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Mars 1989 : déjeuner à Tana avec des néphrologues Malgaches, Daniel Cordonnier, patron de néphro à Grenoble et d’autres dont j’ai oublié le nom. Nos collègues Malgaches évoquent le cas d’une jeune patiente de 25 ans, Maaci, diplômée de l’école polytechnique Malgache, qu’ils ont reçu en insuffisance rénale terminale, sans bien connaître la cause (IRA sur paludisme ?). Cette jeune dame est en EER depuis un mois, n’a pas repris de fonction rénale, et ils demandent un avis, qui vient très vite : « arrêtez la dialyse » Choquant en 1989, oui, mais compréhensible vu le contexte local. A l’époque, je me souviens qu’il y avait dix dialysés sur Tana, le seul service de la grande île.
Composée de huit frères et sœurs, la famille de Maaci a néanmoins donné du sang et un des collègues est parti en mars 1989 avec les tubes de sang vers la Réunion pour faire réaliser un groupage HLA. Celui-ci a indiqué qu’il y avait un frère et une sœur HLA compatibles, un espoir de greffe intra-familiale en 1989.
Puis les contacts se sont poursuivis, la dialyse a été poursuivie à Tana. J’ai appris quelques années plus tard que sa famille avait dû vendre des rizières pour acheter des dialyseurs au Zouma, le marché de Tana, car il fallait apporter à l’hôpital le matériel nécessaire à l’hémodialyse.
Maaci est arrivée un jour de juin 1989 à Paris, sans que l’on sache vraiment comment le visa avait été obtenu, porteuse d’un shunt de Scribner. Guidé depuis l’aéroport par Jean Michel, disparu depuis, elle pesait une trentaine de kilos et apportait avec elle autant de poids en riz, c’est l’habitude quand on va chez un ami, on apporte son riz. Rapidement dialysée, transfusée aussi à Mont Saint Martin (54), Maaci a repris du poids et des forces. Puis il a fallu faire venir son frère volontaire pour donner un de ses reins. Et je me souviens que celui-ci mangeait, mangeait… Il était en sous alimentation à Mada et reprenait du poids aussi.
Il a fallu aussi trouver une solution pour la greffe intrafamiliale : le CHU voisin demandait un déposit de cent mille Francs. Une longue conversation avec un collègue à Strasbourg a permis de trouver une solution : « Envoie moi les deux sujets, on se débrouillera… ». Et je me suis retrouvé un matin de juillet 1989 en tenue de bloc à assister à une greffe rénale à Hautepierre, sous la responsabilité de Jacques Cinqualbre et Philippe Wolf. Qu’ils soient ici remerciés, ils ont permis à Maaci de vivre ces trente années, trente années de plus…
La récupération de fonction rénale s’est faite sans difficultés. Maaci et son frère ont regagné la grande île fin août 1989. Maaci s’est organisée pour suivre un traitement que nous avions voulu simple : 10 mg de Cortancyl et 50 mg d’Imurel. Si le Cortancyl était disponible à Mada, il n’en a pas été de même pour l’Imurel qui a été fourni par divers greffés français que je remercie.
Depuis 1989, je suis allé une bonne vingtaine de fois à Mada, pas uniquement pour la rencontrer, le nord de Madagascar est un des meilleurs spots de pèche tropicale. J’ai gardé le contact avec Maaci, merci à Internet et à Facebook, et je lui ai envoyé chaque année l’Imurel nécessaire à elle. Maaci s’est mariée et a eu un fils qui a 22 ans et elle est devenue grand-mère.
Maaci a travaillé en effectuant des missions d’ingénierie sur la grande île avec de longs déplacements en taxi brousse. A ce jour, Maaci travaille à Tana en gérant une école primaire de cinq classes tout en enseignant. Elle fait une fois par an un dosage de créatinine, parfois une échographie rénale, tout ceci à ses frais bien sûr. Elle est diabétique et son suivi est difficile.
J’ai revu Jacques Cinqualbre lorsqu’il était conseiller technique au ministère de la santé. J’ai eu un contact plus récent avec Philippe Wolf et je l’attends pour une petite bouff promise aux Halles de Narbonne.
Dans les années 90-95, j’ai tenté d’initier un projet de prise en charge en hémodialyse en y associant une possibilité de greffe intra-familiale, les familles Malgaches sont grandes, mais divers obstacles n’ont pas permis à ce projet d’avancer. Je ne sais pas comment se passe l’hémodialyse à Tana.
Voilà l’histoire de Maaci : avec de petits moyens, hors de portée de la population Malgache, mais banalisés en France, la greffe rénale a permis à Maaci de vivre normalement durant ces trente dernières années. Merci à tous.
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