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Après trois années de débat, la révision de la loi sur la bioéthique est adoptée par le Parlement

8 juillet 2004, Le Monde

Le clonage reproductif y est qualifié de “crime contre l’espèce humaine”. M. Douste-Blazy précise que l’agence de biomédecine prévue par le texte sera installée le 1er janvier 2005.

Après trois ans d’un travail conduit sous deux législatures, le Parlement achève la discussion du projet de loi de révision du dispositif législatif de bioéthique de 1994. Le texte issu de la commission mixte paritaire (CMP) devait être adopté jeudi 8 juillet par l’Assemblée nationale et vendredi 9 par le Sénat. C’est donc avec cinq ans de retard sur le calendrier fixé en 1994 que la France va se doter d’un nouveau cadre législatif traitant de l’ensemble des questions relatives à la médecine et à la morale, aux droits de la personne et de ses caractéristiques génétiques, aux règles régissant le don et l’utilisation des éléments et des produits du corps humain, ainsi qu’à celles concernant l’assistance médicale à la procréation.

En dépit des demandes formulées par les biologistes, le clonage à visée thérapeutique demeurera interdit en France et la recherche sur l’embryon humain sera très strictement encadrée. “Seule la finalité distingue les clonages “reproductif” et “thérapeutique”. Pour la première fois, grâce à la loi de bioéthique, le clonage reproductif est très clairement qualifié de crime contre l’espèce humaine, et le clonage dit thérapeutique de délit, a déclaré au Monde Philippe Douste-Blazy, le ministre de la santé. La protection de l’embryon est un objectif clair du code civil. Nous n’avons pas voulu que les chercheurs puissent créer des embryons in vitro à des fins de recherche.”

Une des dispositions majeures de la loi concerne la création d’une nouvelle agence nationale, dite de biomédecine. “La compétence de l’agence de biomédecine s’étend aux domaines de la greffe, de la reproduction de l’embryologie et de la génétique humaines. Elle délivrera les autorisations et agréments dans l’ensemble de ces domaines comme, par exemple, les agréments de centre de procréation médicalement assistée, de diagnostic prénatal, de recherches sur l’embryon, précise M. Douste-Blazy. Cette agence de biomédecine sera installée le 1er janvier 2005.”

Estimant que les recherches sur les cellules souches constituent un véritable espoir de progrès médical, le ministre de la santé explique qu’avant la mise en place, il signera avec François d’Aubert, ministre délégué à la recherche, un arrêté “qui permettra aux chercheurs de demander l’importation de cellules souches et l’autorisation de faire des recherches qui pourront commencer à l’automne.”

EMBRYONS CONGELÉS

Par la suite, les biologistes pourront travailler sur les cellules souches issues d’embryons humains conservés par congélation et ne s’inscrivant plus dans un projet parental. Concernant les embryons conservés par congélation en France – estimés “entre 100 000 et 200 000” -, M. Douste-Blazy considère que le fait de ne pas en connaître le nombre exact est “une anomalie grave.” “C’est précisément pour y remédier que j’ai proposé une réglementation stricte des conditions de conservation des embryons, explique-t-il. Ainsi, nous pourrons désormais collecter les données recensées par chacun des centres spécialisés.”

Le travail de la CMP aura d’autre part conduit à modifier le texte voté en seconde lecture par le Sénat en matière d’assistance médicale à la procréation. “Les sénateurs avaient procédé à une réécriture intégrale de l’article 18, ce qui aurait conduit à limiter les recherches aux seuls embryons conservés à la date de publication de la loi, précise Pierre-Louis Fagniez, député (UMP, Val-de-Marne) rapporteur de la CMP. Or rien ne différencie, d’un point de vue éthique, les embryons conçus avant et après l’adoption de la loi. La CMP a souhaité revenir au texte de l’article 18 tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée nationale.”

Défendant l’exception d’irrecevabilité, jeudi matin à l’Assemblée nationale, Alain Claeys (PS, Vienne) a annoncé que le groupe socialiste allait saisir le Conseil constitutionnel, estimant “plus efficace de s’en tenir aux choix éthiques et constitutionnels réaffirmés en 1994” en matière de brevetabilité du vivant. Autoriser le dépôt de brevets de produits incluant un élément du corps humain “méconnaît l’exigence de libre communication des pensées et des opinions garantie par la Déclaration des droits de l’homme”, estime M. Claeys. Les brevets de produits incluant un gène ou la séquence d’un gène, poursuit le député, créeraient “un lien de dépendance vis-à-vis du premier déposant pour tous les inventeurs qui, ultérieurement, trouveraient une autre fonctionnalité de ce gène”.

M. Douste-Blazy souhaite, pour sa part, engager une discussion avec ses homologues de l’Union européenne, afin de déterminer “un consensus plus conforme aux valeurs européennes sur le respect de la valeur humaine”.

Jean-Yves Nau et Patrick Roger

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