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Greffes sans frontières

11 septembre 2001, Le Généraliste

A côté de son action incessante pour susciter les dons d’organes, l’Etablissement français des greffes s’investit dans l’aide internationale pour que d’autres pays puissent organiser leur propre système de greffe.

Savez-vous que, demain, le rein ou le cœur qui sera greffé à l’un de vos patients est peut-être celui d’un Espagnol ? Ces échanges de greffons ne sont certes pas monnaie courante, d’autant que la pénurie en ce domaine est un trait commun à l’ensemble de l’Europe. Néanmoins, en l’an 2000, 186 organes ont été proposés par nos voisins à l’Etablissement français des greffes (EFG), dont 27 ont pu être greffés ; inversement, la France a proposé 24 organes, dont 13 ont été utilisés. Ces échanges transfrontaliers concernent, par exemple, des receveurs particuliers (enfants en bas âge, groupage rare), ou encore des donneurs âgés, dont les organes sont utilisés ou non selon l’urgence vitale pour le receveur. Voilà un atout indiscutable de l’Union européenne. Les liens entre l’EFG et ses équivalents, tous représentés au Conseil de l’Europe, sont au demeurant “anciens et solide”, comme le précise son directeur général, le Pr Didier Houssin.

A côté de ces échanges avec l’Europe, d’autres existent avec les Etats-Unis et certains pays d’Asie. Mais, aujourd’hui, une autre forme de collaboration est également privilégiée par l’EFG, explique le Pr Houssin, qui concerne des pays dits “à développement intermédiaire” où “la greffe paraît techniquement faisable, mais selon des modalités reflétant de grandes inégalités dans l’accès à la méthode thérapeutique”. Jusqu’à présent certains déclaraient que ces pays avaient d’autres priorités, mais il est clair aujourd’hui que la mise en place de la greffe peut avoir autant d’avantages sanitaires qu’économiques. Cette politique s’étend à la fois en Europe de l’Est, en Afrique du Nord et en Amérique latine. Mais, prévient le directeur général de l’EFG, “toute notre politique, c’est d’aider les pays à mettre en place un système d’organisation des greffes”. L’EFG assure donc un soutien administratif, une aide à la mise en place des décrets d’application de loi, la formation des équipes, des échanges…

Ainsi, le Maroc a désormais mis en place, à l’hôpital de Rabat, un programme de greffe rénale. Il faut dire que, dans ce pays, la fréquence des polykystoses rénales est telle que 8 500 Marocains sont en insuffisance rénale terminale, beaucoup ayant entre 15 et 25 ans (moyenne d’âge 40 ans), alors que 2 500 seulement peuvent avoir accès à l’hémodialyse. Depuis trois ans, une collaboration s’est mise en place avec l’aide de l’EFG entre l’hôpital de Rabat et le service de néphrologie de l’hôpital Saint-Louis (Paris), assortie de l’envoi d’une équipe dix jours par an pour opérer dans la capitale marocaine. Avec succès puisque cette année, “pour la première fois l’équipe de Saint-Louis n’a quasiment pas opéré”, se réjouit Esmaralda Luciolli, médecin chargée de la coopération internationale à l’EFG, les Marocains étant prêts à œuvrer seuls. Certains problèmes restent à résoudre, qui incombent spécifiquement aux autochtones, tels que ceux concernant le budget ou la couverture sociale, comme le précise le Pr Leïla Balafrej, néphrologue à Rabat ; là encore, le Dr Luciolli se dit prête à s’impliquer pour faciliter l’accès de Marocains à la ciclosporine.

Dans d’autres pays, comme en Bulgarie, l’EFG aide à l’organisation du prélèvement sur les donneurs décédés. En Roumanie, elle soutient le Centre national des grands brûlés (avec l’aide de l’hôpital Cochin, à Paris), favorise la greffe de peau ; elle aide à la mise en place d’une banque de tissus. Cependant, quand elle juge qu’une entreprise est hasardeuse, l’EFG sait aussi dire non, quitte à œuvrer pour que les équipes demandeuses puissent améliorer leur technique chirurgicale en collaborant avec des équipes françaises.

Trafic d’organes

Interrogé sur l’existence d’un trafic d’organes, Didier Houssin s’avoue sceptique : “En France, c’est exclu, toutes les greffes relèvent du domaine public. Ailleurs, quelques trafics de cornées prélevées à la morgue et revendues permettent sans doute à quelques-uns de réaliser de petits bénéfices. Il paraît totalement irréaliste d’envisager un véritable trafic pour d’autres organes prélevés sur des personnes décédées. Quant aux prélèvements sur des vivants, il est vrai que, dans certains pays, la technique a été plus vite que le droit. C’est pourquoi vendre son rein était encore légal en Inde il y a quelques années ; cette pratique est de plus en plus largement interdite, mais sans doute existe-t-elle encore.” Quant au vol d’organes, Didier Houssin considère qu’aujourd’hui, il relève totalement de la rumeur.

Dr Françoise Guillemette

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