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La Grande-Bretagne ouvre la voie au clonage d’embryons humains pour la recherche médicale

12 août 2004, Le Monde

Une équipe de biologistes de l’université de Newcastle a obtenu le feu vert en vertu d’une législation adoptée en 2002 autorisant le procédé à des fins thérapeutiques.
Une étape importante, sans doute irréversible, de l’histoire de la médecine a été franchie, mercredi 11 août, avec l’autorisation officiellement donnée par les autorités britanniques à une équipe de biologistes de l’université de Newcastle de créer des embryons humains à des fins exclusivement scientifiques et médicales. Jusqu’à présent, lorsqu’ils étaient autorisés, les travaux de recherche dans ce domaine n’étaient menés que sur des embryons initialement conçus dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, conservés par congélation et ne faisant plus l’objet d’un projet parental.

La Haute Autorité britannique en charge des activités d’assistance médicale à la procréation et à la recherche en embryologie (HFEA) a, après moins de deux mois de réflexion, donné son feu vert à un groupe spécialisé dans les recherches sur les cellules souches embryonnaires, dirigé par le docteur Miodrag Stjkovic, et travaillant au sein de l’Institut de génétique humaine de l’université de Newcastle.

Menant des recherches sur l’amélioration des traitements actuels du diabète, ces biologistes espèrent obtenir la différenciation des cellules souches présentes dans des embryons humains en cellules productrices d’insuline qui pourraient être greffées chez des diabétiques, compensant ainsi la trop faible production d’insuline dont ils sont affectés. Les premiers essais cliniques sur des malades ne devraient toutefois pas être menés avant quatre ou cinq ans.

A la différence des recherches sur les cellules souches qui sont conduites dans différents pays à travers le monde, le feu vert donné par la HFEA ne concerne pas des embryons humains ayant été conçus in vitro et ne s’inscrivant plus dans un projet parental. Cette autorisation permettra en effet aux chercheurs de Newcastle de créer des embryons à partir de la technique du clonage, similaire à celle qui avait permis la création – il y a huit ans – de la brebis Dolly.

Il s’agit, schématiquement, de prélever une cellule de l’organisme d’un individu (en l’occurrence de la personne diabétique), d’en ôter le noyau et de placer ce noyau dans un ovocyte préalablement énucléé. Après différents gestes expérimentaux, on laisse ensuite l’embryon ainsi obtenu se développer durant quatre à cinq jours, stade auquel on prélève les cellules souches qu’il contient, ce qui conduit à sa destruction.

L’objectif est ensuite d’obtenir la différenciation de ces cellules souches en cellules nerveuses, sanguines, musculaires… ou, ici, productrices d’insuline. En toute hypothèse, les chercheurs britanniques se sont engagés à ne pas laisser leurs embryons se développer au-delà de quatorze jours.

La Grande-Bretagne est le premier pays au monde à avoir adopté, en 2002, une législation pragmatique autorisant la création par clonage d’embryons humains à des fins thérapeutiques et criminalisant la pratique du clonage reproductif. Depuis cette date, aucune demande n’avait été déposée. La première avait été, en juin, celle des chercheurs de Newcastle. En dépit de la législation adoptée outre-Manche, cette demande avait divisé la communauté scientifique britannique. C’est ainsi que six experts britanniques des questions relatives à la bioéthique avaient demandé à la HFEA de mettre son veto à une telle demande.

“Cette recherche est un gaspillage d’argent public et franchit pour la première fois les limites de l’éthique”, a déclaré le docteur David King, biologiste moléculaire et directeur du groupe anticlonage britannique Human Genetics Alert. Pour sa part Suzi Leather, présidente de la HFEA, a tenu à préciser que la décision de délivrer, pour un an, une autorisation à l’université de Newcastle avait été prise “après un examen approfondi des aspects scientifiques, éthiques, légaux et médicaux du dossier”.

En France, Jean Leonetti, premier vice-président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, a, le 11 août, “regretté qu’une nouvelle étape soit franchie dans la transgression des règles de respect de l’embryon humain”. Il existe, selon lui, “un risque réel, par étapes successives”,que la bioéthique soit réduite à accepter toutes les demandes des recherches scientifiques sur l’humain sans véritablement les contrôler.

Jean-Yves Nau

Le Vatican contre le clonage thérapeutique

Le pape a “toujours condamné sans équivoque toute forme de clonage d’embryons humains même à fin thérapeutique”, a rappelé, mercredi 11 août, son porte-parole, Joaquin Navarro-Valls, tout en précisant que le Vatican se réservait la possibilité de se prononcer ultérieurement une fois obtenus davantage de détails sur la décision des autorités britanniques de permettre à des chercheurs de procéder au clonage d’embryons humains à des fins thérapeutiques.

Jean Paul II a souvent condamné le clonage des embryons humains dans des documents officiels et des discours. “Il faudra toujours éviter les chemins qui ne respectent pas la dignité et la valeur de la personne. Je pense en particulier à d’éventuels projets ou aux tentatives de clonage humain, dans le but d’obtenir des organes pour la greffe : de telles procédures ne sont pas moralement acceptables, même si elles ont des buts louables, du moment qu’elles impliquent la manipulation et la destruction d’embryons”, a-t-il notamment déclaré lors d’un congrès d’experts et de médecins. – (AFP.)

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