Chronique d’une transplantation à Necker

Accueil Forums Le Forum de Renaloo Chronique d’une transplantation à Necker

  • Créateur
    Sujet
  • #17574
    luc
    Participant
    • Néphropathe confirmé
    • ★★★★
    • 1587Message(s)

    Attention, je préviens que ce message sera un peu long, mais le but est de décrire (sans trop de détails) mon expérience (chacun étant différent) durant mon passage à l’hopital:
    Ma situation: suite à une polykystose, j’ai fait un bilan pré-greffe à Necker en mai 2005 (j’étais suivi dans cet hopital depuis 25 ans, avais apprécié leur expérience et compétence en néphro) , je suis inscrit depuis août 2005 sur la liste de l’agence de biomédecine et suis passé en DP en janvier 2007. J’ai 52 ans.
    J0 (dimanche 17 août): 7h du matin: Je commence ma partie de pêche prés du pont de Puteaux. A la même heure, un rein est prèlevé en région parisienne d’une personne décédée de mort encéphalique (seul type de prélèvement autorisé en France).
    9h: La pêche est moyenne: 4 brêmes de 800g , 4 petites et une casse de carpe. Mon portable sonne: “Bonjour, c’est l’hopital Necker, je suis le docteur…, nous avons un rein pour vous…”
    Moi: ” Est-ce un rein marginal ?” (sous cette dénomination on désigne un rein d’une personne trés âgée ou ayant pu subir certains dommages suite à la maladie du décédé; ce sont tout de même des reins greffables, mais avec une espérance de vie peut-être moindre).
    Le Dr: “Non”.
    (Si la réponse avait été oui, j’avais décidé de passer mon tour pour attendre un autre appel)
    Moi (pas curiosité car je serais bien sûr venu). “Combien avez-vous ou comptez-vous appeler de personnes ?”
    Le Dr: “Vous êtes le seul; les tests de compatibilité ont été effectués et sont ok”.
    Moi: “J’arrive, il me faut entre 1h et 1h 30”.
    Le Dr: “C’est ok”
    J’ai donc (au sens propre) plié les gaules, suis passé chez moi prendre un sac prêt depuis 2 ans et pris le premier taxi. Difficile de décrire ce que je ressentais: certainement pas de la joie, plutôt un stress et de l’angoisse (on m’a dit plus tard que certains , bien qu’inscrits, refusaient au moment de l’appel et je le comprends: la dialyse a sa routine réconfortante, la peur de l’inconnu est grande chez chacun).
    Arrivée à 10h à l’hopital: premier petit problème: comme on ne m’avait rien précisé, j’étais “ventre plein”, comme d’habitude. Or pas une seule poche de DP danns cette unité pourtant si sophistiquée….Heureusement j’ai pu contacter ma femme (qui revenait en urgence de la campagne) en lui demandant de passer chez moi prendre ce qu’il fallait….Examen clinique…J’avais peur d’avoir une nephrectomie en plus car mes reins polykystés sont gros. Heureusement, l’urologue a considéré qu’il y avait encore suffisamment de place (un rein normal pèse entre 500 et 800g). J’aurai donc 3 reins (le greffon est dans la fosse iliaque droite).
    L’opération (jugée réussie et sans complications) a débuté à 15h pour se terminer vers 19h30. Compte tenu du prélèvement le matin même, cela donne une période d’ischémie (non irrigation du greffon) de 12h, tout à fait raisonnable (cela pourrait être de 24h, même 36h). Evidemment, plus cette période est courte, plus vite le greffon se remet à une activité normale.
    Premiers souvenirs (délire) à 20h30: j’expliquais (en geignant à cause d’une certaine douleur) aux 2 infirmier(e)s de Réa que je ramenais une brême de 800g… 😆
    Les infirmièr(e)s: “C’est quoi une brême ?”
    Moi: “C’est un poisson”
    Certainement pas convaincus vraiment, je suppose qu’ils m’ont donné une bonne dose de morphine… 🙂
    22h30: J’ai retrouvé à peu prés mes esprits; ils m’ont donné une pompe à morphine à la main. En fait je n’ai appuyé qu’une fois dessus (dans l’heure qui suivait) car la douleur n’était pas trés forte (et pourtant comme pas mal d’hommes, je suis assez douillet).
    J1: Je suis transféré au service de transplantation (il n’y a pas besoin d’être en isolement stérile) , partie soins intensifs (1 infirmière + 1 aide-soignante pour 4 lits (A Necker, je crois qu’ il n’y a que des chambres individuelles dans tous les cas).
    J’ai tous mes esprits, la douleur est faible , déjà des visites et pas mal d’appels (famille, amis).
    J’ai 2 perfs dans chaque main, 2 redons, une sonde urinaire et la sonde JJ (que j’ai toujours à l’intérieur de moi pour encore 1 semaine à peu près et qui protège les sutures).
    J2: Premier lever du lit (douleur à la cicatrice). Voilà à quoi je ressemblais:
    http://i57.servimg.com/u/f57/11/67/87/88/img_1712.jpg
    Evidemment, je n’étais pas trés gai… 🙂
    Un des objectifs immédiats, (outre d’éviter un rejet immédiat) est de bien irriguer le greffon, de reprendre une diurèse (pour ceux qui n’en avaient plus). Mon poids augmente de 5kg en 2 jours (malgré 10 litres de diurèse la première journée), je reperds 2,5kg le 3ème jour,…
    Aucun problème de diurèse (normal, en DP j’avais une trés bonne diurèse résiduelle).
    Premiers chiffres de Créat autour de 460 (arrivée à 700).
    J3, J4: Les pires jours de mon hospitalisation: contrecoup de l’opération, sonneries fréquentes des 6 ou 7 machines régulant le débit des produits injectés (serum, glucose, anti-rejets, potassium, immunoglobines, ATG, anti-douleur,….) à la fin de chaque contenant et qui empêchent de dormir. La créat est prise matin et soir et le soir elle dépasse les chiffres du matin (c’est normal m’a t’on dit, peut-être dû à l’activité musculaire du jour, je suppose), mais trés stressant…on se met à douter un peu de cette “aventure” malgré les discours encourageants et permanents de tout le corps médical (“opération réussie, tout va bien, c’est normal,…”). Le premier echo-doppler du greffon ne décèle aucun problème. Le suivi des glucides dérape: risque de diabète post-opératoire => stress…je fais trés attention à ne pas trop prendre de glucides (fruits en particulier)…les chiffres suivants se régularisent.
    J5 à J9: Je remonte la pente petit à petit: les redons disparaissent ainsi que certains produits presque chaque jour. Dés J7 je n’ai plus qu’une rampe de produits (au lieu de 2) ce qui me permet de me déplacer (lentement) seul jusqu’à la salle de bains (où le confort du WC est incomparable par rapport au bassin). La créat baisse par à coups plus ou moins forts, se met à stagner entre J8 et J9 (angoisse…) à 155 (bons chiffres dans l’absolu, mais j’espérais bien qu’elle stagne sous les 130). J’ai du mal à garder mon poids; mon greffon “fait ce qu’il veut” et ne garde pas les minéraux. Quand j’absorbe (perf + boissons) 8l, j’urine autant… Ayant toujours ma maladie (PKR-AD) sur mes reins natifs, je garde ses conséquences (hypertension, pouls élevé) et je reçois certains médicaments pour y rémédier. Mon hémoglobuline est tombée à 10 et je reçois une bose dose d’EPO (mais l’effet prenant 2 à 3 semaines, je reste encore autour de 10, ça se régularisera).
    J10: La quasi-stagnation de la créat les 2 derniers jours était due à un surdosage du Prograf (anti-rejet). Il vaut cependant mieux être ainsi que l’inverse où l’on risquerait un rejet…
    La créat baisse spectaculairement à 139. On m’annonce donc que je pourrais sortir dés le lendemain (sauf mauvais résultats du jour). Je suis surpris car la durée moyenne annoncée était plus proche de 3 semaines.
    J11: 12h: Je suis habillé: jeans, baskets, t-shirt, dans les starting blocks… 🙂
    Arrivée de l’interne avec les résultats: “Votre créat a légèrement augmenté –145-, on vous garde donc pour comprendre la raison: la perte de poids est la première raison à explorer. On va donc vous remettre une perf avec de l’eau salée et vous devrez boire beaucoup, en plus….; d’autre part on a trouvé une bactérie qui pourrait expliquer vos problèmes intestinaux et vous allez être en semi-isolement (pas de sortie, gants, blouse et procédure de lavage des mains pour toute visite… ”. Boum: gros coup sur le moral 🙁 : Je passe en 5 minutes de l’état de sub-partant à l’état de “pestiféré” (là, évidemment, j’exagère,… ) .Nouvel echo-doppler du greffon pour voir s’il n’y a rien de bouché (ou plié) au niveau des connexions, hématomes,…non, tout est parfait de ce côté.
    Résultat de la créat le soir : 157 …nouveau coup au moral…bien sûr le soir est plus élevé que le matin, mais cette hausse ne me semble pas logique car j’ai fait le forcing côté boissons + perf. Les médecins supposent donc un surdosage des antirejets (pourtant ok en J10 lorsque testés). Je saute la prise d’un des anti-rejets (Prograf) du soir.
    J12: Créat du matin: 155 …encore un coup sur la tête…Il faut maintenant explorer la possibilité de rejet (partiel ou aigu-mais pour un rejet aigu les chiffres de créat augmenteraient normalement beaucoup plus). Je vais donc avoir une biopsie du greffon…A noter que, dans tous les cas un rejet (partiel ou aigu ) est traitable.
    12h: biopsie qui se fait avec un appareil conséquent (50cm de long, qui a 2 lames pour prélever une – en l’occurrence 2- carottes dans le greffon), chacune ayant une longueur de 3cm et un diamètre d’1/2 mm à peu prés). Cette opération (qui peut faire peur) est moins douloureuse qu’une simple prise de sang car on endort d’abord la région et le greffon n’étant pas innervé, en fait on ne sent rien du tout. Chaque carotte n’enlève qu’une dizaines de néphrons (sur plus d’un million), donc cela n’altèrera pas le fonctionnement du rein. Le plus difficile est de ne pas changer de position 6h durant aprés la biopsie pour ne pas entrainer d’hémorragie interne. 2h plus tard: tout est parfait, pas de rejet ni partiel ni total…première bonne nouvelle en 2j…mais je ne comprends toujours pas pourquoi cette créat a monté…On m’indique que si elle reste à ce niveau je peux sortir le lendemain (je suppose que les causes graves ayant été écartées, toute autre cause peut être traitée avec le temps, il faut que le greffon reprenne un activité normale et cela est trés variable).
    J13: Je ne m’habille pas (de toutes façons, je suis toujours perfusé), suite aux déconvenues des 2 jours passés. Les résultats tardent (on est Samedi). La bactérie (cause de mon semi-isolement) a disparu…Le chiffre magique arrive: 127 , je sors. Explication supposée: surdosage assez fort du Prograf (en J10) et son effet négatif a duré 2j (malgré l’absence d’une prise). Retour à la maison. A la reflexion, J13 est un trés bon résultat, malgré les soubresauts des 2 derniers jours. Tout n’est certes pas parfait à présent (tension, hémoglobine, ennuis gastriques, glucides à surveiller, poids à essayer de maintenir car le greffon ne garde pas assez de sels minéraux,….) mais je pense que ceci devrait se régulariser petit à petit, avec ou sans l’aide de médicaments. Le suivi médical reste trés serré avec 2 passages à l’hopital par semaine (prise de sang et consultation) pendant les 3 premiers mois. Cela s’espacera normalement progressivement. Même si j’ai toujours été un apôtre de la DP, 4 dialyses de 25mn par jour était tout de même assez contraignant, à force…
    Conclusions :
    – Je ne regrette tout d’abord absolument pas de mettre inscrit à Necker, même si je savais que le temps d’attente était bien plus long que dans d’autres hopitaux en province proche): le corps médical dans son ensemble (Médecins, infirmièr(e)s, aide-soignant(e)s), diététiciens, masseur, asistante sociale ) est trés compétent, dévoué, aimable; il y règne une trés bonne ambiance de travail avec une grande solidarité et entr’aide –par exemple entre infirmièr(e)s, et aide-soignant(e)s). Necker est le premier centre de transplantation rénale en France (200 l’an dernier, peut-être 160 cette année –je suppose compte tenu de la pénurie de donneurs).
    – La transplantation ne consiste pas seulement comme dans beaucoup de maladies à une opération et une période de convalescence: il est important que l’opération se passe bien, mais la période qui suit est au moins aussi importante afin de trouver le traitement qui correspond entre le greffon et son corps.
    – Dans les périodes difficiles (et même les autres), le soutien de sa famille, des amis, des collègues de bureau aide beaucoup. Merci encore aux messages d’encouragement reçus de Renaloo (et à la visite d’Athena, de passage et qui est venue me dire bonjour, à un moment d’inquiètude avant la biopsie), communiqués par ma femme. C’est trés réconfortant. Il faut essayer de positiver, même dans les périodes de doute.Comme disent las Américains: There is no free lunch (littéralement: “il n’existe pas de repas gratuit”, ce qui pourrait se traduire par: “on n’a rien pour rien”). L’opération de transplantation et ses suites, bien que maitrisée, reste quelque chose de délicat, il faut s’attendre à certaines inquiétudes.
    – Je ne terminerai pas cette chronique sans une pensée reconnaissante au donneur et à sa famille qui a permis de donner la vie après la vie. Merci encore. Le don d’organes est vraiment le plus beau des dons.

4 réponses de 1 à 4 (sur un total de 4)
  • Auteur
    Réponses
  • #17575
    Petite Fleur
    Participant
    • Rognon expérimenté
    • ★★★☆
    • 144Message(s)

    Trop marrant le coup des brêmes au réveil 😆 😆 😆

    Plus de peurs que de mal en tout cas, malgré un ptit incident de parcours. Pour le reste je pense qu’il faut laisser au corps le temps se s’habituer etr d’apprivoiser ce nouveau venu 🙂
    On m’avait toujours dit qu’il fallait se donner une année de convalescence après l’opération !

    En ce qui me concerne je ne me souviens plus de tous les détails concernant cette greffe, dans mon souvenir c’est passé comme une lettre à la poste. Je ne me souviens pas avoir eu mal, juste que le lever était difficile car je marchais pliée en 2 et je tenais mon ventre, mon greffon quand je marchais ce qui faisait bien rire mon néphro qui me disait que je pouvais le lacher, qu’il n’allait pas tomber. Au début je comptais les séances de dialyses sautées … et puis au bout d’un moment on ne compte plus !
    J’ai également fait un rejet aigu à 1 mois, biopsie (j’étais tellement shootée que j’ai rien senti) et corticoides à hautes doses 😕

    Mais c’est vrai que la créat fluctue bcp avec les taux d’antirejets, chez moi ça peut varier de 10 ou 20 points !!

    Bon courage pour la suite, maintenant ça va être plein plein de consultations chez le néphro, plus contraignant que la DP finalement.

    #17583
    soniamax
    Participant
    • Petit rein débutant
    • ★☆☆☆
    • 23Message(s)

    salut tout le monde moi le souvenir que j en garde c est de m etre reveiller a coté de ma mere c est elle qui m a donné son rein et au reveil j etais rassuré de voir qu elle allait bien… enfin appart les douleurs… normal… puis a j3 j ai ete reopéré suis a une veine qui n irrigai pas bien le greffon donc reouverte et la j ai eu plus mal mais ca a ete je suis a 7mois et demi de greffe une créate a 108 des cachets de moins en moins fort que demandé de plus???? voila … luc quand j ai vu ta photo je me serai cru 7mois en arrière… ca fait bizzarre…

    bonne continuation luc et bon courage

    #17590
    gadoune
    Participant
    • Rognon expérimenté
    • ★★★☆
    • 155Message(s)

    Vraiment merci de tout coeur, Luc!!
    ta description est excellente et j’en arrive même à regretter d’ètre partie de Necker, il y a quelques années, non pas à cause de Grunfeld, mais plutôt de ce que représente l’hôpital, en général!
    c’est d’autant plus bête de ma part, quà l’heure actuelle, je serai greffée 😈
    ton récit renseigne bien les futurs gréffés qui partent vers l’inconnu
    avec un peu de frousse, c’est bien normal, surtout en ce qui concerne la douleur post opératoire et la biopsie du greffon…
    longue vie à ton greffon, chouchoute le en respectant bien médocs et régime
    amicalement
    frédérique

    #17592
    bd91
    Participant
    • Néphropathe confirmé
    • ★★★★
    • 594Message(s)

    Cher Luc,
    Notre rendez-vous (non encore programmé) pour le reportage photos DPCA tombe à l’eau ! Mais il faut se réjouir du motif qui a empêché cette rencontre ! Bravo pour cette grande nouvelle en espérant un brillant “renouveau” !
    Longue vie au greffon et à son nouveau propriétaire !
    😀

4 réponses de 1 à 4 (sur un total de 4)
  • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.