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Odile : le jour où l’on m’a enlevé mes chaînes…

Je m’appelle Odile et j’ai 34 ans.

Mon adolescence a commencé et s’est arrêtée à 13 ans.

Fin Mai 1982 : je n’ai pas eu la chance de consulter un généraliste qui aurait pu voir les signes d’un dysfonctionnement des reins.
Mon père, constatant que mon état empirait de jour en jour, me conduit à l’hôpital de Mantes.
Cinq jours après, je suis transférée au service de réanimation de l’hôpital Bretonneau à Paris. Le médecin diagnostique une glomérulonéphrite.
A mon réveil, je suis déjà en dialyse péritonéale.

Trois mois plus tard, mon état s’est stabilisé, je suis rentrée chez moi et j’ai repris ma vie de collégienne. La dialyse a été suspendue, je ne me rends qu’aux consultations.
Mais au bout d’un an, les résultats deviennent catastrophiques. Il faut me préparer pour ma mise en hémodialyse.

Fin Mai 1984 : le parcours du combattant commence pour moi.

Jeune adolescente, je dois poursuivre mes études, mais avec la dialyse cela devient compliqué. J’habite à 60 km de PARIS, faire l’aller et retour, puis reprendre les cours de l’après-midi sans avoir le temps de faire une pause, me décourage. Je n’ai plus envie de m’intéresser à ma scolarité.
Jusqu’au jour où l’institutrice de l’hôpital propose à mes parents de m’envoyer au centre Edouard Rist, Paris XVI°, qui offre soins et études.
J’y vivrai trois ans en internat.
C’est à ce moment là que j’ai pris mon indépendance.

Après mon BEP, en juin 1988, je rentre dans la vie active.
Je travaille à l’Education Nationale. Jusqu’à présent je n’ai jamais eu de soucis, dans aucun des cinq établissements fréquentés. J’ai surtout eu la chance d’avoir un chef d’établissement très compréhensif et qui accepte mes problèmes.
Il a fait des démarches auprès du Rectorat de Versailles afin que je reste dans son établissement pendant 6 ans (en tant que non titulaire d’un poste, l’affectation change chaque année).

De retour dans ma banlieue, à Mantes-la-Ville, je continue mes dialyses au CHU de Poissy.

Le changement est difficile, brutalement, je me retrouve dans un environnement de personnes âgées (qu’il n’y ait aucun malentendu, je dialogue très bien avec elles).
Par la suite, la situation s’améliore rapidement. On a appris à se connaître avec les infirmières et les médecins. Les infirmières ont été d’un grand soutien pour mon équilibre et mon moral. Quant à mon Dr Pertuiset, sa patience et son écoute “ce qui n’est pas le cas de tous les néphrologues” m’ont été d’une aide capitale.
Au fil des années, Poissy est devenu ma seconde famille. Ils ont beaucoup fait pour moi.

Bien sûr, j’ai le soutien de mes parents (principalement ma mère), mes sœurs et frères, mais j’ai fait en sorte de les tenir à distance.
Je ne leur racontais jamais mes séances de dialyses, bonnes ou mauvaises. J’évitais de parler des problèmes de santé secondaires.
Lorsque que je n’avais plus le choix, j’informais toute la famille. Je sais que ce comportement peut paraître bizarre, mais je ne supportais pas de voir l’inquiétude et l’angoisse sur le visage de ma mère. Je suis l’avant-dernière d’une famille de six enfants, il ne fallait pas que tout tourne autour de moi.

J’avais mes amis à qui me confier et mes infirmières, mais un jour cela n’a pas suffit.

En 1997, je suis entrée en crise sévère de dépression. J’ai consulté une psychologue qui m’a aidée à retrouver mes repères. J’ai pris la décision de ne plus penser à la possibilité de greffe, petit à petit, l’attente vaine me détruisait.
Je me consacreà mon travail et je décide enfin d’essayer de construire ma vie sentimentale (ce n’est toujours pas le cas).

Je réussis mes concours pour devenir enfin titulaire de mon poste de secrétaire administratif.

En septembre 2000, j’ai dû quitter Poissy, avec beaucoup de peine. Par manque de moyens financiers, j’ai repris mon travail à plein temps, (vu la somme misérable que j’avais obtenue de la COTOREP). Travaillant la journée, je devais trouver un centre qui pratiquait la dialyse le soir. Ce fut à Rueil-Malmaison.

Un an après, nouveau transfert pour la clinique de Mantes, qui vient d’ouvrir une unité.
J’ai résolu mon plein temps en demandant à mon administration l’autorisation de m’absenter 1 journée par semaine.

Mars 2002, une annexe d’auto dialyse est créée dans la clinique. Je prépare ma machine, me pique et me débranche. Par bonheur, je ne suis restée que 15 jours dans ce centre.

Et enfin, vint ma transplantation.

Ce fameux lundi 29 avril a mal commencé. En effet, je reviens de l’hôpital de Garche où j’ai consulté le Professeur Gajdos pour des problèmes musculaires.
A la sortie de cet entretien, mon moral est au plus bas. Pour me changer les idées, je vais au cinéma avec mon amie Béatrice.
De retour à la maison vers 21h40, le téléphone sonne, c’est mon médecin de dialyse, il m’explique qu’il a reçu un appel de l’HEGP et me demande de m’y rendre. Je raccroche, je reste immobile et je pleure.
Mon amie Béatrice, qui est aussi mon infirmière en dialyse, comprend tout de suite la situation. Elle me secoue mais je ne réagis pas.
Heureusement, je suis bien entourée. Elle téléphone à mon voisin d’en face, Salvatore, qui est également mon infirmier en dialyse. Ils préparent ma valise et me conduisent à l’HEGP.
Une fois sur place, mon anxiété grandit, malgré l’énergie dépensée par mes amis pour me faire rire.

Le médecin arrive, il m’explique la situation : nous sommes deux patients appelés et seule la prise de sang déterminera qui sera le plus compatible. Une barrette de lexomil m’est prescrite pour la nuit.

Mardi 30 avril 2002, 6h du matin, le médecin vient me réveiller et m’annonce la nouvelle : je suis retenue pour la transplantation.

Je n’arrive toujours pas à réaliser qu’on m’enlève enfin “mes chaînes” après 17 ans et 11 mois de dialyse.

Je me prépare, l’infirmière me donne un comprimé afin de me détendre, et je suis transportée au bloc opératoire.

A mon réveil dans ma chambre, je me sens en super forme. L’avantage pour moi, c’est d’être entourée par la même équipe du Pr Glotz, qui me connaît depuis l’âge de 15 ans.

Quelques jours plus tard, l’interne qui a eu l’autorisation exceptionnelle de participer à mon intervention me raconte cette aventure avec beaucoup d’enthousiasme.

Pour ma transplantation, j’ai bénéficié du protocole IVIG (immunoglobulines intra-veineux) qui concerne les patients hyper immunisés. Cela consistait à me préparer avec un traitement après la transplantation (par voie orale et transfusion sur une période de 46 j).
Jusqu’à présent tous se passe bien. J’ai repris mon travail à temps plein, j’ai le plaisir de revoir tous mes amis et d’apprécier ma liberté.

Pour conclure, je souhaite à tous les dialysés et futurs transplantés de garder beaucoup d’espoir.
Le progrès et la recherche avancent.

Odile

 

ndlr : ce témoignage a été lu lors du sixième congrès de la Fnair.

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