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Comité donneur vivant : “Notre rôle principal est de défendre les donneurs”

Comité donneur vivant :  “Notre rôle principal est de défendre les donneurs”

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Propos recueillis pour Renaloo par Amandine Charter
Ancien réanimateur et chef du service de Réanimation médicale de l’hôpital d’Évry, le Dr Tenaillon a ensuite dirigé le Pôle « Stratégie-Greffe » à la direction médicale et scientifique de l’Agence de la biomédecine. Il est bénévole de Renaloo depuis 2008.

Entité décisionnaire, le Comité donneur vivant(1) souffre parfois d’une image décalée. Tout sauf un Tribunal, il s’agit avant tout d’un lieu de parole, d’écoute et d’expression libre pour les personnes en démarche de don.

Pour ses membres, les auditions sont d’abord des rencontres et l’occasion d’entendre, dans la majorité des cas, de magnifiques histoires de vie, comme en témoigne le Dr Alain Tenaillon, membre du Comité donneur vivant de Paris.

Renaloo : Comment se passe un comité ?

Dr Alain Tenaillon : Le passage devant le Comité intervient à la fin du parcours du donneur potentiel. Averti par son équipe de greffe, il reçoit une convocation et se présente au rendez-vous souvent un peu anxieux et craignant que sa volonté de donner ne soit remise en cause par des personnes qu’il ne connait pas. C’est la raison pour laquelle nous l’accueillons avec attention.

Nous nous présentons individuellement en veillant à instaurer un climat détendu et amical. Car le rôle du Comité n’est en aucun cas de le juger mais de vérifier qu’il a trouvé, à l’issue de ce long chemin, l’ensemble des réponses dont il avait besoin et que son choix est fait en conscience et de plein gré.

Pour cela, nous lui demandons de nous raconter comment il est arrivé à la possibilité du don, pour ainsi comprendre quelle a été sa démarche, de la genèse à ce jour, ainsi que sa motivation. L’important est de l’aider à ce que ce futur événement s’intègre bien par la suite dans la réalité de sa vie. Autrement dit, nous insistons sur le fait que le don est un passage et qu’il ne faut pas oublier que la vie continue après.

S’ensuit le temps des questions. Pour ce faire, nous reprenons généralement les étapes chronologiquement et apportons des réponses aux questions qu’il n’avait pas encore osé, ou pu poser : les remboursements des frais engendrés par leur don, les possibilités physiques pendant la convalescence ou encore la reprise du travail ou des activités de loisirs après l’intervention chirurgicale. Les risques à court ou plus long terme sont aussi évoqués et dans tous les cas nous accueillons les craintes – il y en a toujours- preuves de la conscience de l’acte généreux que les donneurs se proposent de faire.

Les entretiens durent de 30 minutes à 2 heures, selon les situations. Mais notre objectif reste toujours le même : qu’en sortant, les donneurs potentiels soient rassérénés.

Renaloo : Comment délibérez-vous, notamment au cas où un refus sera prononcé ?

Dr Alain Tenaillon : Rappelons d’abord que nous rendons notre décision, une fois connue celle du Magistrat du Tribunal de Grande Instance.

Dans la très grande majorité des situations, la délibération se fait simplement et ses conclusions sont favorables. Mais il arrive parfois nous ayons des doutes face à la démarche de certains donneurs potentiels.

Nous échangeons avec l’équipe de greffe et/ou demandons des expertises médicales ou psychologiques complémentaires. Nous nous donnons toujours le temps nécessaire, même si la date de l’intervention a déjà été fixée.

Le cas où un enfant se propose de donner un rein pour un de ses parents est un de ceux auxquels nous sommes tout particulièrement attentifs. Leur démarche nous semble, de prime abord, un peu « contre nature ». En effet, qui sait si leurs propres enfants ou leur conjoint n’auront pas, eux-aussi, besoin d’être greffés un jour.

Aborder cela en profondeur avec eux et discuter avec l’équipe de greffe d’éventuelles solutions alternatives nous paraît donc essentiel avant d’accéder à leur demande.

Enfin, dans de très rares cas, le refus s’impose à l’évidence face à certaines démarches. D’ailleurs, le fait que le comité n’ait pas à motiver ce refus est un choix législatif en faveur du donneur potentiel. Au fond, la décision n’est pas la sienne, mais celle du Comité, qui en endosse la responsabilité, le protégeant ainsi des réactions de son entourage.

Renaloo : Que retirez-vous de cette expérience ?

Dr Alain Tenaillon : Elle est pour moi très enrichissante. Je participe au Comité donneur vivant de Paris depuis sa création par la loi de 2004.

J’ai ainsi connu l’époque où l’on parlait de « Comité d’experts » avant qu’il ne soit rebaptisé « Comité donneur vivant », une terminologie qui me paraît plus juste pour les représentants de la société civile que nous sommes.

La plupart du temps, nous assistons à de très belles histoires de vie. Nous sommes témoins que l’amour, l’amitié et la fraternité existent dans notre société, à travers la démarche d’hommes et de femmes capables d’aller jusqu’à donner une partie d’eux-mêmes. Capables de franchir angoisse et incertitude.

Nous sortons émus de ces rencontres et heureux lorsque nous recevons des nouvelles de certains par la suite.

Avec le temps, nous nous sommes sans doute décontractés, tout en restant très centrés sur notre mission et donc très vigilants.

Renaloo : Pensez-vous qu’il faille malgré tout revoir le fonctionnement du Comité, y compris dans l’hypothèse où la loi évoluerait prochainement en faveur du don entre amis ?

Dr Alain Tenaillon : Certains estiment que ce dispositif est trop lent et long.

Peut-être évoluera-t-on vers un Comité où siègera le Président du TGI ou un magistrat qu’il aura désigné, afin de fusionner ces deux étapes.

En tous cas je ne crois pas que l’on puisse faire l’économie du temps de la réflexion qui conduit au don. Ni l’économie d’un tel Comité, sorte de « rempart » pour le donneur et par conséquent pour le receveur. C’est pour cela qu’il est à mon sens fondamental que l’information sur la greffe à partir d’un donneur vivant soit faite très tôt en cas de maladie rénale chronique.

Par ailleurs, si la loi évolue et que le don entre amis devient possible, le Comité est, à mon avis, tel qu’il est, suffisant en nombre de membres présents et en champ de responsabilité. Il faudra pour cela que la procédure d’enquête permettant de vérifier que les liens entrent bien dans le champ de l’amitié dite « stable » fixée par le législateur soit clairement explicitée par décret.

Ainsi nous pourrions évaluer, à l’instar des situations que nous connaissons aujourd’hui, la motivation de ces démarches et la façon dont ces dons s’intègreraient à la vie des nouveaux donneurs autorisés. Pour ma part, je pense qu’il s’agirait là encore très probablement de belles histoires dans la majorité des cas.

1- 8 Comités donneur vivant existent en France selon le découpage géographique suivant (Nord, Est, Centre-Est, Sud, Ouest, Île-de-France-Centre, Réunion, Antilles-Guyane). Cinq membres le composent : 3 médecins, 1 psychologue et 1 personne qualifiée en sciences sociales.

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