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Insuffisance rénale chronique : la parole aux patients

27 mars 2003, Le Quotidien du Médecin

La Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux (FNAIR)* fête ses 30 ans. A cette occasion, le congrès organisé le 30 mars au palais des Congrès de Versailles retracera les grandes étapes de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique (IRC) et donnera largement la parole aux patients. En dépit des progrès, les problèmes au quotidien sont nombreux.

« D’une époque où il était question de survivre, nous sommes passés à une époque où il est question de vivre » : ces propos de Régis Volle résument à eux seuls la situation du patient insuffisant rénal chronique terminal, qu’il soit traité par dialyse ou par transplantation.

Après trente ans d’existence, la FNAIR (Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux) tient son sixième congrès au palais des Congrès de Versailles dans le cadre des Journées nationales de l’insuffisance rénale. Son président, Régis Volle, dialysé en 1967 et greffé en 1989, a accompagné l’évolution de la prise en charge de cette maladie chronique. « J’ai été dialysé à l’époque héroïque, chez Traeger à Lyon, et j’en suis l’un des rares survivants. Je n’en connais que trois ou quatre de cette époque. Je devrais être mort, car, comme le raconte le Pr Traeger, chaque semaine arrivaient dans ce service un ou deux patients qu’on devait laisser mourir, faute de moyens. Il fallait sélectionner les malades. »

Les pionniers

Quarante ans d’histoire de la médecine et trente ans de vie associative ont changé le visage de l’IRC. Le congrès se propose de rappeler les grands moments de l’histoire de la maladie et de ses traitements : du mal de Bright (coma urémique), rapidement mortel ,à la maladie chronique aujourd’hui. Les témoignages des principaux pionniers viennent illustrer cette histoire. Celui du Pr Gabriel Richet, qui a pratiqué les premières dialyses chez des patientes en insuffisance rénale aiguë après une infection post abortum. « Quatre minutes de projection retrouvées dans les archives de l’hôpital de Necker permettent de voir l’une de ces séances. Le document est exceptionnel. De même, dans le hall sera exposé l’appareil de dialyse : une grosse machine à laver en inox avec un gros tambour et un bac. On a l’impression d’un appareil de torture », explique Régis Volle.

C’est au Pr Jules Traeger que revient le mérite d’avoir ouvert à Lyon, en 1963, le premier centre de dialyse en Europe : un extrait de l’émission Cinq colonnes à la Une qui la fera découvrir au public en 1967 sera également diffusé. Mais c’est aux Etats-Unis que le Pr B. Scribner soignera les premiers insuffisants rénaux chroniques parce qu’il aura résolu le problème de l’accès vasculaire grâce à l’implantation d’une canule en silicone à demeure. Il sera présent grâce à un film américain de l’époque et à la présence d’un patient dialysé dans son service en 1963.

Les Pr René Kuss et Christophe Legendre apporteront leurs témoignages de la transplantation. Le premier a fait les premières transplantations à Paris chez le Pr Hamburger, le second est un défenseur de la transplantation par donneur vivant. « Autant nous avons été les pionniers dans beaucoup de domaines, dialyse et transplantation, autant nous sommes en retard dans le domaine de la transplantation avec donneur vivant, loin derrière le Canada ou les Etats-Unis. Ce déficit est regrettable et nous voudrions attirer l’attention du ministère là-dessus », souligne Régis Volle.

Pourtant, cela marche bien. Max-Alain Brochet, le plus vieux transplanté avec donneur vivant en France, peut en témoigner. Transplanté avec un rein de son père en 1967, il poursuit aujourd’hui son métier d’horticulteur et son père toujours vivant continue à conduire son tracteur.

Beaucoup de témoignages de patients évoqueront tous ces points. Le congrès sera « à l’écoute des patients et centré sur eux ».

Le président de la FNAIR rappelle que l’association, créée par une quinzaine de patients pour informer, représenter et défendre l’intérêt des patients, a participé à tous les combats. « Dès 1974, nous avons demandé à intégrer la Commission nationale de l’hémodialyse et de la transplantation du ministère de la Santé et ainsi participé à l’élaboration de l’organisation du traitement de l’insuffisance rénale chronique en France. » En 2001, lors des premières Journées nationales, l’IRC était reconnue comme la cinquième maladie majeure. Les deux décrets adoptés en septembre 2002 marquent une nouvelle étape pour l’organisation du traitement par dialyse (« le Quotidien » du 22 novembre 2002). « Il a fallu trente ans pour obtenir la suppression de la carte sanitaire. Cinq ans pour obtenir l’indemnisation du temps passé en dialyse à domicile par le conjoint et par le patient. »

Les combats n’ont pas été vains. « Il a fallu innover. Dès les années 1970, les patients se sont engagés, ont demandé à être informés et formés. La loi sur les droits de malades, nous l’avions déjà appliquée. »

Il reste pourtant beaucoup à faire

En dépit de ces avancées, il reste pourtant beaucoup à faire : développer la transplantation avec donneur vivant, sensibiliser le public au don d’organes pour éviter qu’il y ait autant de refus. La délivrance en pharmacie de ville des immunosuppresseurs autre que la ciclosporine (déjà autorisée) et de l’érythropoïétine faciliterait la vie des patients.

Sur le plan social, « nous avons toujours défendu le fait qu’il fallait que les dialysés ou les transplantés se prennent en charge, travaillent et essayent de se réinsérer, ce qui est souvent le cas. Malgré tout, des problèmes demeurent ». Dans les entreprises, les dialysés ont toujours du mal à se faire accepter. Ils sont considérés comme de « grands malades ». Lorsqu’un dialysé est transplanté, il perd son invalidité de 80 % qui ouvre droit à l’AAH, car il est considéré comme guéri. « Or ce n’est pas parce que vous êtes transplanté que vous allez trouver un travail tout de suite. Ces transplantés se retrouvent complètement démunis et nous voudrions sensibiliser le secrétaire d’Etat aux Handicapés sur ce sujet », ajoute Régis Volle.

Si, « aujourd’hui, on aime, on travaille, on voyage avec sa maladie », les difficultés psychologiques, financières ou socioprofessionnelles demeurent donc. Elles touchent le patient lui-même, mais aussi son entourage. Au quotidien, la vie des insuffisants rénaux reste difficile, soumise à des contraintes importantes. « Notre objectif est que, malgré la maladie chronique, par définition non guérissable, nous puissions œuvrer pour que chaque patient insuffisant rénal tende, le plus possible, vers une forme de guérison grâce à la maîtrise de son destin », affirme Régis Volle. Pour cela, il faut que la liberté de choix de la structure et de son équipe soignante soit réellement effective partout. « L’idéal dans l’avenir serait que les patients pris en charge dans les centres de dialyse ou les centres de néphrologie puissent être suivis efficacement par des généralistes et par des spécialistes formés. Il serait intéressant que les généralistes, comme les spécialistes, s’intéressent plus à la maladie. La constitution de réseaux améliorerait le suivi. »
Le volet préventif est aussi très important. L’incidence de l’insuffisance rénale terminale augmente régulièrement de 5 % par an et sa prévalence de 8 %, compte tenu de l’allongement de vie des patients traités. Pourtant, aujourd’hui, l’évolution vers le stade terminal pourrait être évitée pour 10 % des patients s’ils étaient dépistés plus tôt. De même, l’évolution pourrait être retardée de dix ans pour 30 % des insuffisances rénales.

Dr Lydia ARCHIMÈDE

L’histoire étonnante de Robin Eady

Le Pr B. Scribner, à Seattle (Etats-Unis), est le premier à annoncer au monde qu’il traite de façon continue depuis plusieurs mois des patients insuffisants rénaux. La nouvelle annoncée dans « Paris-Match » va bouleverser la vie de Robin Eady. Ce jeune Britannique francophile est étudiant en médecine. Il a 20 ans, est en insuffisance rénale et se sait condamné. Il part pour Seattle où le Pr Scribner accepte de le traiter. En 1965, il revient à Londres où le premier centre de dialyse vient d’ouvrir. Aujourd’hui, le Pr Robin Eady est spécialiste en dermatologie.

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