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La transplantation rénale permet de vivre plus longtemps que la dialyse

2 décembre 1999, Le Quotidien du Médecin

Aussi étonnant que cela puisse paraître, on n’avait encore jamais démontré que les insuffisants rénaux qui bénéficient d’une greffe vivent plus longtemps que les dialysés en attente de greffe. Un gigantesque travail américain montre que c’est clairement le cas, ce qui pourrait avoir des conséquences en matière de prise en charge à long terme des insuffisants rénaux.

La greffe:un gain surtout chez les jeunes et les diabétiques

Il existe une sorte d’unanimité : le meilleur traitement pour la plupart des insuffisants rénaux au stade terminal est la transplantation. Toutefois, contrairement aux transplantations hépatiques, cardiaques ou pulmonaires, la greffe rénale a une alternative pour prolonger la vie : la dialyse. Mais il se trouve que les avantages de la greffe rénale par rapport à la dialyse ont été évalués en termes de qualité de vie et d’économies de santé mais jamais réellement en termes de gain de survie.

Il faut dire qu’il y a un biais de taille : les insuffisants rénaux que l’on inscrit sur liste de greffe sont à la fois les plus jeunes, ceux qui sont en meilleure santé et ceux qui ont le niveau socio-économique le plus élevé ; ainsi, vu cette sélection, il va de soi que, passé le cap aigu de la transplantation, les greffés ont une durée de vie plus longue que ceux qui restent en dialyse. Pourtant, il y a une façon de contourner le problème : comparer, par rapport aux dialysés qui ne sont pas inscrits sur liste de greffe, deux populations de candidats à la greffe. D’une part, ceux qui sont effectivement greffés et, d’autre part, ceux qui restent des années sur liste d’attente, faute de rein. C’est ce qu’a fait l’équipe de Robert Wolfe (université du Michigan, Ann Arbor, Etats-Unis).

Le suivi de près de 230 000 patients

Les auteurs ont conduit une étude longitudinale de mortalité auprès de 228 552 insuffisants rénaux dialysés chroniques. Parmi eux, 46 164 ont été placés sur liste d’attente pour une transplantation, dont 23 275 ont été greffés entre 1991 et 1997.
Le risque de mortalité a été analysé après correction de divers facteurs : âge, race, sexe, maladie rénale, origine géographique, temps écoulé entre le début de la dialyse et l’inscription sur liste de greffe et année de l’inscription sur cette liste.
Première constatation : le taux de mortalité des patients en attente de greffe est de 38 à 58 % plus bas que celui de l’ensemble des dialysés (6,3 contre 16,1 pour 100 patients-année).

Deuxième constatation : dans les deux semaines qui suivent la greffe, le taux de mortalité est multiplié par 2,8 par rapport à celui de ceux qui ne sont pas inscrits sur liste d’attente ; mais, au bout de 18 mois, le risque de mortalité des greffés devient beaucoup plus faible (risque relatif : 0,32).

Un gain surtout chez les jeunes et les diabétiques

Troisième constatation : à long terme, la mortalité des transplantés est réduite d’environ 68 % par rapport à celle des sujets qui restent sur liste d’attente. Ce gain en termes de mortalité est maximal chez les plus jeunes (20-39 ans), chez les sujets de race blanche et chez les jeunes diabétiques.

“Parmi les insuffisants rénaux au stade terminal, les patients en meilleure santé sont inscrits sur liste de transplantation et la survie à long terme est meilleure chez ceux qui sont greffés que chez ceux qui restent sur liste d’attente”, concluent les auteurs.

Ce travail est intéressant sur plusieurs points, comme le souligne Lawrence Hunsicker dans un éditorial associé.

Premièrement, il pourrait conduire à répondre implicitement à une autre question non résolue : quelle est la cause de la mortalité élevée chez les insuffisants rénaux au stade terminal ? Certes, la perte des fonctions rénales elle-même accroît la mortalité mais les décès ne peuvent être attribués uniquement à des facteurs de risque comme l’HTA et l’hyperlipidémie. “Il serait important d’identifier les causes de décès qui ont été réduites chez les greffés et les raisons de cette réduction, explique l’éditorialiste. Puisque les maladies cardio-vasculaires représentent la plus grande proportion des décès à la fois chez les dialysés et les transplantés, il est raisonnable de spéculer qu’elles sont moins sévères chez le transplanté. Cela correspond-il à une baisse des taux de produits terminaux de la glycation ou d’homocystéine lorsque la clairance rénale augmente ?”

Donneurs vivants et attribution des reins de cadavre

Deuxièmement, poursuit Lawrence Hunsicker, cette étude va à nouveau focaliser l’attention sur les résultats de la greffe en termes de gain de vie, et plus seulement en termes de condition de vie. “Les donneurs vivants potentiels pourraient être bien plus motivés s’ils savaient que leur don, non seulement améliore la qualité de vie du receveur, mais, en plus, prolonge sa vie.”

Par ailleurs, on parlera désormais peut-être différemment de l’attribution des greffons de cadavre en sachant que la transplantation précoce réduit la mortalité. Il est vrai que, en raison de la pénurie de greffons de cadavre, il y a un débat : faut-il proposer une greffe aux patients âgés ? Or, l’étude de Wolfe montre que la survie est augmentée aussi chez les seniors greffés. Pour ce qui est des diabétiques, la greffe entraîne un gain de survie de 11 ans contre de 7 à 8 chez les autres. Dernier point : le facteur racial. On avait constaté que, par rapport aux Blancs, la survie est, chez les Noirs, meilleure en dialyse et moins bonne après greffe. Or, la nouvelle étude montre que la greffe profite aussi aux sujets de race noire, même si, pour des raisons encore inconnues, le bénéfice est moindre (en moyenne six ans contre dix) que chez les sujets de race blanche.

“L’étude de Wolfe et coll., qui constitue la première robuste analyse nationale de l’impact de la transplantation rénale sur la survie, nous donne des données essentielles pour une discussion rationnelle sur ces points”, conclut l’éditorialiste.

Dr Emmanuel de VIEL
” New England Journal of Medicine ” du 2 décembre 1999, pp. 1725-1730 et 1762-1763

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