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Dialysat au citrate : l’absence de surmortalité est confirmée, quelles suites ?

Suite au lancement d’alerte réalisé en décembre 2018 autour du dialysat au citrate, et comme le laissaient supposer les résultats préliminaires présentés en juillet dernier, l’Agence de la biomédecine vient de présenter un rapport aux conclusions rassurantes sur le dialysat au citrate. Il a donné lieu à ce communiqué de l’Agence du Médicament (ANSM) et des parties prenantes.

Renaloo se réjouit des avancées de ce dossier et du rôle d’accélérateurs qu’ont joué le lancement d’alerte, sa médiatisation et sa gestion par l’ANSM.

Ils ont permis l’information large des patients et du public et l’obtention en quelques mois d’éléments de preuves rassurants et de connaissances nouvelles, qui vont sans doute améliorer les usages des dialysats.

Quelle évaluation pour les dialysats ?
Il faut maintenant que cet élan se poursuive, car plusieurs questions restent en suspens, notamment celle de l’évaluation des dialysats, préalablement à leur commercialisation et en vie réelle. Les exigences dans ce domaine sont actuellement très faibles, car ils sont toujours considérés comme des dispositifs médicaux, au même titre que les liquides de nettoyage des lentilles par exemple. Pourtant, ils sont mis en contact direct avec le sang des patients, de façon répétée, à chaque dialyse. Doit-on continuer à administrer ces produits sans preuve de leur innocuité ni des caractéristiques vantées par les industriels ?

Comme d’autres membres du groupe de travail de l’ANSM, Renaloo souhaite que le statut des dialysats soit revu afin qu’ils soient considérés comme des médicaments et donc soumis à une réglementation plus rigoureuse.

Cette reclassification est d’autant plus urgente que depuis les origines de la dialyse, de nombreux incidents aux conséquences souvent graves ont confirmé les risques liés à la qualité de l’eau et la non neutralité des dialysats. On peut par exemple citer la survenue au début des années 80 en France de cas de démences non réversibles dues à la présence d’aluminium dans l’eau utilisée pour la dialyse, ou encore plus récemment l’affaire du Granuflo, un dialysat commercialisé par Fresenius, responsable de nombreux décès aux USA.

Des questions qui persistent sur les crampes
Si les inquiétudes sur une éventuelle surmortalité sont levées, l’existence de crampes “sévères et incoercibles” provoquées par le dialysat au citrate, décrites par certaines équipes, reste un sujet de préoccupation majeur.

Ce phénomène doit être compris afin que des réponses adaptées soient apportées aux patients qui en souffrent. Il vient aussi rappeler que l’évaluation des dialysats doit intégrer l’expérience des patients.

L’information des patients dialysés
Enfin, ce dossier pose plus globalement la question de l’information des patients sur les produits et dispositifs utilisés durant leur dialyse. Prévue par la loi de 2002 sur les droits des malades, elle reste en pratique insuffisante : en décembre 2018, plus de 70% des patients ayant répondu à notre enquête ignoraient quel dialysat était utilisé pour eux.

L’affaire du dialysat au citrate : chronologie des faits

⏰ 2009 : Un nouveau dialysat, au citrate, est commercialisé en France et dans le monde. 
Il fait l’objet d’une campagne de promotion importante : il permettrait notamment “de réduire les doses d’anticoagulant nécessaires pour la dialyse, de diminuer l’inflammation et d’améliorer la qualité de l’épuration”. Cependant, les études qui sont supposées apporter les preuves de ces arguments sont peu nombreuses, portent sur de faibles effectifs et des durées de suivi courtes.
Les ventes de dialysat au citrate progressent cependant rapidement, conduisant à ce qu’il soit utilisé chez près du tiers des patients dialysés en France en 2018.

⏰ 2009 – 2012 : plusieurs fabricants de générateurs de dialyse, dont certains commercialisent aussi le dialysat au citrate, informent les structures que le dialysat à l’acide chlorhydrique (HCl), utilisé depuis quelques années, provoquerait une corrosion accélérée du matériel. Bien que ce phénomène ne soit étayé par aucune étude, des restrictions de garantie des générateurs sont mises en place en cas d’usage du dialysat au HCl, qui est rapidement abandonné.

⏰ 2014 : une équipe de dialyse bretonne constate la survenue de crampes “sévères et incoercibles” chez environ 30% des patients pour lesquels le dialysat au citrate est utilisé. Seul un changement de dialysat semble permettre de mettre fin à ces crampes, ce qui laisse penser que certains patients seraient intolérants au citrate. Ces constats ne sont pas déclarés à l’ANSM.

⏰ 2015 : Publication d’une étude du Dr Mercadal qui montre que le dialysat au HCl pourrait diminuer la mortalité des patients dialysés par rapport à l’acétate.
Ces constats arrivent trop tardivement : le dialysat au HCl n’est pratiquement plus utilisé.

⏰ Printemps 2018 : Le Dr Lucile Mercadal propose de présenter au congrès annuel des néphrologues (SFNDT) les résultats préliminaires de son étude, réalisée à partir de données du registre REIN, qui semble montrer que le dialysat au citrate pourrait augmenter la mortalité des patients dialysés par rapport au dialysat à l’acétate.
Comme le veut la procédure de sélection de ce congrès, le résumé de son étude est examiné par trois experts. Sa communication est acceptée.

⏰ 3 octobre 2018, Lille : Le Dr Lucile Mercadal présente ses résultats en séance plénière durant le congrès de la SFNDT. Sa communication suscite des réactions assez vives des néphrologues qui y assistent, notamment sur les réseaux sociaux.
Aucune déclaration n’est réalisée auprès de l’ANSM.

⏰ 27 novembre 2018 : la vidéo de la communication du Dr Mercadal est mise en ligne sur YouTube, en accès public, par la SFNDT.

⏰ 28 novembre 2018 : Renaloo prend connaissance de la vidéo et de ses résultats et décide d’alerter l’ANSM, qui indique ne pas en avoir pas été informée au préalable. Une réunion de crise est immédiatement organisée avec l’ensemble des parties prenantes.

⏰ 29 novembre 2018 : la vidéo de la communication du Dr Mercadal n’est plus accessible sur YouTube.

⏰ 4 décembre 2018 : Un article « Alerte sanitaire sur un produit utilisé pour la dialyse » est publié par le journal Le Monde.
Le Dr Mercadal y souligne le défaut d’évaluation des dialysats, qui dans le cas du citrate a conduit à utiliser de façon très large un produit sans preuves de son innocuité.

⏰ 5 décembre 2018 : les parties prenantes se réunissent à l’ANSM et conviennent que des études complémentaires sont nécessaires, aussi rapidement que possible, pour confirmer ou non les conclusions du Dr Mercadal et pour les préciser. Un communiqué commun est publié.

⏰ Le sujet des crampes n’est cependant pas retenu, au motif que les crampes sont des effets secondaires de la dialyse mais pas des effets indésirables.

Dans les semaines qui suivent, le nombre de patients traités en France par dialysat au citrate passe de 15000 à 10000 environ.

⏰ 24 janvier 2019 : une seconde réunion a lieu à l’ANSM.

⏰ 14 mai 2018 : une troisième réunion a lieu à l’ANSM

⏰ 3 juillet 2019 : à l’occasion d’une 4ème réunion à l’ANSM, et 7 mois après le lancement d’alerte, l’Agence de la Biomédecine présente des résultats préliminaires rassurants, puisqu’ils ne retrouvent pas l’existence d’une surmortalité liée au dialysat au citrate par rapport à l’acétate

⏰ Octobre 2019 : l’Agence de la biomédecine présente les conclusions rassurantes de son rapport « Impact de la composante acide du dialysat sur les taux de mortalité en hémodialyse » qui feront l’objet d’une publication prochaine.
Le communiqué suivant est publié.
Une prochaine réunion à l’ANSM doit avoir lieu en janvier 2020.

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