Dunvie : à travers cette épreuve, apprendre à vivre, tout simplement
Bonjour, je suis Dunvie …
J’ai aujourd’hui 42 ans, je suis insuffisante rénale et je suis en dialyse péritonéale… Mon parcours de dialysée est tout récent. Je suis présentement dans une période d’adaptation à ma réalité de dialysée qui n’est pas de tout repos mais comme beaucoup d’entre vous, j’essaie de le faire avec sérénité.
Le diagnostic d’insuffisance rénale date d’il y a 22 ans… À cette époque, c’est à dire lorsque j’avais 18 ans (mon Dieu que c’est loin) on avait découvert une légère augmentation de la créatine urinaire… Bon, voilà que c’est inquiétant puisque dans ma famille depuis des générations du côté maternel, il y a des problèmes rénaux relié à une maladie congénitale : “polykystique tubéreuse de Bournevile” ainsi qu’une atrophie rénale pour d’autres… Donc transfert à un néphrologue de ma région… examen complet… et diagnostique final… j’ai un rein atrophié… On me dit à l’époque que ce n’est pas grave et que je peux très bien vivre avec un seul rein sans conséquences… donc aucun besoin d’être en suivi médical… Et je continue ma vie comme ça…
Je souffre de fatigue chronique, j’ai souvent des nausées, la viande me lève le cœur…alors je deviens végétarienne… Pas de problème… Je fais de l’exercice, me couche tôt et m’alimente le plus “granola” possible. Mais je suis éternellement fatiguée, je me dis que c’est probablement le lot de tout le monde finalement. Quand on ne connaît pas autre chose, la fatigue devient familière…
Je rencontre mon premier conjoint à 21 ans… Je deviens enceinte à 23 ans, et la grossesse se passe plutôt mal. Je suis hospitalisée durant tout le temps de ma grossesse, elle est considérée à risque. Je vomis sans arrêt, ma pression est élevée, mais je me rends presque à terme et je mets au monde une merveilleuse petite fille que je prénomme Vicky. Elle est mignonne comme tout, et moi j’essaie de remonter la “côte” après cette grossesse difficile. Je suis beaucoup plus fatiguée mais j’ai encore des ressources physiques et psychologiques…
Quelques années plus tard, je dois demander le divorce, ma vie est menacée, je dois me protéger de ce conjoint violent et repartir avec mon enfant vers une nouvelle vie plus calme et plus sereine. Alors c’est à ce moment que je retourne aux études, je ne vous parle pas de ces années de dur labeur, et évidemment de cette fatigue envahissante qui me laisse les yeux cernés comme un raton laveur :))
Et finalement j’atteins mon but, je suis devenue infirmière… Quel joie ! Me voilà détentrice d’un beau diplôme en 1994, l’année de mes 33 ans… Par contre, la recherche d’emploi est difficile. J’ai terminé l’année où le gouvernement coupait dans le système de santé et la profession infirmière était très touchée par les coupures. Manque de pot… Alors, je travaille comme occasionnelle dans un hôpital psychiatrique et je travaille dans le milieu communautaire dans un centre de prévention suicide à tout petit salaire… près de 80 heures/semaines… Je suis toujours fatiguée mais je tiens le coup.
Je rencontre mon nouveau conjoint. Il est extraordinaire et ma fille l’adore… Donc tout va quand même bien, ma route se poursuit mais mon corps commence à me faire sentir qu’il y a quelque chose qui ne va pas… Mais personne ne trouve ce que c’est. Je commence à avoir quelque maux de tête mais ça s’endure.
En 2000, nous déménageons à Montréal, notre grande Métropole… J’ai enfin trouvé un travail qui répond à ce que je cherche depuis longtemps et avec de bonnes conditions de travail…Je suis contente, mon conjoint et ma fille s’adaptent à notre nouvelle ville… Mais voilà que commence mon enfer. Mes migraines sont de plus en plus violentes et durent de plus en plus longtemps. Je suis finalement en suivi avec un neurologue. Je fais le rapprochement avec l’insuffisance rénale que je crois légère, compte tenu du diagnostique initiale. On me répond qu’il n’y aucun rapport… Bizarre… Ma tension artérielle s’élève lors des crises migraineuses de plus en plus rapprochées et en janvier 2003, je me rends compte que j’ai de l’œdème aux jambes. Pour moi, il n’y a plus de doutes. Il y a une détérioration rénale quoiqu’en dise le neurologue. Je suis donc transférée en néphrologie.
Premier rendez-vous le 1er avril 2003, et c’est le ciel qui me tombe sur la tête. Je suis en phase terminale de l’insuffisance rénale… Je n’arrive pas à y croire, on me parle de dialyse dans environ 6 mois, de greffe, de liste d’attente… Beurk… j’ai mal au cœur et je veux partir de là au plus sacrant… Je suis littéralement en état de choc… Et je n’y crois pas, enfin je ne veux pas y croire… J’annonce la nouvelle à ma famille, tous tombent des nues. Personne ne sais quoi me dire. Mais enfin, il n’y a pas grand chose à dire.
Au travail, j’avise mon supérieur et mes collègues et je me dis et je leur dis que ça ne m’arrêterait pas de travailler et tant que je pourrai travailler je serai en forme. Suis-je drôle :)))
Je suis dans le déni et je ne fais pas 2 semaines au travail. Je suis hospitalisée d’urgence…
Je suis dans les couloirs de l’hôpital (il n’y a pas de place ailleurs, c’est le débordement des urgences) et j’en ai à peine conscience. Je dors avec quelques périodes d’éveil, pour manger ou quand mon conjoint vient me voir. Je ne conserve pas grands souvenirs de cette période, je suis tellement dans les vaps… Et quand je suis consciente, j’ai peur… tellement peur de mourir… Et je demande à mes anges protecteurs de m’aider (bon je sais que ça peut vous paraître bizarre mais je crois que nous avons tous des anges qui nous guident et nous protègent… enfin je l’espère). Et un soir, j’entends dans ma torpeur, quelqu’un sur une civière derrière moi qui dit être un greffé rénal. Ca m’éveille et je trouve la force de me lever et d’oser lui parler. Et cet homme m’a longuement parlé de son parcours de dialysé à la greffe. Me voilà plus rassurée, et je m’endors paisiblement jusqu’au lendemain.
On est le 16 avril, j’ai maintenant une chambre au département de néphro. Je suis de plus en plus malade. J’ai vraiment de la difficulté à penser, c’est une période assez floue… Le néphrologue vient me rendre visite, (c’est le matin je crois). Il m’annonce que sur l’heure du dîner le chirurgien va m’installer un cathéter dans la jugulaire et que ce soir c’est ma première dialyse. C’est une urgence… Avec le p’tit peu de conscience qui me reste, ben j’ai peur… J’ai vraiment “la chienne”… Le cathéter installé, je reviens dans ma chambre, mon conjoint est là, avec un grand sentiment d’impuissance et il a peur aussi…
Première dialyse… Je n’ai jamais vu cette machine, on m’installe et je demande à l’infirmier qui m’installe “Est-ce que je peux me sauver??????”
Et j’ai vraiment envie de prendre mes jambes à mon cou… Surtout lorsque je vois mon sang sortir. Et chaque fois que la machine se met à “sonner”, j’ai l’impression que c’est pour dire qu’il y a un problème et que le sang va coaguler et que moi, je vais mourir comme ça… L’HORREUR… Mon conjoint est complètement figé, incapable de m’aider puisqu’il était aussi apeuré que moi. Nous n’étions pas préparés à cela… Tout s’est fait tellement vite… J’ai beau être infirmière, mais je suis spécialisée en psychiatrie alors mes connaissances en matière de dialyse étaient presque nulles à ce moment-là… Plus maintenant, je dois dire :)))
L’urgence passée, j’ai enfin pu avoir de l’information sur l’hémodialyse et cela m’a rassurée beaucoup… J’ai quitté l’hôpital deux semaine plus tard et petit à petit, j’ai fini par m’habituer à ce traitement… Je me suis dit que je pouvais bien profiter 3x/semaine à faire ce que j’aimais le plus et que je n’avais jamais vraiment le temps de faire avant, c’est à dire faire de la lecture…Et j’en ai dévoré des livres… J’en ai vécu des aventures littéraires… Je me suis évadée dans l’imaginaire littéraire durant ces 3h :)))))
Je me suis remise à prendre des marches. Je suis mon régime à la lettre sans que ce soit fade. Je découvre de nouvelles saveurs avec pleins de fines herbes… J’apprends à revivre à nouveau… Et comme je veux retourner au travail, je me prépare à la dialyse péritonéale…
Je dois m’y adapter aussi… C’est moins agressant que l’hémodialyse mais c’est quand même difficile de m’adapter avec 1.5l de liquide dans l’abdomen et je dois le faire 4x/jour. Je n’ai heureusement pas de problèmes avec la technique stérile mais je trouve que 4x ça vient vite… J’ai l’impression de ne faire que ça… et entre le ménage, les repas et les dialyses, je n’ai pas grand temps pour moi… je suis essoufflée… Mais ceci est pour un temps puisque bientôt j’aurai le cycleur de nuit et je pourrai retourner au travail, reprendre un peu ma vie là ou je l’ai laissée et en mieux peut-être parce que physiquement je me sens en pleine forme. Je ne suis plus fatiguée, je ne suis plus essoufflé et j’ai les idées claires… Je ne me souviens plus de m’être déjà sentie aussi bien…
En octobre, j’ai enfin commencé ma dialyse de nuit avec le cycleur… C’est sûr que je dois encore m’adapter, au début je perdais trop de liquide, je faisais des baisses de pression et je me ramassais au tapis aussitôt levée… Mais cet épisode n’a pas duré longtemps et tout se déroule bien. Je conserve mon poids sec et mes analyses sanguines sont dans les bons barèmes… En novembre, je suis heureuse, je reprends le travail. Je suis contente de revoir tout le monde et en même temps ma mère et mon conjoint ont passé tous les tests pour être “donneurs” et ils sont tous les deux compatibles avec moi… Bonne nouvelle. Mais ma préférence va quand même pour une greffe cadavérique… J’ai un peu peur des risques qu’ils prennent pour moi. Ils sont en santé et je ne veux pas qu’ils aient des problèmes à cause de moi…
Ma première semaine de travail s’est bien passée, ma deuxième un peu moins, et ma troisième… retour en maladie… je suis épuisée… Quelle déception!
Mais j’essaie de ne pas le voir comme un échec mais plutôt comme faisant parti de mon parcours tout simplement.
Aujourd’hui je suis en train de vous raconter ce que je vis et… je prends la vie avec ses hauts et ses bas, un jour à la fois, et j’essaie de garder l’objectif que je me suis fixé au début, c’est-à-dire de rester le plus longtemps possible en santé, de profiter de toutes les petites choses qui font plaisir… Peut-être qu’à travers cette épreuve, j’ai à apprendre à vivre tout simplement et que le travail n’est pas tout.
Et je souhaite à tous ceux et celles qui vivent un problème rénal et autres aussi, de garder courage… la vie est tellement belle malgré tout…
Je tiens à remercier mes complices de tous les jours pour leur appui, leur patience, leur amour… mon conjoint Larry, ma fille Vicky et ma famille ma mère, mon père et mon frère Pierre…
Et comme maintenant c’est l’approche du temps des fête… à vous tous, je vous souhaite un beau Noël… une belle année 2004 et une très bonne santé…
Merci à Yvanie pour ton site et ton témoignage qui nous donne beaucoup d’espoir…
Dunvie (en fait je me nomme Sylvie)