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Des biologistes français ont découvert un nouveau moyen pour multiplier les cellules-souches du sang

29 octobre 2003, Le Monde

Ce résultat pourrait améliorer l’efficacité des greffes de moelle osseuse.

Pourra-t-on bientôt disposer d’une technique biologique permettant, à des fins thérapeutiques, de produire en dehors du corps les différentes cellules qui constituent le sang humain ? Les résultats obtenus par une équipe de biologistes français, publiés dans le numéro de novembre de la revue Nature Medecine, le laissent espérer.

Cette équipe explique avoir réussi à développer une méthode qui permet de multiplier le nombre de cellules souches hématopoïétiques (ou cellules souches du sang) humaines.

On sait que l’organisme humain contient un petit nombre de ces cellules souches qui ont pour propriété, en se divisant, soit de demeurer des cellules souches, soit d’entrer dans un processus de différenciation qui conduit à la production des différentes lignées cellulaires sanguines : globules rouges, globules blancs et plaquettes. Les cellules souches hématopoïétiques sont, pour l’essentiel, présentes au sein de la moelle osseuse ainsi, mais en quantité nettement inférieure, que dans le sang circulant. On les trouve également au moment de la naissance dans le sang du placenta.

Tout au long de l’existence, l’activité de ces cellules s’adapte aux besoins de l’organisme et ce sont ces mêmes cellules souches qui sont recherchées pour, après prélèvement de moelle osseuse chez un donneur, tenter de reconstituer le capital cellulaire sanguin de malades souffrant de différents types de leucémies. L’expérience acquise depuis le développement de ces greffes de moelle osseuse a montré que le nombre de cellules souches hématopoïétiques disponibles chez un donneur immunologiquement compatible est malheureusement souvent insuffisant. C’est dire l’intérêt porté par les biologistes et les médecins aux recherches visant à obtenir la multiplication (ou “amplification”) ex vivo de ces cellules.

Les différentes méthodes actuellement utilisées pour obtenir une telle multiplication font appel à l’utilisation de différents facteurs de croissance qui, le plus souvent, font perdre à ces cellules leur caractère pluripotent, c’est-à-dire leur capacité originelle à engendrer toutes les lignées sanguines. En d’autres termes, on obtient bien une multiplication cellulaire, mais en perdant le bénéfice thérapeutique espéré de la greffe.

Dirigée par Serge Fichelson et Sophie Amsellem (département d’hématologie de l’Institut Cochin), l’équipe française a poursuivi les travaux d’une équipe de Montréal. Cette dernière avait démontré, en 1995, que le transfert d’un gène directement impliqué dans les processus de développement – le gène HoxB4 – au sein de cellules souches hématopoïétiques de souris permettait d’obtenir une amplification du nombre de ces cellules qui persistait ensuite in vivo. Le même résultat a été obtenu avec des cellules souches humaines. Pour autant, cette manipulation conduit à construire des cellules génétiquement modifiées, exprimant la protéine HoxB4 codée par ce gène. On ne pouvait donc envisager, pour des raisons éthiques, de les utiliser pour une recherche thérapeutique.

“Grâce aux travaux menés en France par Alain Prochiantz et son équipe de l’Ecole normale supérieure, on sait aujourd’hui que les protéines Hox possèdent une propriété remarquable : celle de pouvoir traverser spontanément les membranes cellulaires sans avoir besoin d’un récepteur spécifique, explique Sophie Amsellem. Aussi avons-nous cherché à introduire la protéine HoxB4 dans les cellules souches hématopoïétiques humaines, et ce sans modifier leur génome.”

Les chercheurs ont alors observé que ce transfert passif de la protéine HoxB4 provoquait une multiplication – d’un facteur de 3 à 20 – du nombre des cellules souches, qui conservent, dans ce cas, toutes leurs capacités de différenciation. Ce nouveau système ne nécessite ni manipulation génétique ni facteurs de croissance. Il constitue, de ce fait, un modèle susceptible, à moyen terme, d’être utilisé à des fins thérapeutiques en améliorant notamment l’efficacité des greffes de moelle osseuse.

Enfin, cette découverte, qui laisse entrevoir de nouvelles utilisations des cellules souches issues du sang de cordon ombilical, ne soulève pas les problèmes éthiques liés à l’usage – interdit en France – des cellules souches présentes dans les embryons humains.

Jean-Yves Nau

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