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Immunosuppression des transplantés : un examen annuel de la peau

24 mars 2005, Le Quotidien du Médecin

Les patients transplantés sous traitement immunosuppresseur doivent recevoir des conseils de protection solaire très stricts afin de limiter la survenue de cancers cutanés. Ils doivent également bénéficier d’un examen dermatologique annuel, en sachant que les lésions sont souvent trompeuses et que l’apparition d’un premier carcinome spinocellulaire est hautement prédictive de celle d’autres tumeurs cutanées. Explications du Dr Sylvie Euvrard*

PIONNIERE en matière de transplantation, l’école lyonnaise a acquis, au fil des années, une riche expérience dans le domaine. Il n’est donc pas étonnant que le Dr Sylvie Euvrard, dermatologue à l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon, se soit intéressée au suivi de la peau chez les transplantés. Coordinatrice depuis 1994 d’un sous-groupe de la Société française de dermatologie intitulé Peau et greffes d’organe, ayant pour présidente le Pr Camille Frances et pour vice-président le Pr Selim Aractingi, le Dr Sylvie Euvrard rappelle en effet que, « après vingt ans d’immunosuppression, la moitié des greffés sont concernés par la pathologie tumorale cutanée ». Le risque de carcinome spinocellulaire est multiplié par cent avec 10 à 12 % de récidives locales et 8 % de métastases ; le risque de carcinome basocellulaire est multiplié par 10, celui de sarcome de Kaposi est de 100 à 500 fois plus élevé que celui de la population générale (voir encadré) et, enfin, le risque de mélanome est quadruplé.

Un suivi systématique.

D’où l’importance d’une surveillance dermatologique annuelle de ces patients, prônée par le groupe de travail de la SFD qui a établi des lignes de conduite simples, à l’usage des malades, disponibles depuis mai 2002 sur le site de la SFD (1) et que tous les dermatologues peuvent donc se procurer.
Cette surveillance annuelle systématique semble aujourd’hui bien respectée par la plupart des services de transplantation rénale, mais des efforts restent encore à faire pour les greffes cardiaques et hépatiques. Par ailleurs, avec l’augmentation régulière des greffes d’organes, de plus en plus de dermatologues libéraux sont amenés à prendre en charge des patients transplantés.

La qualité de l’immunosuppression.

« Longtemps, on a considéré que l’ancienneté et l’intensité de l’immunosuppression constituaient les principaux facteurs de survenue de ces cancers cutanés », précise le Dr Sylvie Euvrard, « mais l’on sait maintenant que la qualité de l’immunosuppression intervient également ». Ainsi, certains immunosuppresseurs, inhibiteurs de la protéine m-tor, comme la rapamycine ou le sirolimus (Rapamune), auraient des propriétés antitumorales. Avec un recul de plus de dix ans, cette molécule a prouvé sa très bonne efficacité antirejet, sa bonne tolérance notamment rénale, et les patients recevant la rapamycine dès le début de la greffe ont moins de cancers. A cet égard, le Dr Sylvie Euvrard coordonne actuellement une étude évaluant l’intérêt du remplacement de la ciclosporine par la rapamycine chez des greffés ayant eu un carcinome spinocellulaire.
Car une autre donnée capitale est progressivement apparue lors du suivi cutané des transplantés : l’apparition d’un premier carcinome spinocellulaire est hautement prédictive de la survenue ultérieure de tumeurs multiples (autre cancer spinocellulaire, mais aussi basocellulaire, maladie de Bowen, kérato-acanthome, etc.) puisque l’on estime, en effet, que, après la survenue de ce premier cancer, « 70 % des patients présentent dans les deux ans qui suivent au moins une autre tumeur cutanée ». De plus, toutes ces lésions prennent un aspect volontiers trompeur, comme celui d’une verrue inflammatoire, et nécessitent à chaque fois une ablation chirurgicale avec contrôle histologique.
L’éventualité de ces interventions à répétition en zones découvertes, ainsi que la mise en jeu croissante du pronostic vital, et ce malgré une protection solaire très stricte, doivent induire une nouvelle concertation avec le service transplanteur, et faire envisager une révision du traitement immunosuppresseur.

Une recherche européenne et internationale.

Ces conseils qui font partie des diverses recommandations proposées par le groupe Peau et greffes d’organe ne se destinent pas seulement aux dermatologues français. Sylvie Euvrard se dit en effet « très fière » que ce document ait été traduit et mis à disposition des spécialistes européens sur le site du Scope (Skin Care in Organ Transplant Patients Europe) (2). Ce réseau multidisciplinaire, né en 2000 de l’initiative de quelques équipes, notamment françaises, a été étendu à toute l’Europe en 2002. Il entretient des liens très étroits avec l’Itscc (International Transplant Skin Cancer Collaborative) (3), fondé en 2001 par des chirurgiens dermatologues nord-américains et australiens.

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