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Michel CORNIGLION : ” La première démarche pour participer au développement de la transplantation est de faire connaître son opinion à ses proches.”
Entretien avec le Docteur Michel Corniglion, chirurgien plasticien, greffé du cœur il y a 27 ans, est le président de l’association France ADOT 69 (association pour le Don d’Organes et de Tissus Humains). Propos recueillis par Caroline Januel le 8 février 2008.
Date : 08/02/2008
Lyon s’est illustré dans la médecine des greffes bien avant Michel Dubernard. Quels sont aujourd’hui les atouts lyonnais dans ce domaine ? Quelle est la place de France Adot dans la chaine ? Comment doit-on procéder pour bénéficier d’une greffe? etc.
En quoi l’histoire lyonnaise de la médecine des greffes est-elle remarquable ? Quels en sont les principaux acteurs et les étapes les plus marquantes ?
L’école lyonnaise conduite par Mathieu Jaboulay a joué un rôle décisif dans le développement de la chirurgie vasculaire et par conséquent, dans les transplantations d’organes.
Déjà le génie de François Rabelais, Lyonnais d’adoption, avait annoncé à l’avance en 1532 dans « Pantagruel » la première réimplantation de tête : celle d’Epistemon, perdue au combat contre les géants commandés par Loup Garou : « l ajusta justement vene contre vene, nerf contre nerf, spondyle contre spondyle … lui fit alentours quinze ou seize points d’aiguilles et mit un onguent ressuscitatif ».
Claude Bernard, originaire de Lyon (1813-1878) avait lui aussi pressenti l’intérêt des greffes dans les recherches physiologiques.
En 1898, Jaboulay remporte un premier succès de suture artificielle sur la carotide d’un âne. En 1901, son élève Alexis Carrel (1875-1944) écrivait : « j’ai commencé les recherches sur la technique opératrice des anastomoses vasculaires dans le but de réaliser la transplantation de certains organes… ». L’année suivante, en 1902, Carrel transplante un rein au cou d’un chien, et publie « la technique opératrice des anastomoses vasculaires et la transplantation des viscères » dans la revue Lyon chirurgical. Il quittera la France pour les USA en 1904 et recevra le prix Nobel en 1912 pour ses travaux. Après la grande guerre, il finira par abandonner ses recherches en transplantation, pressentant la grande difficulté à vaincre la barrière du « non-soi », mais il ouvrit indirectement la voie aux greffes cardiaques et pulmonaires en inventant, dans les années trente, avec Charles Lidberg le cœur poumon artificiel.
En 1906, Jaboulay tente la greffe rénale chez l’homme et publie dans la revue Lyon médical un article sur « les greffes de reins au plis de coude pour soudures artérielles et veineuses », il y rapporte deux cas de greffes. La première effectuée chez une femme urémique à partir d’un rein de porc tué trois heures auparavant. La deuxième implantation a également été pratiquée au coude, chez une femme néphrectomisée, à partir d’un rein de chèvre.
L’idée de la xénostransplantation, c’est-à-dire la transplantation d’organes d’origine animale sur l’homme, a été réactualisée à Lyon dans les années 60. En 1965, plusieurs greffes de reins de chimpanzé furent effectuées chez l’homme par l’équipe de Jules Traeger. Des greffes de foies de babouins furent pratiquées chez l’homme à l’hôpital de la Croix Rousse par M.Pouyet et son équipe en 1969. A cette même période, des malades ont pu être sauvés d’altérations hépatiques majeures grâce au procédé de circulation croisée entre un donneur et un receveur de l’équipe de Jean Motin.
Depuis cette époque, on peut citer un grand nombre de « premières » (il s’agit de l’école lyonnaise). La première greffe rénale à partir d’un donneur humain, eut lieu à Lyon en 1962, avec le Professeur Jean Perrin et l’équipe de néphrologie du Professeur Jules Traeger. A partir de 1966, l’équipe lyonnaise s’est particulièrement illustrée dans le développement du sérum anti-lymphocytaire original visant à combattre le rejet (M.Carraz). Ce produit est le plus puissant des immunosuppresseurs. Le premier échange de rein d’une ville à une autre eut lieu en 1969 entre Grenoble et Lyon. La première greffe cardiaque fut pratiquée en 1969 par Georges Dureau, Pierre Marion, Suzanne Estanove et leurs collaborateurs. En 1972, à l’initiative de Jules Traeger, un groupe coopératif du grand sud-est français, intitulé « Rhône Méditerranée Transplant » fut créé. En 1974, Jean-Louis Touraine pratiquait la première greffe lyonnaise de tissu fœtal. En 1976, le « bouchon lyonnais » pancréatique était utilisé chez l’homme dans l’équipe de Jules Traeger par Jean-Michel Dubernard : il s’agissait d’injection de néoprène pour tenter de bloquer les secrétions digestives pancréatiques. En 1985, la mise en culture des cellules cutanées pour le traitement des brûlés graves, était lancée sous l’impulsion de Jean Thivolet. En 1989, l’équipe de G.Champsaur a implanté un greffon cardiaque chez un nouveau né de 2 jours, et un cœur poumon chez un receveur de 16 mois. En 1992, Olivier Boillot a pratiqué la première transplantation hépatique française à partir d’un greffon prélevé chez un donneur vivant apparenté. Plus récemment, la première greffe de la main au monde a été réalisée à Lyon avec l’équipe du Professeur Jean-Michel Dubernard (1998), puis la première double greffe des mains et des avant-bras (2002).
Quant à la première allogreffe composite partielle de la face, soulignons le remarquable travail de cette équipe dans cette nouvelle première mondiale.
Ces « premières » n’existeraient pas sans les travaux de plusieurs groupes de recherche du CHU de Lyon travaillant dans le domaine de l’immunologie de la greffe, des thérapies cellulaires, des milieux de préservation cellulaires, des techniques de réanimation des organes, comme le suggérait Rabelais, avec « l’onguent ressuscitatif ».L’esprit d’expérimentation et le goût pour l’interdisciplinarité, caractéristiques souvent citées comme des savoir-faire lyonnais, ont-ils joué un rôle dans le développement de la médecine des greffes à Lyon ?
Un rôle fondamental, d’autant plus que l’école lyonnaise a toujours conservé un esprit et un désir d’innovation.Que reste-t-il de cet héritage aujourd’hui ? Actuellement, quels sont les points forts et les points faibles de la région lyonnaise dans le domaine des greffes (sur le plan médical, scientifique, organisationnel) ?
Il faut souligner l’importance des greffes de moelle osseuse, en particulier des greffes à partir des cellules souches prélevées au niveau du sang de cordon ombilical.Quels sont les principaux acteurs lyonnais concernés, leurs rôles et leurs liens ?
La Coordination hospitalière des prélèvements et des transplantations des Hospices Civils de Lyon (dirigée par le Dr O. Dubosc de Pesquidoux) et les équipes médico-chirurgicales sont bien sûr les principaux acteurs. Il existe également plusieurs banques de cellules et de tissus, publiques et privées : la banque des HCL, la banque de l’EFS (Etablissement français du sang) à l’hôpital Edouard Herriot, la banque de tissus osseux de l’entreprise TBF (localisée à Mions), la banque de tissus de l’entreprise lyonnaise Bioprotec (recueil de veines saphènes et production d’allogreffons veineux).Quel est le parcours d’un patient nécessitant une greffe ?
Lorsque l’état d’un patient nécessite une greffe, le médecin qui le prend en charge établit une prescription de greffe. Son dossier médical et administratif va être validé par l’Agence de la biomédecine. Après avoir obtenu un numéro provisoire de pré-inscription, il sera inscrit sur liste d’attente avec un numéro, qu’il gardera jusqu’à sa greffe, même si pour des raisons personnelles il est amené à changer d’équipe de prise en charge.Quel est le parcours d’un donneur et de son greffon ?
Le donneur peut-être vivant ou décédé. Si le donneur est vivant, il doit subir -au préalable- toute une série d’examens pour confirmer la possibilité médicale d’un prélèvement, puis il y a encore deux formalités : le comité donneur vivant et le Tribunal de Grande Instance.
Le parcours est bien sûr différent lorsque le donneur est décédé. C’est un patient qui arrive en réanimation, dont l’état se détériore irrémédiablement malgré les traitements mis en œuvre. Des examens cliniques et para-cliniques vont établir qu’il est en état de mort encéphalique. Le certificat de décès est signé par deux médecins. Si le témoignage transmis par ses proches est favorable, et si l’interrogation du RNR (registre national des refus) est négative, l’Agence de la biomédecine, en collaboration étroite avec la coordination hospitalière des prélèvements, de l’établissement autorisé, va pouvoir organiser le prélèvement d’organes et de tissus, après que ceux-ci aient été évalués.
Les greffons seront attribués selon des règles de répartition publiées au Journal Officiel. Une fois acceptés par les équipes médico-chirurgicales autorisées, ils seront greffés.Des équipes lyonnaises font partie du RTRS Centaure (réseau thématique de recherche et de soins dédié aux sciences de la transplantation) aux côtés d’équipes nantaises et parisiennes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’objectif de ce réseau et le rôle des équipes lyonnaises ?
En effet, le projet Centaure s’est construit autour de trois grands centres français, qui ont particulièrement innové dans le domaine, et cela, en toute complémentarité : Lyon (pour les techniques chirurgicales et les nouveaux types de transplantation, avec le Professeur Jean-Michel Dubernard), Nantes (pour l’immunologie, la génétique et post-génomique) et Paris Necker (grand centre clinique de transplantation). Les HCL et l’Université Claude Bernard Lyon 1 sont également largement parties prenantes.Quels sont principaux freins scientifiques, éthiques ou organisationnels à lever pour que le nombre de demandeurs et de donneurs s’équilibre enfin ?
On ne peut pas parler de « freins » en revanche, des progrès scientifiques améliorant la tolérance de l’organe greffé par le receveur sont souhaitables.
L’organisation des prélèvements doit être encore améliorée, cela repose aussi sur les ressources humaines qui doivent être importantes.
Quant au nombre de greffons disponibles, les prélèvements à cœur arrêté sont prometteurs et ouvrent de nouvelles perspectives, Lyon est une ville pilote en la matière.Côté recherche, quelles sont les pistes d’amélioration les plus sérieuses ? Les médias relatent périodiquement l’espoir apporté par les greffes d’organes artificiels, les greffes d’organes d’animaux, les greffes de cellules souches…
Il faut considérer plusieurs cas en ce qui concerne les « pistes » suivies par les médias pour informer le public des améliorations. Tout d’abord, les communications scientifiques sur les recherches fondamentales et appliquées, qui bénéficient, en général, d’une prudente réserve car, chacun sait que le temps est un facteur déterminant et annoncer des résultats prématurément serait une erreur de sérieux et de crédibilité.
A l’opposé, les médias à sensations : beaucoup se livrent à certaines extrapolations surtout dans le domaine des fictions françaises et étrangères. Cependant, elles permettent au moins de laisser le sujet toujours présent à l’esprit.
A côté de ces deux extrêmes, un important soutien est apporté par les médias lors d’évènements comme par exemple : la journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe (lancée à l’initiative de France Adot en 1996) est l’occasion de reportages à la télévision, d’émissions radio et de relais par la presse écrite ; l’effet « Grégory Lemarchal » qui a fait prendre conscience de ces problèmes à de nombreux jeunes dont ce n’était pas le souci ; les interventions des journaux télévises qui informent, en fonction des communiqués reçus à la rédaction, ainsi que la reprise par les différents journaux et les articles de fond tout au long de l’année.
L’actualité doit tenir compte de certains sujets attractifs durant un temps. Actuellement, les cellules souches en sont un exemple. Il en a été de même pour les greffes de peau de porc la moins susceptible de rejet. Les organes d’animaux demeurent encore à l’étude au même rang que les organes artificiels issus de la bionique.
Longtemps ces sujets ont été –sinon occultés- tout au moins insuffisamment et trop brièvement abordés, peut-être par crainte de choquer et de détourner le public du média entreprenant cette démarche. Aujourd’hui, et c’est heureux, la réunion de tels facteurs non seulement les actualise mais réveille les consciences.Quel est le rôle de l’association France ADOT ?
L’Association pour les Dons d’Organes et de Tissus Humains, association à but non lucratif loi 1901, est reconnue d’Utilité Publique. L’association s’est donnée pour mission d’encourager la transplantation, en utilisant tous les moyens médiatiques possibles : manifestations publiques, conférences par des spécialistes, et des greffés, émissions de radio et de télévision, presse écrite et par la mise en place d’un site Internet (http://www.france-adot.org)
Bien entendu, France ADOT 69 respecte le libre choix de chacun vis-à-vis du don d’organes et, c’est sans prosélytisme, que nous soutenons la recherche médicale et les travaux scientifiques liés à la transplantation.
La revue « Revivre », des films, les actions d’information directe, à la portée de tous, éclairent les points essentiels de ce message et luttent contre les tabous, dans le seul but d’augmenter les greffes.Percevez-vous une évolution du grand public sur le sujet du don d’organes ?
Oui, la vulgarisation du concept « don d’organes » a contribué à augmenter le nombre de transplantations.
Cette vulgarisation a été aidée par la publication de nombreux articles de presse, la réalisation d’émissions et de films télévisés sur le sujet sans en banaliser le contenu humain. En 2007, il y a eu plus de 5000 transplantations d’organes en France, soit en moyenne 15 par jour ! C’est devenu un moyen thérapeutique au quotidien. Aujourd’hui, chacun d’entre nous a pu rencontrer un transplanté qui porte en lui un message d’espoir pour tout malade inscrit en liste d’attente. Gardons à l’esprit qu’il n’y a pas de transplantation sans don. Si nous voulons un jour être sauvé par une greffe, il faut être prêt à donner.
La première démarche pour participer au développement de la transplantation est de faire connaître son opinion à ses proches ; porter une carte de donneur sur soi peut lever bien des incertitudes.Téléchargements
> CORNIGLION2008.pdf (pdf-39ko)
… sur millenaire3
> Olivier BASTIEN : “Lyon fait figure de pionnier en matière de prélèvements de reins sur donneur à coeur arrêté (DCA).” (Interviews)Fiche actualisée le : 28/03/2008
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