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Jacques, 47 ans, jeune greffé de trois semaines

A 47 ans, je suis un jeune greffé de trois semaines. Mon expérience n’est en aucune manière un cas d’école, et c’est avec les plus grandes précautions qu’il faut prendre ce récit. Je pense que c’est dans la reconnaissance de certaines situations similaires qu’il faut chercher les informations ou l’espoir. Se dire que “ça n’arrive pas qu’à moi ” atténue déjà la perte de moral.

Pour cet exposé , je me suis plus attardé sur les sentiments et les répercussions psychologiques face aux différents évènements que sur les descriptions matérielles.

En espérant que ce récit atteigne son but auprès de ceux qui en ont le plus besoin.

L’historique des ennuis de santé

A l’age de 10 ans j’étais atteint annuellement par des angines d’hiver, celles causées par cet horrible bestiole qu’on appelle ” streptocoque “.

A la suite de certaines de ces infections, les analyses de sang et d’urines montrèrent les critères d’une glomérulonéphrite qui fût relativement bien traitée et stoppée, et vers 15 ans un rhumatisme articulaire aigü (RAA), très dangereux pour le cœur. Le traitement prescrit fut la pénicilline durant des mois entiers.

Une accalmie de quelques années, et, vers 21 ans, une deuxième glomérulonéphrite qui ne fût pas bien soignée. On constatait, dès lors, que des symptômes devenaient permanents (albumine par exemple)

Les années folles

Fiancé, en retour de vacances de Vendée, je suis allé voir le médecin de famille qui me trouva une tension artérielle anormalement élevée : de retour de vacances, c’était un comble !

L’analyse ne fut pas approfondie et je démarrais les traitements pour la tension, traitements qui viennent seulement de s’arrêter.

En 78, l’épée de Damoclès s’abaissait progressivement. Des ennuis de plus en plus nombreux apparaissaient, à tel point que le médecin traitant de l’époque m’envoya chez un spécialiste accupuncteur homéopathe. A mon grand bonheur, ce praticien réussit pendant plus de 15 ans à maintenir un état plus ou moins normal, limitant tous les effets néfastes du mal qui s’installait.

Néanmoins, une petite voix intérieure s’immisçait et l’obsession de l’insuffisance rénale s’installait progressivement. Je faisais barrage à cette idée mais, à chaque message écrit ou audiovisuel sur le sujet, la pression se renforçait.
Le travail m’imposant des déménagements périodiques, j’étais en contact avec différents médecins, qui me confirmaient plus ou moins les conclusions que j’avais déjà établies : aboutissement final sur la dialyse !

La grande décision

Depuis ces quelques cinq dernières années, je constatais que la médecine douce avait de plus en plus de mal à me maintenir.

Sachant que la médecine ne pouvait rien pour la ” réparation ” des reins, la grande décision que j’avais prise, qui n’engageait que moi et qui était de ma propre responsabilité individuelle était celle d’aller jusqu’au point de non retour. Les raisons étaient multiples, le pour et le contre avaient été étudiés, analysés voire disséqués. Vous me permettrez de rester silencieux sur ce point, chaque raisonnement devant être strictement personnel.

Plusieurs fois, lors de consultations, des discussions pleins de non-dits, mon médecin traitant du moment me fît comprendre qu’elle respectait ma décision, mais sans jamais me donner son approbation. Je la remercie de tout cœur et je suis sûr qu’elle avait confiance en ma clairvoyance sur la prise de décision finale avant ce fameux point de non retour.

Cette prise de position ne peut en aucun cas être un exemple pour tous. C’est après de très longues séances de réflexion qu’elle fût prise et ne pouvait souffrir d’aucune légèreté.

Les complications

2000 et 2001, les années difficiles, où les aggravations se faisaient nettement sentir. De plus en plus de visites auprès de mon médecin. Les traitements d’accompagnement se multipliaient. Les symptômes devenaient de plus en plus nombreux : essoufflements, problèmes d’articulation, ballonnements, acidité gastrique,….
La pression montait et comme une dernière bouffée d’oxygène, je décidais d’une sortie familiale : un séjour de fêtes de fin d’année 2000 en alsace. C’est dans ce séjour qu’est apparu la plupart des signaux négatifs, mais je m’efforçais de n’en rien montrer et profitais au maximum de ce voyage.

Le dénouement

Cet automne 2001 vit mon état de santé se détériorer rapidement, et c’est suite à de gros problèmes de digestion, en novembre, que je demandais à mon médecin d’enclencher la procédure néphrologique. Un rendez-vous pour le quinze décembre me mit en face du spécialiste qui devait dorénavant m’accompagner et me guider.

A la vue de mes dernières analyses, elle m’adressait des reproches appuyés pour le manque de suivi préalable, mais je décidais de ne pas me justifier. J’en supportais pleinement la responsabilité.

Bien qu’attendues, les conclusions qu’elle me donna me figèrent sur place, le point de non retour était bel et bien atteint.

Le choc psychologique

De retour au domicile, je filais vers la chambre afin de pouvoir craquer sans rien montrer aux enfants, et c’est dans les bras de mon épouse que je m’écroulais. Malgré la connaissance du déroulement fatal des évènements, le choc nous prend et nous submerge. Difficile d’y résister. Le déroulement de toute la vie revint en mémoire, le film de toute une existence.

Les idées les plus noires sont apparues, et en particulier, celle de devoir dorénavant vivre rattaché à une machine jusqu’à la fin de sa vie, avec en parallèle la suppression de tous les projets d’avenir élaborés en famille.

Les fêtes de fin d’année furent insoutenables. Nous avions décidé, Martine et moi, de rester silencieux sur tout ceci auprès de toute la famille. Pas facile de rester ” normal ” avec cette charge sur les épaules.

Les espoirs, les doutes et les peurs

Un passage en hôpital de jour en janvier confirmait que la préparation des solutions étaient nécessaires, et ce, dans un délai assez bref.

C’est lors d’une visite auprès de la néphrologue qui m’expliqua les différentes possibilités que je pris rapidement les décisions.

J’avais à ce moment retrouver la force de me battre et de mettre tous les moyens à disposition pour que cette nouvelle vie ne soit perturbée le moins possible surtout pour mon entourage.

Je décidais donc la formule dialyse sanguine à domicile de trois séances par semaine et en fin de journée afin de conserver mes activités professionnelles.

De même, je me portais sitôt volontaire pour la greffe rénale dès que possible. C’était pour moi, l’espoir de sortir de cette voie sans issue.

Ces décisions, je pense, sont arrivées plus par réflexe que par raisonnement, et c’est au retour à la maison que je me suis mis à gamberger. Les doutes de la bonne décision, les peurs des répercussions sur mon épouse, sur mes enfants et sur mes proches.
Les nuits qui suivirent furent pénibles. Il me manquait des informations et inévitablement des erreurs s’immiscaient dans mes réflexions.

Les peurs se multipliaient et aggravaient mon état mental. C’est professionnellement que je m’en tirais le mieux et je fus sûr de devoir conserver cette activité au maximum du possible : C’était vital !

Les aides et soutiens divers

Aussi fort que l’on puisse être, des évènements comme ceux-ci nous réduisent considérablement. On se regarde dans une glace et nous ne reconnaissons plus l’être que nous avons été jusque là.

J’avais l’impression d’être une ” lopette ” ne pouvant plus faire face et comme emporté par une énorme vague qui me conduisait vers une destination inconnue sans pouvoir conserver quelque pouvoir de direction.

Quand je fais le bilan des personnes proches ou simplement relationnelles, je suis agréablement surpris du nombre important qui, soit par un effort de toutes les minutes, soit par quelques actions ou même quelques paroles, ont contribué à m’aider dans la lutte contre les difficultés.

La première opération

Afin de pouvoir à l’avenir procéder aux dialyses, il était nécessaire de créer une fistule artério-veineuse, c’est à dire un pontage d’une artère sur une veine à proximité. Cette opération relativement simple devait se faire sur le bras gauche (étant droitier).

Vers la mi-février, arrivé à l’hopital la veille, je passais une nuit sans sommeil, les peurs de ma première opération m’envahissaient.

Opéré vers 11h30, en musique, un poste de radio étant ouvert, en anesthésie locale, je rentrais dans la chambre, deux heures plus tard, avec un pansement sur le poignet gauche et une perfusion sur la main droite.

Je réalisais que toutes les craintes ressenties la nuit précédente n’étaient pas tellement justifiées, mais dans l’inconnu, on a toujours tendance à dramatiser le futur.

L’aggravation

Sachant qu’en dialyse, les sorties auraient été très problématiques, j’avais décidé d’offrir à ma famille, un dernier séjour de sports d’hiver. Le départ, 10 jours après l’opération, le voyage et l’arrivée à la station se déroulèrent sans encombre. Notre résidence était espacée du pied des installations de 300 mètres de chemin escarpé et en raidillon sur 100 mètres face à l’hôtel.

A cette période, les conséquences physiques étaient déjà importantes, et surtout au niveau des capacités respiratoires. En altitude ce fut encore pire. En effet, au cour du deuxième jour, le souffle me manquait. Nous laissions donc les enfants seuls sur les pistes, nous contentant de quelques promenades et repos aux terrasses sur les esplanades de la station d’altitude.

C’est au troisième jour que la confrontation aux difficultés du raidillon apparut. Il me fallait un arrêt tous les 30 mètres afin de reprendre mon souffle. Signe évident que les traitements devenaient indispensables.

Les contextes

Un autre point important à ne pas négliger était le côté professionnel. Durant ces années difficiles, venaient s’ajouter des problèmes relationnels au travail.

Une restructuration et un doute sur l’avenir s’annonçaient.

Tout ceci ne m’entraînait pas vers une sérénité qui m’était nécessaire, et bien au contraire, ajoutait à mon moral des raisons de s’affaiblir encore un peu plus.

Mais quand tout semble aller de travers, des éclaircies peuvent survenir. Et c’est ce qui se passa en septembre 2001. Un changement de directeur entraîna l’amélioration dans ce domaine.

Les séances de dialyse se rapprochant, je profitais d’un entretien, avec mon nouveau hièrarchique, pour annoncer la triste nouvelle et lui communiquer les conséquences du traitement sur le travail.

Il me témoigna sa confiance et me donna toute latitude pour mon organisation personnelle et professionnelle, démarche et réaction que je ne peux que remercier.

Le début des dialyses

En mai 2002, et au vu de mon état de santé, la décision de démarrer les dialyses fut prise.

Trois séances en milieu hospitalier étaient nécessaires avant le rattachement à un centre spécialisé, cela afin d’examiner minutieusement les réactions de l’organisme face à ce traitement. Les séances devaient commencer sur une durée de deux heures puis trois heures et enfin quatre heures, durée normale et habituelle.

La première journée, a été un cauchemar : arrivé vers 15 heures, je me retrouvais dans une salle remplie de lits où la majorité des personnes qui se faisaient dialyser faisaient partie du troisième âge. Le choc psychologique a été difficile. Se retrouver patient comme des personnes de cet âge. Je ne pouvais le supporter. De retour au domicile, après quelques problèmes de crampes non négligeables, je n’ai pu retenir mes larmes, et ce fut, je pense, la plus belle déprime de ma vie.

Les deux autres dialyses dans cet établissement ont été du même tonneau : abattement psychologique, douleurs et hématomes dans le bras de ponction et crampes en fin de séance.

Lors de la dernière dialyse, le responsable du centre me confirmait mon départ pour la prochaine fois sur le centre géré par une association. A ses dires, l’ambiance était nettement plus conviviale. Sceptique, je ne demandais qu’à voir.

Deux infirmières formatrices m’avaient été désignées .

La formation conjointe

Les séances devaient être faites en commun avec mon épouse, qui devait subir sa formation. A notre arrivée le lundi après midi, nous avons été accueillis par les deux infirmières dédiées. Le premier contact a été rassurant.

Installés au poste de dialyse que nous devions conserver jusqu’à la fin de l’apprentissage, la première partie de la formation, qui devait durer environ trois à quatre semaines, concernait le matériel et la préparation de la machine.

Technicien de formation, je ne devais pas avoir de problème pour cette partie. Il n’en a pas été de même pour mon épouse, qui trouvait qu’il y avait un peu trop de tuyaux et une succession d’opérations relativement compliquée.

Les premières séances, l’installation et le branchement étaient faits par les infirmières, mon épouse étant formée avec des exercices ” à blanc ” sur une machine non utilisée à proximité.

Se mélangeant les pinceaux au début, mais, à force de patience et de persévérance, mon épouse devait réussir à préparer la totalité du matériel ainsi que la machine officielle au bout de trois semaines. Il est évident que les vérifications étaient d’usage avant son utilisation.

C’est donc à partir du début juillet que les choses sérieuses se présentaient : Le branchement avec les aiguilles.

Durant quelques séances, sous les directives des infirmières, elle devait s’exercer à piquer les aiguilles sur des tuyaux représentant la veine, cachés par une étoffe médicale représentant le tissu dermique. Le résultat était loin d’être engageant ! Mais l’équipement était loin d’avoir les mêmes caractéristiques que le bras humain.

Pour le premier essai, grandeur nature, l’infirmière lui remontra le geste précis, moyennant la position de la fistule, qu’il fallait impliquer à l’aiguille. Le moment décisif était arrivé. J’avouerais que c’est celui que je redoutais le plus, d’autant que, depuis le début des dialyses, il était arrivé que certaines professionnelles n’étaient pas exemptes de ” rattages ” ! Bras tendu et arrêt de la respiration, le geste fut accompli avec réussite !

De retour au domicile, mon épouse me révéla qu’elle avait toujours plus redouté le matériel et la machine que les aiguilles.

Les séances devaient se suivrent dans le même rythme, préparation de la machine, vérification par une infirmière et branchement des aiguilles. Est-il nécessaire d’évoquer les ” bidouillages ” de débutante : piqûres à coté de la fistule, passage au travers, et autres…, qui m’ont valu, par moments, hématomes et douleurs. Cela n’a pas été facile tous les jours, loin s’en faut, mais on peut comptabiliser un taux de réussite d’environ de 7 sur 10 en moyenne sur les premières semaines. Le but était d’atteindre bien évidemment les 100%.

La troisième partie concernait le débranchement et l’entretien des installations. Pour le débranchement, rien de sorcier. Une succession logique d’opérations. Par contre, l’entretien périodique de la machine demandait une méthodologie stricte qui restait abordable avec une planification sur un calendrier.

Quand tous ces processus ont été assimilés, il nous a fallu faire face aux éventuelles situations de pannes ou de disfonctionnement de l’installation , pour lesquels, les deux infirmières s’en donnaient à cœur-joie pour nous mettre dans les conditions les plus bizarroïdes possibles. C’est dans ces circonstances qu’il fallait raisonner ” technique “.

Pour toute cette formation, la balle était dans notre camp. Il nous revenait personnellement d’être performant le plus rapidement possible pour une installation au domicile, et je pense que nous avons donné notre meilleur, surtout mon épouse, à qui je tire mon chapeau !

Par contre, il n’en fut pas de même pour la technique pure : je veux parler ici de la mise à domicile du matériel.

Il faut savoir que les procédures ne sont pas aussi faciles qu’il peut paraître. Réglementation de l’environnement, par exemple, surtout si vous habitez la campagne. Merci à tous ceux qui ont oeuvrés pour la réussite de cette installation.

A la maison

L’installation du matériel étant terminée pour le 30 août, il était décidé de commencer la première dialyse à domicile, le lundi deux septembre. C’est aussi le jour où je reprenais le travail après trois semaines de congés.

En présence de l’une des infirmières, et du technicien du centre, la dialyse se déroula sans encombre majeur (quelques bidouillages pour la recherche de la veine, mais sans gravité).

Le mercredi suivant, c’est au tour de mon néphrologue de venir nous rendre visite lors de la séance du soir. Le contact a toujours était très bon et c’est avec plaisir que nous l’avons reçue. Sa présence concrétisait un des soutiens que les dialysés peuvent ressentir lors de ces traitements plus ou moins durs psychologiquement.

La routine

Durant trois semaines, les dialyses se sont déroulées normalement, et c’est vers la fin du mois de septembre que les choses se sont ” grippées “.

Tout d’abord, une erreur (de sens) au débranchement puis une mauvaise piqûre qui obligera la mise en attente de la machine et de nouvelles piqûres.

De nouveau la routine pendant quatre semaines, et, lors d’une séance du samedi matin : opération désastre !! Hématomes et abandon provisoire de la dialyse. Il nous fallait recommencer dans l’après midi. C’est avec une très grande appréhension que je m’installais dans le fauteuil médical. Il va sans dire que je n’étais pas le seul dans cet état ! La séance se passa bien, malgré les difficultés ajoutées par les bleus du matin.

Les mois suivants se déroulèrent sans problème, mon épouse avait certainement recouvré les gestes justes.

Seul ombre au tableau, une période d’orages, qui nous mettaient en alerte lors des branchements. Ce qui devait arriver : panne de machine suite à une surtension. Résultat : une séance à l’hopital durant la période de réparation.

C’est à ce moment que l’on constate le confort apporté par les mises à domicile, rien de comparable avec les séances dans un centre sans parler de celles en hopital !

Le travail et la vie formatée par les séances

Comme je l’ai dit précédemment, je tenais à continuer mon activité professionnelle, estimant que les choses seraient plus faciles psychologiquement dans la mesure où l’esprit est occupé par des sujets extérieurs à l’événement.

Il me fallait pour cela l’appui de mon hiérarchique, et je réitère ici tous mes remerciements pour sa compréhension et son aide qu’il a tout de suite consenties à me donner.

Ce ne fut pas facile tous les jours : des journées très longues lors des séances, un stress pour être toujours à l’heure, soit ne jamais rater le train ou ne jamais tomber dans un bouchon lors de l’utilisation du véhicule, le stress d’un appel les jours d’astreinte professionnelle, et toute les servitudes où je devais répondre présent alors que j’étais branché à la machine.

Parfois, il me fallait jongler avec les horaires voire déplacer éventuellement une séance de dialyse afin d’assurer les missions importantes.

A l’énergie, je résistais avec succés à tous ces obstacles durant la semaine, mais bien souvent, le samedi, je m’écroulais moralement et psychologiquement. Le calme du dimanche me permettait de refaire surface et de recharger, pour un temps, les batteries internes.

Les examens et l’inscription

Néanmoins le but final n’était pas la dialyse, mais bien sûr la greffe. Seule solution qui peut redonner une indépendance personnelle pour la vie de tous les jours.

La décision avait été prise dès le début, et je m’y maintenais.

Pour ce faire, un dossier médical devait être transmis aux services des greffes du centre le plus proche. Des examens ont donc été déclenchés : examens sanguins approfondis exécutés en hôpital de jour, radio panoramique de la dentition, radio du système urinaire et notamment de la vessie, examen de l’estomac pour vérifier la non présence d’ulcère. Je ne dirai pas que ces explorations ont été très agréables, mais le jeu en valait la peine.

Puis vint la convocation chez le professeur chargé de l’inscription sur la liste d’attente des greffes. Un matin, nous nous présentions devant ce médecin, qui, après une brève auscultation, nous expliqua en long, en large, les modalités, les principes et les espoirs liés à ce ” traitement “. Echange d’opinion, pour finir sur un accord final et l’inscription officielle sur liste d’attente. Délai probable selon lui : environ six mois, au vu de mes caractéristiques médicales et des possibilités rencontrées ces derniers mois.
Une solution plus rapide pouvait se présenter parallèlement. Elle consistait à faire appel à un donneur vivant, mais je m’y opposais formellement, n’étant pas prêt psychologiquement pour cette ” gymnastique “.
L’attente sera donc de rigueur.

L’attente

Depuis cette inscription sur la liste d’attente, le 19 septembre 2002, bien des semaines et des mois ont passés. Au début, cette attente du coup de téléphone était présente dans nos esprits. Nous n’osions pas sortir, l’angoisse d’un appel non réceptionné soit par notre absence ou un mauvais fonctionnement voire une occupation prolongée de la ligne téléphonique.

N’étant pas adepte du portable, je devenais un maniaque de cet instrument. Constamment, je vérifiais la qualité de la réception de l’appareil.

Pour résumer, durant les six premiers mois, nous étions en alerte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

A partir du printemps 2003, et au fur et à mesure que les jours passaient, nous relachions notre vigilance, à tel point, qu’un jour nous allions sortir du territoire (voyage en Belgique) sans nous alarmer que le portable ne réceptionnait pas à l’étranger. Un appel téléphonique au centre de greffe nous rassura sur la non probabilité d’appel durant les 12 heures à venir.

Vers le mois de mai, l’espoir d’une opération avant les congés disparaissait, et pour préserver les vacances des enfants, nous avions prévu une succession de longs week-end à une distance raisonnable.

L’idée de passer ces mois d’été en dialyse à domicile était devenue une certitude, et l’éventuel appel ne faisait presque plus parti de nos pensées.

L’appel

Plusieurs fois, il nous avait été souligné que l’appel intervenait le jour où l’on s’y attendait le moins. C’est ce qui se vérifia. Dans la nuit du 27 au 28 juin, la sonnerie du téléphone nous reveillait vers trois heures du matin, et m’attendant à répondre à un de mes enfants parti pour 24 heures, j’étais surpris d’avoir mon néphrologue au bout du fil. Bien que comprenant rapidement le motif, je demandais bêtement s’il ne s’agissait pas d’une blague !!

Le premier choc passé, je mis cependant plus de quinze minutes à faire surface, prostré, assis sur le lit, le visage dans les mains. Le moment si attendu depuis plus de neuf mois était enfin arrivé, et je ne pouvais le réaliser.

Nous avions une heure pour nous préparer et autant pour faire la route. Ce qui nous donnait une arrivée attendue au centre de Lille vers 5 heures du matin.

L’opération

Arrivé sur place, de nouveaux prélèvements sanguins pour les derniers tests de vérification le cross-match. Ultime barrière pour l’opération.

Il fallait encore attendre plusieurs heures. Le sommeil me permit d’écourter fictivement ces moments pénibles psychologiquement.

A 9 heures, visite du néphrologue de service, décision de perfusion car j’étais un peu déshydraté (dialyse la veille au soir), et à 11 heures, premier cachet calmant : signe que les éléments semblaient positifs.

A 12 heures, tout s’accélère, déménagement vers les installations de greffe, déshabillage, douche à la bétadine, rasage complet, et direction salle d’opération, le tout en une heure.

C’est vers treize heures trente que je perds toute notion du temps.

Le réveil et l’hôpital

C’est vers une pendule face au lit que mon regard se dirige, la petite aiguille est pile sur le 3, mais est-ce 3 heures, 15 heures, de quel jour ? Ma chambre stérile étant sans fenêtre, je ne peux répondre. Plus tard, on m’indique qu’il était 3 heures du matin le dimanche, un tour d’horloge après l’opération.

Je me sens dans le cirage, mais le réveil est relativement facile. On me dit que tout s’est bien passé et que le rein s’est mis rapidement à fonctionner. Je sens des tuyaux partout, et le bas du ventre un peu douloureux.

A partir de ce moment, une visite du personnel tous les quinze minutes, prélèvements divers, relevé des appareillages, vidange des bidons, toilettes diverses et tant d’autres. Ce qui concrétise bien le sérieux et la qualité du suivi de ce service de soins intensifs.

J’ai eu droit à ce traitement durant trois jours, puis on me dirigea vers les chambres de convalescence où je passais encore sept jours, rythmés par les prises de sang du matin, la visite du médecin du matin et de l’après-midi, les contrôles de tension, poids et température.

Une échographie et un scanner, le dernier jour, et ce fut l’autorisation de retour après quand même quelques tergiversations passagères.

Le retour

Rien de tel que le retour chez soi pour rétablir certains paramètres internes.En effet, je constatais que l’énervement et la tension artérielle, élevés à l’hopital, redevenaient dans les limites normales.

Le bilan

Chaque cas est particulier. Nous avons tous des chemins relativement différents, mais ce qu’il faut retenir impérativement, c’est que l’espoir, malgré toutes les pensées qui nous assaillent au fil des mois, doit rester présent.

La médecine, que j’ai découverte depuis deux ans, est arrivée, dans ce domaine, à un niveau de performance très élevé. Ces professionnels, qui sont loin d’usurper ce titre, sont réellement au service des malades. Sans citer personnellement ceux que j’ai cotoyés (néphrologues, chirurgien, anesthésiste, infirmières,…), ils se reconnaitront, je voudrais les remercier très sincérement tout d’abord pour tout ce qu’ils ont entrepris pour me donner une possibilité de reprendre une vie quasi normale, et pour la qualité et la rigueur qu’ils ont mis à mon service.

De même, rien ne serait possible sans l’existence du donneur. C’est vers ces personnes, et plus particulièrement l’inconnu qui quelque part continu d’exister par mon corps, que j’adresse ici un très vif sentiment de gratitude. Donner de soi pour sauver ou améliorer la vie d’un autre, est une action qui n’a pas, je pense, d’égal sur terre.

Bien que le sentiment de solitude est contamment dans nos têtes, nous ne réalisons pas toujours que nous sommes entourés. Des proches qui s’inquiètent, qui nous soutiennent, qui nous aident tant matériellement que moralement, et que nous sollicitons inlassablement. J’ai pour ma part, une mention toute particulière à adresser. C’est à mon épouse que j’adresse ici cette mention, pour tout ce qu’elle a pu et su faire durant ces deux dernières années.

Et enfin, si c’était à refaire ? Oui, quelques soient les risques et les difficultés, le jeu en vaut la chandelle. Ne jamais rien regretter et toujours aller de l’avant.

A tous ceux qui vivent ces moments , je leur souhaite courage, combativité, persévérance, et un dénouement positif

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