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Espoir, fragilité, inquiétudes : le vécu de l’épidémie Covid par 2300 patients insuffisants rénaux, dialysés et greffés

✅ Alors que la situation épidémique s’est améliorée en France, les malades des reins, à très haut risque de Covid et souvent mal protégés par le vaccin, vivent toujours une grande anxiété et restent en demande d’informations et de soutien.

Renaloo a réalisé en juillet 2020 une enquête sur le vécu de la première vague de l’épidémie Covid par les patients insuffisants rénaux, dialysés et greffés. La crise s’étant poursuivie, nous l’avons renouvelée un an plus tard, en juillet 2021, toujours sous l’égide de Christian Baudelot, sociologue et vice-président de Renaloo.

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✅ Plus de 2.300 patients ont participé à l’enquête, dont le recueil a duré quatre semaines. Un intérêt marqué qui s’explique sans doute par le lourd bilan et les conséquences durables de la crise pour eux.

« Ma meilleure amie de dialyse est décédée en février du Covid attrapé à l’hôpital. »

« Avant, la greffe représentait une chance. Mais aujourd’hui, et depuis le début de l’épidémie, être greffée ça représente le doute, l’angoisse et la peur. Et aussi d’être punie car nous ne pouvons pas vivre normalement ».

✅ Dans ce contexte, la vaccination a été perçue comme une planche de salut. Du reste, moins de 4% des répondants y sont définitivement hostiles.

A la période de l’enquête, 85,4% des répondants dialysés et 87,8% des greffés avaient reçu au moins une dose de vaccin[1]. Ce taux n’était que de 68% pour les répondants en insuffisance rénale chronique sévère, pourtant eux aussi considérés comme « ultra-vulnérables » face au Covid et prioritaires pour la vaccination depuis janvier 2021.

➡️ La très faible opposition vaccinale « stricte » suggère que leur couverture pourrait encore progresser, notamment via des opérations « d’aller-vers » ciblées, impliquant les structures de soins de ces patients, dont la participation à la vaccination a été hétérogène : parmi les vaccinés, seuls 3 dialysés sur 5 l’ont été dans leur centre de dialyse[2], tandis que près de 7 greffés sur 10 l’ont été en centre de vaccination.

« Le fait d’être non vacciné n’est peut-être pas un choix mais une difficulté d’accès. Que faire dans ce cas ? »

« Du fait de ma peur d’être vaccinée, j’ai comme été écartée du monde des vivants. »

« L’équipe de greffe a sélectionné certains patients pour les vacciner et tester dans le cadre d’un protocole.

Mais je n’en ai pas fait partie et je ne suis donc à ce jour pas vaccinée. »

« Pour le 1er vaccin j’ai eu du mal à avoir l’ordonnance. Pour le troisième j’ai appelé plusieurs fois la secrétaire du professeur mais je n’ai pas eu de réponse. »

« En dialyse, certains infirmiers ont un discours antivax très déstabilisant. »

« Dans mon centre de dialyse, très peu d’informations ont circulé entre les soignants et les patients.

Je me suis intéressé très tôt à la vaccination et devant l’inertie ambiante, j’ai décidé de me faire vacciner dès que je l’ai pu en centre de vaccination. »

Malheureusement, pour les patients sévèrement immunodéprimés, le vaccin n’a pas tenu toutes ses promesses. Le schéma à deux doses s’est avéré fréquemment insuffisant, justifiant dès avril 2021 le recours à une 3e dose, puis pour certains à une 4e, lesquelles n’ont pas empêché une partie d’entre eux de rester non ou mal protégée.

Ce défaut d’efficacité permet à la pandémie de continuer d’exercer un impact majeur sur leurs vies.

[1] Ces taux, mesurés par l’assurance maladie, étaient respectivement de 90,2% et 89,4% au 26/09/2021.

[2] On aurait pu attendre qu’ils le soient tous, puisqu’ils y passent un temps considérable trois fois par semaine.

Au total, 17% des répondants indiquent avoir « repris une vie normale », mais 77% « continuent à prendre les mêmes précautions que depuis le début de la crise », période lors de laquelle un auto-confinement strict leur était recommandé.

Un répondant greffé sur 5 déclare se sentir « abandonné sans protection suffisante » ou « privé de liberté en raison des consignes qui persistent ».

« On m’a volé quasiment deux ans de ma vie. »

« Mon mari et moi-même avons mis notre vie entre parenthèses depuis le début de l’épidémie. Plus de relations humaines, tout est fait “de loin” car on doit me protéger. Cela met également une pression considérable sur nos enfants. Notre vie n’est plus la même et pour moi c’est une double peine… »

Si 55% des greffés vaccinés indiquent – à juste titre[1]« être inquiets de ne pas être protégés », plus de 30% d’entre eux affirment cependant se sentir « rassurés d’être protégés par le vaccin ». Parmi eux, près d’un sur deux n’a pas bénéficié d’une sérologie pour évaluer cette protection.

C’est aussi le cas pour plus de la moitié des 61% de dialysés qui considèrent être protégés par le vaccin.

« J’ai eu deux fois le néphrologue pour avoir son avis sur la vaccination, j’ai eu le vaccin Astrazeneca en février. Maintenant je suis rassurée et je sais que je ne ferai pas de forme grave de la covid 19 »

« Institutrice au contact de jeunes enfants, des remarques de mon néphro m’ont paru très culpabilisantes : vous n’allez pas rester enfermée toute votre vie, il faut retourner travailler. Ou alors : ah mais on en a eu plusieurs des greffés qui ont eu le covid et ils vont très bien… »

« D’après mon Néphrologue, je n’ai pas plus de risque que les personnes en bonnes santé. »

Ces constats posent la question de la qualité de l’information délivrée à ces patients, avec des conséquences potentiellement graves. Le risque est en effet grand que, se pensant à l’abri, ils aient renoncé à tout ou partie des précautions et se soient mis en danger.

[1] 30% environ des greffés rénaux n’ont toujours pas d’anticorps après trois doses de vaccin, tandis qu’une large part de ceux qui développent des anticorps restent à des taux trop faibles pour garantir qu’ils sont efficacement protégés.

✅ Le premier volet de l’enquête avait montré un déficit d’accompagnement et d’information durant la première vague épidémique. Par exemple, un quart des répondants en attente de greffe n’avaient pas été informés de la suspension des transplantations rénales entre mars et mai 2020.

Un an plus tard, si une part importante des équipes médicale a mis en place des circuits d’information efficaces en direction des patients, certaines restent en retrait.

« L’hôpital X a été très réactif pour mettre en place un dispositif d’information régulière avec possibilité d’envoyer nos questions sur une adresse mail dédiée. Les réponses étaient faites dans les 48h. Un énorme soutien pour moi et mes proches. »

« Abandonné ! Premier courrier de mon service de néphro-greffe neuf mois après le début de la pandémie. Même encore aujourd’hui c’est le néant par rapport au virus. »

✅ Ainsi 61 % des patients en amont du parcours de suppléance, 28% des patients greffés et 17% des dialysés considèrent toujours « ne pas avoir été accompagnés par leur néphrologue ou leur équipe de néphrologie durant la crise ».

« Aucune directive du service néphro, si je ne vais pas sur les réseaux sociaux pour m’informer on est laissés dans le néant. »

« L’information, le suivi, les conseils… totalement inexistants au service de greffe du CHU D. C’est criminel.  Laisser des malades extrêmement vulnérables à leur sort… »

✅ Parmi les patients greffés, qui sont ceux pour lesquels l’efficacité vaccinale est la plus altérée :

  • 30% déclarent qu’ils n’ont pas été informés par leur équipe médicale du risque de mauvaise efficacité du vaccin
  • 28% déclarent qu’ils n’ont pas été informés de la nécessité de recevoir une 3e dose
  • 44% déclarent qu’ils n’ont pas été informés de la nécessité que leurs proches soient vaccinés pour les protéger
  • 78% déclarent qu’ils n’ont pas été informés de la nécessité de contacter sans délai leur équipe de greffe en cas de symptômes du Covid, afin de recevoir des anticorps monoclonaux[1]

✅ Au total, un peu plus d’un greffé rénal sur 5 indique ne pas avoir pu contacter ni obtenir de réponse de son néphrologue ou équipe médicale durant toute la durée de la crise. Ceux qui sont dans cette situation s’en plaignent vivement dans leurs témoignages et déplorent l’absence de lien et le sentiment d’abandon qu’il a suscité.

« J’ai demandé au service de néphrologie la raison de la non-information. Il m’a été répondu qu’il était impossible de contacter 3.000 patients par e-mail. »

« Assez déçue du suivi de l’hôpital Y. Quelques informations sur la vaccination par SMS, toujours avec plusieurs semaines de retard. Je me suis beaucoup débrouillée toute seule grâce à Renaloo. J’ai bénéficié des anticorps monoclonaux grâce à mon hématologue. »

✅ Au contraire, ceux qui estiment avoir été bien informés par leur néphrologue tout au long de la crise manifestent leur grande reconnaissance. Leur nombre progresse par rapport à 2020, mais reste faible : 31% versus 27%.

« Je suis suivi au CHU A (mon centre de greffe) et au CHU B tous les 3 mois. Aucune information venant de B. Par contre A a été très réactif pour m’envoyer les ordonnances de vaccin et de sérologie. »

« L’équipe qui me suit depuis ma greffe est très à notre écoute et nous appelle pour nous conseiller régulièrement. »

Ce contraste s’observe aux trois étapes du parcours de soins, témoignant de l’immense besoin exprimé par les patients, sans doute encore renforcé par la crise, d’un lien fort et constant avec leurs soignants.

[1] Ce traitement, disponible en ATU depuis février 2021, permet de réduire d’environ 80% le risque de forme grave, à condition d’être administré le plus rapidement possible dans les cinq jours suivant les premiers symptômes.

✅ Autre dimension importante explorée dans l’enquête, les moyens de communication utilisés pour cette information des équipes en direction des patients. Outre les consultations, le mail arrive en première position (40%) suivi par le téléphone (32%) et le courrier postal (18%).

Les participants étaient également invités à préciser les moyens de communication utilisés pour contacter directement leur néphrologue. Le SMS est utilisé moins d’une fois sur dix, la ligne téléphonique directe moins d’une fois sur cinq, le mail par près de 50% des plus diplômés, mais par seulement un tiers des moins diplômés. Dans les autres cas, le contact ne peut être établi qu’en appelant le secrétariat, avec des résultats variables, ou en attendant la prochaine consultation. Là aussi, il existe une grande hétérogénéité dans la manière de répondre à ces sollicitations.

« Je fais partie des greffés qui ont un accès direct par mail à mon néphro, après 30 ans de suivi. Un vrai plus. » 

« Impossible de le joindre, je me fais envoyer valser par la secrétaire qui me dit de voir avec mon généraliste. »

« Mon néphro ne répond aux mails qu’une fois par semaine, donc il faut patienter. »

« Certains néphrologues du centre de dialyse ne souhaitent pas être sollicités en dehors des séances de dialyses. Durée limitée à 4 minutes avec le patient pendant la séance. »

« Ma néphrologue a une super secrétaire qui fait un boulot de dingue. Quand j’envoie un mail, elle le traite immédiatement et me donne de suite une réponse. Heureusement qu’elle est là. »

« Mon néphrologue est très réactif à mes questions par whatsapp. »

« Je peux toujours le contacter, mais je n’ai jamais eu une seule réponse de sa part. »

✅ Les patients ont eu recours à des sources d’info complémentaires à leurs équipes médicales : Renaloo en tête (76%), suivi par les médias (55%) mais aussi par l’assurance maladie[1] (25%), qui fait une entrée remarquée dans ce nouveau volet de l’enquête.

[1] Elle a notamment adressé en mai 2021 à tous les patients immunodéprimés sévères un courrier relatif à la 3e dose de vaccin.

✅ Plus d’un quart des répondants (26%) ont connu des reports de soins liés à leur insuffisance rénale, dont un tiers environ n’étaient toujours pas reprogrammés au moment du recueil.

« J’ai été assez choquée que, lors de la première vague de l’épidémie, mes rendez-vous de contrôle trimestriels (post greffe) soient purement et simplement annulés via Doctolib. Je n’ai reçu aucun appel téléphonique, aucun message de l’hôpital. » 

« Je suis en IRC sévère et je n’ai pas vu mon néphrologue depuis janvier 2020. Je devais le revoir en mars 2020 mais le confinement est passé par là. »

➡️ Malgré tout, près de 8 répondants sur 10 estiment que leur suivi a pu se poursuivre dans de bonnes conditions, bien qu’un quart d’entre eux restent inquiets des conséquences de la crise sur leur santé.

Une préoccupation bien légitime : au niveau national, l’année 2020 a par exemple été marquée par un recul de l’activité de greffe rénale de 31%, tandis que les inscriptions sur liste nationale d’attente de greffe rénale ont diminué de 14%.

« Je suis dialysée depuis près de deux ans. Ma sœur a fait les démarches pour me donner un rein. Cela a duré plus d’un an à cause de la crise. Elle est compatible mais nous sommes toujours en attente d’une date pour l’intervention. C’est très très long et dur de se projeter en l’absence de date. »

✅ 40% des répondants en activité sont toujours en télétravail, mais seulement un peu plus de 5% sont au chômage partiel. 65% indiquent avoir repris au moins en partie leur activité en présentiel.

Si les dispositifs d’éloignement du lieu de travail leur restent souvent accessibles[1], ils sont en pratique de plus en plus difficiles à maintenir dans la durée. Les témoignages évoquent à la fois les difficultés d’ordre psychologiques, la pression exercée par certains employeurs ou la complexité des relations avec les collègues.

« … la pression des entreprises pour retourner au travail en présentiel et les problèmes des transports en commun dans lesquels on peut ne pas se sentir en sécurité par rapport au Covid… »

[1] Ils ont été maintenus pour les personnes sévèrement immunodéprimées.

✅ Les patients dialysés, dont plus de 9 sur 10 doivent se rendre trois fois par semaine dans une structure de soin pour y recevoir leur traitement[1], ont vécu de plein fouet les conséquences de la crise.

➡️ Interdiction des collations : le sujet qui fâche

En France, les collations et repas ont été interdits en dialyse au début de la crise, afin que les patients n’aient aucun motif de retrait de leur masque. En décembre 2020, la HAS a finalement préconisé que les collations soient rétablies en fonction de la circulation épidémique[2]. Une recommandation très inégalement mise en œuvre sur le terrain : à la date de l’enquête, les collations n’étaient de retour que pour un peu plus de la moitié des patients. Dans 44% des cas, ce rétablissement s’est fait au prix d’une dégradation de leur qualité et / ou de leur quantité par rapport à « l’avant-crise ».

« Laisser les patients pendant 4 heures sans boire et sans manger c’est inhumain ! »

« Nous sommes plusieurs à faire des malaises, car un simple café manque quand on se lève à 4h30 le matin pour être branché à 7h jusqu‘à midi puis retour à domicile. »

« On nous supprime la collation pour des raisons budgétaires et non par rapport au COVID-19, alors qu’on fait face à un régime déjà strict. La dialyse donne très faim et fatigue énormément. »

« Une double injustice pour nous dialysés, les seuls malades au sein d’une structure médicale à être privés d’alimentation. »

Plus de 4 patients sur 5 indiquent que l’interdiction des collations a eu pour eux des conséquences négatives, tandis que moins d’un quart d’entre eux considère qu’elle était utile pour assurer leur protection.

En revanche, ils regrettent fréquemment l’absence de respect d’autres mesures de protection.

✅ Ainsi, plus d’un patient dialysé sur trois affirme ne pas se sentir en sécurité durant les séances de dialyse.

Les raisons évoquées sont multiples, mais correspondent toutes à un défaut de mise en œuvre des recommandations relatives au Covid : aération[3] insuffisante des salles de dialyse (35%), défaut de distanciation entre les patients dans les lieux d’accueil (33%), non-respect des mesures de protection dans les transports (30%), etc.

« Je vais en dialyse en ambulance. Tous les ambulanciers ont continué d’entrer dans la salle de soin pour peser et coucher les patients. »

« Je suis dans un centre de dialyse où il n’y a pas de fenêtres. »

« Certains patients portent le masque sous le nez. Une infirmière ne porte pas du tout le masque. »

➡️ La dialyse à domicile rassure

Moins exposés à la promiscuité et aux contraintes des centres, plus autonomes, les patients dialysés à domicile sont aussi moins inquiets de l’évolution de leur état de santé et deux fois moins nombreux à estimer que leur moral s’est dégradé pendant la crise.

[1] Seulement 6% des patients dialysés le sont à domicile en France

[2] Réponses rapides dans le cadre de la COVID-19 : Assurer la continuité de la prise en charge des patients ayant une maladie rénale chronique – Mis à jour le 3 décembre 2020

[3] Si l’aération, le recours à des capteurs de CO2 et à des dispositifs de filtrage HEPA font bien l’objet de recommandations générales par le HSCP, elles ne figurent à ce jour dans aucune des recommandations spécifiques à la dialyse.

Le questionnaire, à l’instar de celui de 2020, a été élaboré par un groupe de travail rassemblant patients et professionnels. Il a fait l’objet d’une phase de tests approfondis par des patients, qui ont permis de lui apporter des améliorations.

Sa diffusion a été réalisée sur le site Renaloo, sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Linkedin) ainsi que via notre newsletter.  

Si le nombre de questionnaires totalement remplis est analogue à celui de 2020 (1550 environ), quelques différences existent entre les répondants. En particulier, ceux de 2021 sont plus âgés (49,8 ans en moyenne en 2020 et 53,6 en 2021) et plus souvent greffés du rein (64,8% contre 56,2%). En revanche, la répartition des genres est identique : 54% des répondants sont des femmes.

Le fait de devoir remplir le questionnaire en ligne introduit un biais évident dans l’échantillon des répondants : moins de patients âgés, plus de diplômés et de greffés que dans l’ensemble des patients insuffisants rénaux.

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