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Clonage: la Grande-Bretagne “précurseur mondial”

12 août 2004, Libération

La nouvelle a fait grand bruit. “Après avoir considéré avec attention les aspects éthique, scientifique, légal et médical du projet, le comité de l’HFEA (1) a accordé une première licence d’un an au Newcastle Center For Life”, a déclaré hier Suzy Leather, présidente de cette autorité qui contrôle, en Grande-Bretagne, les travaux sur le clonage thérapeutique. Jeudi, les journaux anglo-saxons ont largement commenté cette nouvelle. Revue de presse.

Légal Outre-Manche depuis février 2002, ce type de clonage “à visée thérapeutique”, consiste à prélever chez le patient une cellule (de peau par exemple), dont on transfère ensuite le noyau dans un ovule récepteur, lui-même vidé de son propre matériel génétique. L’œuf ainsi obtenu est soumis à un faible choc électrique qui entraîne sa division, jusqu’à donner un embryon humain. Au bout de quelques jours, on prélève sur cet embryon tout neuf quelques cellules souches pour les mettre en culture. “Ces cellules souches ont la capacité de se développer en n’importe quel tissu du corps. Réimplantées sur le patient, elles évitent en outre tout risque de rejet de greffe”, se félicite dans “The Independent” le professeur Alison Murdoch, directrice de l’équipe de recherche de Newcastle et du Center For Life, ravie de “pouvoir enfin faire passer [ses] recherches théoriques au stade expérimental.”

Si le quotidien “The Guardian” (centre gauche) ne consacre à la nouvelle qu’un petit quart de page, il met nettement l’accent sur le fait que cette autorisation propulse la Grande-Bretagne au rang de “précurseur mondial dans le domaine si sensible de la recherche sur le clonage d’embryons humains”. A cette fierté nationale s’ajoute l’espoir, à bien plus long terme, d’éradiquer un certain nombre de maladies neuro-dégénératives aujourd’hui incurables, telles que les maladies de Parkinson, d’Alzheimer, ou encore les formes graves de diabète. Mais la nouvelle ne fait pas que des heureux: Jack Scarisbrick, leader du mouvement national “Life” (La vie), déplore ce qu’il considère comme “un pas de plus sur une pente déjà glissante”. D’autres associations “pour la vie” se renseignent sur les moyens légaux de contrecarrer cette décision. Avec, pour conviction de fond, que le clonage thérapeutique, ne peut qu’ouvrir la porte au clonage…tout court.

Aux Etats-Unis, où, comme le souligne le “Los Angeles Times”, “le débat autour de la recherche sur l’embryon et le clonage thérapeutique est devenu un véritable argument de campagne présidentielle”, cette décision était très attendue. De fait, samedi dernier, le candidat démocrate John Kerry (soutenu par 48 Prix Nobel et 127 membres de l’Académie nationale les sciences) a fait la promesse de lever l’interdit sur le clonage thérapeutique, imposé en 2001 par son adversaire électoral, le président George W. Bush . Laura Bush, l’actuelle First Lady américaine, dont le père est décédé de la maladie d’Alzheimer, s’insurge au nom du camp républicain, contre l’ampleur donnée à la décision britannique, et accuse les démocrates de “faire naître de faux espoirs chez ceux dont un proche est atteint”.

Pour trouver un domaine où la nouvelle fait l’unanimité, il faut chercher du côté des Industriels. Interrogée par le “New York Times”, June Scott, responsable des fonds pour Sagitta Asset Management, grosse entreprise d’investissements en matériel pharmaceutique et biotechnologique, ne cache pas son exaltation: “Si l’on est en mesure d’utiliser certaines formes de clonage thérapeutique pour, par exemple, stopper des maladies graves chez l’enfant, les détracteurs de cette pratique n’auront plus qu’à se taire…”

(1) Human Fertilisation and Embryology Authority, NDLR

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