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“La France reprend les prélèvements d’organes “à coeur arrêté”
LE MONDE | 09.03.07 | 15h01 • Mis à jour le 09.03.07 | 15h01amais la France n’avait prélevé, en 2006, autant d’organes humains destinés à être greffés. Pour autant, la situation de pénurie persiste : plus de 12 000 personnes attendent aujourd’hui un greffon et, l’an passé, 229 mors étaient dûes à un manque de greffons disponibles.
L’Agence de la biomédecine a donc décidé de lancer un programme expérimental de prélèvement d’organes, non plus chez des personnes en situation de coma dépassé, et maintenues en survie artificielle dans des services de réanimation, mais chez des individus dont le coeur vient de cesser de battre et qui n’ont pas pu être réanimés. Cette pratique avait progressivement été abandonnée en France.
En 2006, la France a, pour la première fois, atteint le taux de 23 prélèvements d’organes par million d’habitants. L’activité de greffe a augmenté de 38 % en six ans. Pour autant, le nombre de personnes inscrites sur les listes d’attente ne cesse d’augmenter (de 4 % en 2006), le nombre de nouveaux demandeurs (5 433) restant supérieur à celui des greffes réalisées (4 426).
La loi française interdisant toute forme de commerce, le législateur avait, en 2004, élargi les possibilités des dons – de reins ou de lobes hépatiques – effectués au sein de leur propre famille par des personnes vivantes. Alors que cette forme de solidarité biologique représente de 30 % à 40 % des greffes de reins aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d’Europe du nord, sa part n’a été que de 9 %, en 2006, en France. C’est pourquoi les autorités françaises ont décidé d’autoriser, dans un cadre expérimental, un certain nombre d’équipes chirurgicales à prélever des organes sur des personnes mortes brutalement et qui n’ont pu être réanimées.
PRÉCAUTIONS TECHNIQUES ET ÉTHIQUES
Sur la base de résultats obtenus dans plusieurs pays étrangers (Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Japon et Espagne) et sans que le législateur ne se soit prononcé sur le sujet, un consensus s’est dégagé, en France, pour estimer que certaines personnes en situation de mort encéphalique après un arrêt cardiaque persistant (on parle de prélèvement “à coeur arrêté”) pourraient dorénavant être considérées comme des donneurs d’organes.
Après la publication, le 2 août 2005, d’un décret d’application de la loi de bioéthique de 2004, un protocole a été établi par l’Agence de la biomédecine. Les deux premiers prélèvements de ce type ont été pratiqués avec succès, fin 2006, à Lyon. En tout, neuf équipes hospitalo-universitaires (à Angers, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nancy, Strasbourg ainsi que, à Paris, Saint-Louis, la Pitié-Salpêtrière et Kremlin-Bicêtre) se préparent à tenter d’obtenir des résultats équivalents à ceux enregistrés à l’étranger. Dès à présent, une vingtaine de prélèvements à coeur arrêté devraient ainsi être pratiqués.
Saisie de la question, l’Académie nationale de médecine a estimé, lors de sa séance du 6 mars, que ce protocole “satisfait à toutes les dispositions éthiques et déontologiques”. En pratique, les prélèvements ne pourront être effectués que dans les six heures qui suivent l’arrêt cardiaque initial, et en respectant une série de précautions techniques et éthiques.
Ils concerneront, pour l’essentiel, des personnes qui ont fait un arrêt cardiaque en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée, et celles pour lesquelles le massage cardiaque et la ventilation mécanique n’ont pas été efficaces. Les autorités françaises ont, pour des raisons éthiques, interdit les prélèvements chez les personnes dont l’état de santé a conduit à une décision médicale d’arrêt de soins en réanimation.
Dans le dernier numéro de La Revue du praticien, consacré aux greffes d’organes, le professeur Alain Tenaillon, de l’Agence de la biomédecine, observe que cette catégorie représente l’essentiel des donneurs à coeur arrêté aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, au Japon, ainsi qu’au Royaume-Uni.
Jean-Yves Nau
Article paru dans l’édition du 10.03.07″
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