Le Conseil de l’Europe contre les trafics d’organes
1er juillet 2003, Le Quotidien du Médecin
Le Conseil de l’Europe réclame des mesures préventives et juridiques pour enrayer les trafics d’organes en provenance des pays les plus pauvres d’Europe orientale. Poussés par la misère, des jeunes gens acceptent de céder, pour 3 000 dollars, un de leurs reins, qui sera réimplanté ensuite à un riche acheteur, le plus souvent dans une clinique turque.
En Moldavie, mais aussi en Roumanie, en Albanie, en Ukraine et en Georgie, des réseaux se sont spécialisés dans la recherche de donneurs vivants, activité d’autant plus lucrative que les receveurs potentiels sont prêts à payer, pour une greffe, de trente à soixante fois le prix d’achat du rein versé au donneur.
A l’issue d’une enquête en Moldavie, le Conseil de l’Europe a présenté à Strasbourg un rapport éloquent sur ces pratiques. Il a invité un jeune Moldave, qui avait vendu un de ses reins, à témoigner devant les parlementaires et la presse sur la manière dont s’est déroulée cette vente, puis le prélèvement.
Une fois recrutés par des intermédiaires, les vendeurs sont généralement envoyés en Turquie, où ont lieu les prélèvements et les greffes. Les receveurs se trouvent dans différents pays européens riches, mais aussi de Russie et d’Israël. Le rapport dénonce l’attitude de certaines compagnies d’assurances israéliennes qui acceptent de rembourser une partie des dépenses engagées par les receveurs, tout en sachant pertinemment que le rein a été prélevé et greffé illégalement.
Mais ces pratiques ne se limitent pas à l’Europe : en dehors de l’Inde, qui a pris récemment des mesures pour contrôler plus sévèrement ces trafics, les pays arabes sont eux aussi particulièrement touchés. De jeunes Irakiens pauvres fournissent souvent des reins aux ressortissants des pays du Golfe.
Sanctionner les médecins
Le Conseil de l’Europe souhaite que tous les pays, de même que les organisations internationales, mettent en place des programmes de lutte contre ces trafics, tout en renforçant leurs activités contre la corruption et le crime organisé. Il importe aussi, selon lui, de mieux informer les donneurs potentiels des risques qu’ils courent quand ils vendent un organe. Les pays d’origine des receveurs – dont la France, où des enquêtes ont montré que des Français étaient allés acheter un organe par ces canaux, mais aussi le Royaume-Uni ou l’Allemagne – sont appelés à coopérer avec les pays de départ pour prévenir ces ventes. Dans tous les pays, des dispositions pénales devraient pouvoir sanctionner les équipes médicales qui effectuent des interventions résultant des trafics d’organes. Enfin, le rapport s’inquiète de la décision de certains pays d’alléger les règles relatives au don d’organe entre personnes vivantes : actuellement, ceux-ci ne sont possibles qu’en cas de lien de parenté étroite, mais cette possibilité pourrait être étendue à d’autres proches du receveur. Selon le Conseil de l’Europe, cette notion de proximité élargie, si elle n’est pas sévèrement contrôlée, pourra servir à masquer des ventes illégales.
Denis DURAND DE BOUSINGEN