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Les règles du prélèvement d’organes bousculées aux Etats-Unis
LE MONDE | 15.08.08 | 14h24 • Mis à jour le 15.08.08 | 14h24eut-on laisser les seuls chirurgiens décider qu’une personne est bel et bien décédée et qu’elle peut être considérée comme un donneur d’organes ? Telle est la question que soulève un article publié, jeudi 14 août, par le New England Journal of Medicine. Ce travail a été mené sous la direction de Marc Boucek (Children’s Hospital de Denver, Colorado). Il concerne trois transplantations cardiaques effectuées sur des nouveau-nés, dans des conditions qui ne respectent pas pleinement la définition de la mort.
Ces opérations ont été effectuées, avec l’accord écrit des parents des donneurs et des receveurs, entre mai 2004 et mai 2007. Les donneurs ont été prélevés à un âge moyen de 3,7 jours et les receveurs, qui souffraient de graves pathologies malformatives cardiaques, étaient inscrits sur une liste d’attente et âgés de 2 à 3 mois. Au vu des différentes pathologies dont souffraient les nouveau-nés considérés comme des donneurs potentiels, la décision a été prise d’interrompre au plus vite les soins les plus lourds tout en programmant le prélèvement du coeur.
LES FRONTIÈRES DE L’ACCEPTABLE
L’équipe chirurgicale a ensuite choisi d’établir, selon de nouveaux critères, le diagnostic de décès des futurs donneurs. Alors que les recommandations officielles disent que ce diagnostic doit être posé au bout d’environ cinq minutes d’arrêt cardiaque, les chirurgiens ont estimé qu’ils pouvaient réduire ce délai à 75 secondes. Ils expliquent, pour justifier leur initiative, que toutes les données disponibles laissent penser que, passé une minute, il n’existe pratiquement plus aucune chance de reprise d’activité cardiaque et donc plus d’espoir de ressuscitation. Ils font aussi valoir, en substance, que plus le greffon cardiaque est de qualité, plus grandes sont les chances de succès de la greffe. Dans les trois cas, les enfants greffés sont vivants alors que le taux de survie n’est que de 84 % dans un groupe de 17 enfants greffés, selon les recommandations en vigueur.
Cette publication a aussitôt soulevé une vive émotion dans la communauté des spécialistes de la transplantation d’organes. Pour sa part, le New England Journal of Medicine a choisi de publier dans le même numéro trois analyses exposant les interrogations que suscite cette initiative. Le neurologue James Bernat (Darmouth Medical School, New Hampshire) observe notamment que le fait d’obtenir une reprise de l’activité cardiaque chez le receveur pose la question de savoir si l’arrêt cardio-vasculaire chez le donneur était ou non irréversible. Pour l’éthicien Robert Veatch (Georgetown University, Washington DC), il est acquis qu’en agissant de la sorte on “interrompt une vie par prélèvement d’organe”.
“Il s’agit d’une affaire très importante, estime le docteur Luc Noël, coordinateur de l’unité “Procédures cliniques” à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Modifier de la sorte les critères qui étaient jusqu’ici en vigueur pour autoriser des prélèvements d’organe peut avoir de graves conséquences dans l’opinion.” Une problématique voisine est apparue il y a peu en France dans le cadre du programme de prélèvements dits “à coeur arrêté” (Le Monde du 11 juin). Plusieurs voix s’élèvent, donc, dans la communauté des réanimateurs, pour réclamer que les autorités sanitaires et les sociétés savantes précisent où sont les frontières de l’acceptable.
Cela semble d’autant plus nécessaire que de nouvelles techniques miniaturisées de circulation sanguine extra-corporelle permettent de faire revenir à la vie des personnes que l’on pouvait tenir hier encore comme des donneurs potentiels.
Jean-Yves Nau
Article paru dans l’édition du 16.08.08
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