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Coronavirus : Interdiction des collations en dialyse en raison de l’épidémie – position et propositions de Renaloo

Depuis mars 2020, les recommandations de la société savante de néphrologie prévoient l’interdiction de boire et de manger durant la séance de dialyse pour les patients, au motif qu’ils doivent porter le masque du départ au retour à leur domicile, et durant toute la séance, soit pendant au moins 7 à 8h, sans le toucher, ni le retirer.

Pour cette raison, les collations qui étaient jusque-là servies durant les dialyses ont été supprimées dans la très grande majorité des centres.

✅ Si l’on comprend bien l’objectif de cette mesure, elle reste très difficile à vivre pour les patients(1), qui paient déjà un lourd tribut à l’épidémie(2). 

La dialyse prend beaucoup de temps, la séance est épuisante, elle “donne faim”. De plus, cette situation se répète au moins trois fois par semaine et sa récurrence ajoute à sa pénibilité.

Les conséquences sont majeures sur leur qualité de vie et leur ressenti de la dialyse : ils décrivent la faim, les malaises, l’hypoglycémie, les chutes de tension, l’anxiété majeure et la dégradation de leur état de santé provoqués par cette privation, clairement perçue comme maltraitante par bon nombre d’entre eux. 

✅ Trois repas perdus par semaine, pour des patients déjà très fragilisés, souvent dénutris

Près d’un patient dialysé sur deux est diabétique et les trois quarts d’entre eux souffrent de dénutrition (Rapport REIN 2018). La dénutrition est un des principaux facteurs de mortalité en dialyse.

Pour la très large majorité d’entre eux, “rattraper” ce repas (avant le départ du domicile ou au retour) n’est pas possible : impossibilité, trop fatigués, pas les bons horaires, etc.

Un repas “sauté”, c’est environ 700 kCal en moins, trois fois par semaine. L’impact de cette privation de calories, qui dure depuis des mois, sera donc probablement lourd pour la santé de ces patients.

Par exemple, une étude portant sur plus de 2000 patients, montre une perte de poids préoccupante des patients dialysés privés de collations entre février et avril 2020.

✅ Un feuilleton à rebondissements

Renaloo s’est mobilisé ce printemps sur ce dossier, notamment en saisissant la HAS et le CCNE. Les réponses à ces saisines ont été décevantes, notamment celle du CCNE, qui s’est déclaré incompétent.

La HAS a quant à elle préconisé le retour des collations avec le déconfinement.

Mais cette recommandation a été suivie de façon hétérogène : beaucoup de centres ne l’ont pas respectée. Pour ceux qui l’ont suivie, le contenu de la collation a de façon fréquente été revu à la baisse et parfois réduit à sa plus simple expression (ex : un gâteau sec en sachet).
Ces pratiques ont bien entendu suscité de nombreuses questions légitimes pour les patients qui en ont été victimes.

Avec la reprise épidémique de la rentrée 2020, la situation s’est à nouveau dégradée et les collations qui avaient été rétablies ont été fréquemment à nouveau supprimées.

La société savante a publié de nouvelles recommandations datées du 12 octobre, qui maintiennent l’interdiction des collations. Elles préconisent cependant qu’une collation de substitution soit remise à l’issue de la dialyse.

✅ Des recommandations très différentes au Royaume-Uni

Face au constat de la suppression des repas dans de nombreux centres de dialyse, les sociétés savantes et associations de patients du Royaume-Uni ont publié des recommandations dès avril. Elles précisent que les patients doivent conserver la possibilité de s’alimenter et de boire durant les séances, en les informant sur la manière de le faire en minimisant les risques.

Ces recommandations ont été complétées en septembre. Afin de limiter le risque de contamination, elles préconisent désormais le maintien d’une distance de 2 m minimum entre chaque personne dans une salle de dialyse, ou à défaut l’installation de cloisons transparentes entre les postes de dialyse.

Les recommandations françaises quant à elles évoquent bien le respect des mesures de distanciation, mais la distance minimale n’y est pas précisée.

✅ Les incohérences de cette interdiction

➡️ L’interdiction de s’alimenter et de boire, une spécificité de la dialyse ?

On peut s’étonner que des patients tout aussi vulnérables, accueillis dans d’autres services dans des salles communes continuent de se voir proposer (et heureusement !) des repas : urgences, HDJ, etc.

➡️ Une interdiction à géométrie variable

Sur le terrain, les patients témoignent que de nombreuses structures les autorisent de façon plus ou moins officielle, voire les encouragent, à amener leurs propres aliments et boissons afin de pouvoir se restaurer durant la séance.

➡️ Des explications hétérogènes

Les recommandations de la société savante précisent “le rationnel” de cette mesure :
– Limitation du risque de transmission en séance par des patients asymptomatiques lié au risque “gouttelettes” lors de l’alimentation.
– Nécessité de protection des patients et des soignants
– La prise du repas est incompatible avec la nécessité pour chaque patient de porter le masque chirurgical pendant toute la séance, mais aussi durant le transport et dans le vestiaire pour les patients qui l’entourent et pour les soignants
– Eviction de toute manipulation de vaisselle même jetable, qui augmente le risque de contamination
– Eviction des intervenants extérieurs (prestataires externes).

Une explication de texte bienvenue, alors que les motifs évoqués depuis mars ont souvent été bien différents :

Interrogée par l’APM le 1er avril 2020, plusieurs semaines après le début de la suppression des collations, la Présidente de la société savante de néphrologie évoquait la nécessité de réduire le nettoyage.

– Dans une importante association de dialyse, une note de l’hygiéniste datée du printemps 2020 précise que le risque est celui d’une transmission manuportée via les contenants et emballages des aliments.

– Dans d’autres centres, seule la nécessité d’alléger le travail des IDE et aides-soignantes en ne leur imposant pas la préparation et la distribution des collations est soulignée.

➡️ Une interdiction visant à empêcher les contaminations… mais qui concerne aussi les patients déjà contaminés !

L’interdiction des collations concerne aussi les patients dialysés positifs au Covid, qui pourtant sont regroupés entre eux durant les dialyses et ne courent donc plus de risque de contamination…

La seule explication est le souhait légitime de protection des soignants. Mais pourquoi dans ce cas ne pas prévoir plutôt qu’ils soient équipés de façon adaptée, notamment avec des masques FFP2, comme c’est le cas dans tous les hôpitaux qui reçoivent des patients contaminés tout en continuant à leur permettre de s’alimenter ?

➡️ L’absence de respect de la durée maximale de port du masque chirurgical

Le principe du port du masque chirurgical du départ au retour au domicile implique un usage d’un seul masque pendant une durée de l’ordre de 6 à 8 heures, alors qu’une durée maximale de 4 heures est préconisée par le HCSP. La protection assurée par un masque au-delà de cette durée est dégradée. Si cette consigne pouvait être acceptable en début d’épidémie, lorsque les masques manquaient, elle ne l’est plus à présent.

Un changement de masque permettant de respecter cette durée maximale d’usage devrait donc être prévu. Ce changement, qui nécessite l’information des patients sur les précautions pour le réaliser (hygiène des mains, conditions de manipulation) pourrait permettre la prise de la collation.

➡️ Une interdiction qui épargne les soignants

Les patients décrivent fréquemment être les témoins (directs ou indirects, de manière “olfactive”) des repas ou pauses café du personnel soignant, qui n’est pas tenu aux mêmes restrictions qu’eux.
Du reste, les dernières recommandations de la société savante précisent que les repas des soignants ne peuvent être pris dans la salle de dialyse. Il était donc nécessaire de le préciser.

➡️ Le bien-être et la santé des patients, variable d’ajustement de la lutte contre l’épidémie ?

Les recommandations françaises ne sont pas à un paradoxe près : drastiques sur l’interdiction de boire et manger, elles font en revanche l’impasse sur beaucoup de mesures de protection qui semblent pourtant essentielles : distances minimales entre les patients dialysés ; installation de séparations (qui peuvent être plus protectrices que “des paravents”) entre les postes de dialyse ; aération / filtration de l’air ; stratégie de dépistage systématique des patients et des soignants, notamment avec l’émergence de tests rapides ; masques FFP2 pour les soignants au contact des patients Covid+ ; vaccination contre la grippe des soignants au contact des patients dialysés, etc.

✅ Les propositions de Renaloo pour les collations en dialyse

✅ Afin d’améliorer l’acceptabilité de cette mesure, nous proposons tout d’abord la définition d’un seuil de circulation du virus à partir duquel elle deviendrait effective.

Par exemple, le fait de passer localement en zone écarlate (plus de 250 nouveaux cas pour 100 000 habitants par semaine et plus de 100 nouveaux cas pour 100 000 habitants de plus de 65 ans) semble raisonnable.

Lorsque l’incidence redeviendrait inférieure à ce seuil – passage de zone écarlate à rouge ou en deçà – la collation serait rétablie, et des mesures de prévention “de bon sens” pourraient être mises en œuvre :

➡️ L’information des patients sur les consignes à respecter durant les manipulations du masque

➡️ La prise de collation à tour de rôle, ou de façon successive, pour éviter que plusieurs patients soient en même temps sans masque durant la séance, en proposant à chaque personne de limiter autant que possible le temps passé sans masque

➡️ Le respect de distances minimales suffisantes entre les patients dialysés dans la même salle

➡️ L’installation de séparations physiques entre les postes de dialyse pour arrêter la propagation des gouttelettes et aérosols (cloisons mobiles, plexiglass, rideaux, etc.)

➡️ L’éloignement suffisant des soignants durant la prise de la collation et/ou leur équipement spécifique (masques FFP2)

➡️ L’aération très régulière ou la filtration de l’air des salles de dialyse, dont certaines sont dépourvues de fenêtres et / ou équipés de dispositifs de climatisation vétustes. Les recommandations actuelles prévoient seulement une aération des salles entre séances, soit toutes les 6h environ, ce qui semble très insuffisant au regard des connaissances actuelles(3).

➡️ Lorsque des tests ou auto-tests salivaires rapides seront disponibles, ils pourront en outre être utilement utilisés avant chaque séance, par tous les patients et les soignants, éventuellement à domicile. Ils permettraient de détecter et d’isoler d’éventuelles personnes asymptomatiques et de garantir que la salle de dialyse est totalement « Covid-free ».

✅ En conclusion : même le Covid ne justifie pas les abus de pouvoir médical !

Nous, patients, contestons le refus de dialogue et de recherche collective de solutions pragmatiques, qui permettraient de rendre cette mesure plus acceptable et supportable.

Si la lutte contre l’épidémie est une priorité, nous considérons qu’elle ne peut plus justifier, après tous ces mois, de telles maltraitances, qui sont autant d’entorses à notre santé, à nos droits et à notre dignité.

Certains jugeront ce problème anodin, marginal, voire insignifiant au regard des enjeux sanitaires. Nous considérons qu’il témoigne à l’inverse d’un renoncement au devoir d’humanité et d’une démission grave de l’esprit et de la vocation soignante, qui touche d’ailleurs d’autres pans de la médecine.

➡️ Il n’est pas acceptable qu’en 2020, à l’issue de neuf mois de crise sanitaire et de recul de la démocratie en santé, de telles décisions puissent toujours être imposées, sans base scientifique robuste, sans concertation, et sans prise en compte de nos détresses et de nos avis.

➡️ Nous n’attendons pas uniquement des professionnels et des établissements qu’ils “nous sauvent”, mais aussi qu’ils considèrent chacun d’entre nous comme ayant le droit au respect de sa dignité et de sa qualité de vie, déjà bien entamée par la maladie.

Témoignages – « Je viens vous dire mon énorme colère !!! On nous interdit de BOIRE et de MANGER en dialyse. »

(1) Témoignages – « Je viens vous dire mon énorme colère !!! On nous interdit de BOIRE et de MANGER en dialyse. »

(2) Ils ont vécu et vivent encore une anxiété considérable, en partie liée à des conditions de soins dégradées, dont leurs nombreux témoignages attestent.

– Leur mortalité en cas de contamination est très élevée 

– En raison de leurs contacts obligatoires et récurrents avec le système de soin, les contaminations sont fréquentes : plus de 7% de l’ensemble des patients dialysés ont déjà été contaminés en France 

– Au-delà de la mortalité immédiate, il existe des enjeux majeurs autour des pertes de chances induites par les défauts et retards d’accès aux soins dont l’épidémie a été à l’origine. L’arrêt des greffes rénales entre mi-mars et mi-mai a entrainé la non-réalisation de centaines de greffes par rapport à 2019 et les difficultés se poursuivent avec la deuxième vague 

– Les séquelles du COVID-19, dont on commence seulement à mesurer la gravité, sont aussi une préoccupation majeure.

(3) Scientific Brief: SARS-CoV-2 and Potential Airborne Transmission, Centers for Disease Control and Prevention, 5 octobre 2020


Cet automne 2020 est marqué par une deuxième vague de l’épidémie de Covid19. Prenez toutes et tous soin de vous !

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