L’Etablissement français des greffes est, en outre, notamment chargé :

  • de promouvoir le don d’organes, de moelle, de cornée ou d’autres tissus en participant à l’information du public ;
  • d’établir et de soumettre à homologation par arrêté du ministre chargé de la santé les règles de répartition et d’attribution des greffons ; celles-ci devront prendre en considération le caractère d’urgence que peuvent revêtir certaines indications de greffe ;
  • de préparer les règles de bonnes pratiques qui doivent s’appliquer au prélèvement, à la conservation, au transport et à la transformation de l’ensemble des parties et produits du corps humain : ces règles sont homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé ;
  • de donner un avis au ministre chargé de la santé en ce qui concerne les organismes autorisés à importer et à exporter les tissus et les cellules issus du corps humain ;

Avec la création de l’EfG, c’est l’ensemble des activités de transplantations d’organes et de tissus qui se trouve placé sous la tutelle des pouvoirs publics, leur permettant ainsi de garantir leur transparence, d’assurer la sécurité sanitaire et l’égal accès pour tous les Français.

2001 – 2003 : les débats relatifs à la révision de la loi de bioéthique 1994

La révision de la loi de 1994 aurait dû avoir lieu en 1999.

De nombreux décrets d’application ont tardé à paraître, et l’ensemble a pris du retard. Il faudra attendre juin 2001 pour que le projet de loi soit finalement proposé au conseil des ministres et janvier 2002 pour qu’il soit voté par le parlement, puis février 2003 par le Sénat, avril 2003 par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Durant toute cette période de débats, il faut bien admettre que le débat a essentiellement été consacré au statut de l’embryon, aux “bébés médicaments”, à la recherche sur les cellules souches. Pourtant, le sujet des greffes d’organe a fait l’objet de mesures importantes, même s’il est passé au second plan dans les médias.

Certains parlementaires, notamment Pierre-Louis Fagniez et Jean-Michel Dubernard (tous deux chirurgiens transplanteurs dans “le civil”) en avaient fait leur cheval de bataille, et sont parvenus à imposer leur point de vue. Retrouvez les principaux discours prononcés lors de l’ouverture des débats.

La loi relative à la bioéthique sera finalement promulguée le 6 août 2004, soit 10 ans après la précédente mouture.

Le texte définitif, adopté le 8 juillet 2004, prévoit les mesures suivantes :

La compétence de la nouvelle agence s’étend aux domaines de la greffe, mais aussi de la reproduction, de l’embryologie et de la génétique humaine.

La loi affirme des notions dont la portée symbolique est forte :

  • Le prélèvement et la greffe d’organes constituent une priorité nationale.
  • Le prélèvement et la greffe d’organes sont intégrés aux missions du service public hospitalier et affirmés commes des activités médicales à part entière.
  • Tous les établissements de santé, qu’ils soient autorisés ou non, participent à l’activité de prélèvement d’organes et de tissus, en s’intégrant dans des réseaux de prélèvement.
  • La création de lieux de mémoire destinés à l’expression de la reconnaissance aux donneurs d’éléments de leur corps en vue de greffe dans les établissements de santé préleveurs est prévue.
  • Les règles de répartition et d’attribution des greffons doivent respecter le principe d’équité.

Sur le don post-mortem :

Le principe du consentement présumé pour le don d’organes est renforcé, la nouvelle formulation est la suivante :
Le prélèvement d’organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée ne peut être effectué qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques.
Ce prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l’inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment.
Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès des proches l’opposition au don d’organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen, et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés.

Sur l’information du Public :

  • La journée d’appel de préparation à la défense devient l’occasion de délivrer aux jeunes une information sur les modalités du consentement au don d’organes et sur la possibilité de s’inscrire sur le registre des refus (les décrets d’application ne seront jamais publiés)
  • Les médecins devront “s’assurer que leurs patients âgés de seize à vingt-cinq ans sont informés des modalités de consentement au don d’organes à des fins de greffe et, à défaut, leur délivrent individuellement cette information dès que possible”.

Sur les greffes à partir de donneur vivant :

Bien qu’au fil des débats un élargissement plus important ait été évoqué (à toute personne ayant une relation étroite et stable avec le receveur), la commission paritaire a choisi de revenir à la définition du cercle des donneurs vivants proposée par l’Assemblée Nationale, à savoir la possibilité d’un don, sans préalable, du père et de la mère, et, par dérogation seulement, du conjoint, du frère, de la soeur, du fils, de la fille, des grands-parents, de l’oncle, de la tante, du (de la) cousin(e) germain(e), du conjoint du père ou de la mère ou toute personne faisant la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans avec le receveur.

La dérogation en question sera octroyée (ou non) par un comité d’experts, chargé d’apprécier les risques pour le donneur, le bénéfice pour le receveur et de s’assurer qu’il n’existe pas de “réticences inavouées” de la part du donneur.

Le prélèvement d’organes de tissus ou de cellule sur une personne vivante dans un intérêt thérapeutique est “assimilé à un acte de soins” afin que le donneur puisse bénéficier du dispositif d’indemnisation des accidents médicaux.

Sur les greffes en domino :

Les organes prélevés à l’occasion d’une intervention chirurgicale, pratiquée dans l’intérêt de la personne opérée, peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques ou scientifiques, sauf opposition exprimée par elle après qu’elle a été informée de l’objet de cette utilisation.

La loi de bioéthique de 2011

Après trois ans de préparation et de travaux, la révision de la loi de 2004 a été adoptée le 23 juin 2011. Voir le détail de cette révision.

1. Concernant le don et la greffe d’organes, la nouvelle loi apporte quelques avancées, notamment en ce qui concerne le don du vivant.

– En effet, le cercle des donneurs est officiellement élargi à toute personne ayant un “lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec le receveur”, ce qui rend concrètement possible le don provenant d’un ami proche…

– Les dons croisés deviennent autorisés. Cependant, le texte les limite à deux couples donneur-receveur (pour rappel, beaucoup de pays ayant mis en oeuvre cette solution pratiquent désormais les “chaînes” de dons, qui permettent une meilleure optimisation.

– Le statut des donneurs vivants est amélioré :

  • Le Code des assurances est modifié, avec l’ajout de la disposition suivante : “toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la prise en compte d’un don d’organe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations ayant pour effet des différences en matière de primes et de prestations est interdite”. Cela signifie qu’il est désormais interdit de refuser d’assurer ou d’appliquer des surprimes au motif d’un don d’organe du vivant.
  • Le gouvernement a l’obligation de rendre deux rapports avant le 1er octobre prochain, le premier sur l’amélioration des conditions de remboursement des frais engagés par les donneurs vivants et le second sur leur indemnisation en cas de dommages subis du fait du prélèvement. L’objectif de ces rapports est de mettre en évidence les insuffisances des dispositifs actuels, pour lui apporter des améliorations. Cette disposition devrait permettre une meilleure application de la “neutralité financière” pour les donneurs vivants et une meilleure protection en cas de complication liée au don

2. En ce qui concerne les modalités du don d’organes après la mort :

– La mention “A été informé de la législation relative au don d’organes” pourra être inscrite au sein de la carte vitale (cette disposition avait déjà fait l’objet d’une circulaire en 2007).

– Une information sera dispensée dans les lycées et les établissements d’enseignement supérieur sur la législation relative au don d’organes, associant les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que des intervenants extérieurs, issus notamment des associations militant pour le don d’organes.

– La Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe prend le nom de “Journée nationale de réflexion sur le don d’organe et la greffe et de reconnaissance envers les donneurs” (cette mesure vient se substituer à “la reconnaissance symbolique de la nation” aux donneurs vivants, mesure initialement envisagée).

Ces évolutions entreront en vigueur dès la publication de leurs décrets d’application, ce qui peut prendre plusieurs mois.

La loi devrait être à nouveau révisée en 2018.

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  • #48602
    Yvanie
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