Une équipe américaine est parvenue à créer in vitro des coeurs de rats
LE MONDE | 14.01.08 | 15h36 • Mis à jour le 14.01.08 | 15h36
La maîtrise croissante de la thérapie cellulaire associée à celle des matrices organiques permettra-t-elle bientôt de créer des organes humains ? Rendu public, dimanche 13 janvier, un résultat spectaculaire publié par la revue Nature Medicine le laisse penser. Ses auteurs expliquent être parvenus à créer in vitro des coeurs bioartificiels battants de rats à partir de coeurs morts et de cellules prélevées sur des coeurs d’animaux nouveau-nés. Les travaux ont été menés par une équipe dirigée par Doris Taylor, réunissant des chercheurs et des médecins de l’université du Minnesota (Minneapolis) et du département de chirurgie du Massachusetts General Hospital (Boston).
Ce travail a, schématiquement, comporté trois phases. Les coeurs prélevés sur des rats morts ont tout d’abord été soumis, via le réseau coronarien, à un traitement détergent pour détruire les cellules des organes tout en conservant l’architecture générale, soit les valves et la matrice extracellulaire. On a ensuite injecté dans cette matrice des cellules cardiaques et endothéliales prélevées sur des rats nouveau-nés. Ceci a permis d’obtenir un réensemencement cellulaire de la matrice. Huit de ces constructions ont été réalisées et maintenues durant quatre semaines dans un bioréacteur reproduisant les paramètres de la physiologie cardiaque du rat.
“A partir du quatrième jour, nous avons observé, à l’échelle macroscopique, les premières contractions, expliquent les chercheurs dans Nature Medicine. A compter du huitième jour, des modifications physiologiques et des stimulations électriques ont permis d’obtenir une fonction de pompe cardio-vasculaire équivalente à 2 % de la fonction des animaux adultes ou à 25 % de la fonction d’un coeur foetal de seize semaines.”
L’équipe américaine a d’autre part procédé à l’implantation intra-abdominale de ces constructions chez des rats immunologiquement non compatibles. Ils ont ainsi observé, avant les phénomènes de rejet, que les battements se maintenaient et un début de colonisation de la structure par les cellules des rats receveurs.
PROTHÈSES CARDIAQUES
Des expériences similaires ont déjà commencé sur le porc, dont le muscle cardiaque possède de nombreuses caractéristiques communes avec celui de l’homme. Les chercheurs espèrent pouvoir fournir dans le futur des prothèses cardiaques d’un nouveau type qui fourniraient une réponse à la pénurie chronique de greffons transplantables. La matrice pourrait alors provenir de coeurs prélevés sur des personnes récemment décédées et qui ne seraient plus maintenues en réanimation artificielle. Quant à l’apport cellulaire, il devrait être fourni par des cellules souches provenant de la moelle osseuse du patient lui-même.
Il faudra toutefois franchir de nombreux obstacles techniques avant que de telles constructions bioartificielles puissent être proposées par les équipes chirurgicales aux personnes souffrant d’insuffisance cardiaque. Il reste notamment à vérifier que la colonisation cellulaire de la matrice permettra effectivement de construire un coeur battant dont les caractéristiques seront bien équivalentes à l’organe naturel d’origine. Pour sa part, Doris Taylor estime qu’une telle approche de thérapie tissulaire pourra dans l’avenir être appliquée à d’autres organes humains.
Outre ceux, majeurs, concernant la peau, des progrès ont été obtenus, ces dernières années, dans la création de tissus humains hépatiques, tendineux, cartilagineux ou encore similaires à ceux constituant la vessie.