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Le retard pris dans la révision des lois de bioéthique pourrait pénaliser les biologistes français

25 mai 2004, Le Monde

Le retard pris dans la révision des lois de bioéthique de 1994 risque de pénaliser lourdement les biologistes français qui travaillent sur un domaine prometteur : la recherche sur les cellules souches embryonnaires et la médecine régénérative. En dépit des souhaits exprimés par Jacques Chirac à l’Unesco, le 14 octobre 2003, cette révision générale – qui aurait dû intervenir en 1999 – risque de ne pas être menée avant la fin de l’année, privant ainsi ces chercheurs de la possibilité de bénéficier de financements européens.

Cette perspective suscite la colère des équipes françaises. Le professeur René Frydman (hôpital Antoine-Béclère à Clamart dans les Hauts-de-Seine) en a fait part au ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, lundi 17 mai, sur France 2.

Le projet de loi révisant les lois de bioéthique a d’abord été examiné en janvier 2002 par les députés, puis un an plus tard par les sénateurs. En décembre 2003, il était débattu en seconde lecture à l’Assemblée nationale et devait être à nouveau présenté au Sénat en mai 2004. La nouvelle majorité parlementaire élue en 2002 avait modifié le texte adopté par la gauche sous la précédente législature : le projet défendu par le gouvernement Jospin autorisait – tout en l’encadrant – les recherches sur les cellules constitutives de l’embryon ; le texte réécrit par Jean-François Mattei, alors ministre de la santé, les interdisait, tout en créant une période dérogatoire de cinq ans destinée à évaluer les éventuels bénéfices thérapeutiques de ces travaux.

“Le problème crucial pour les équipes de recherche françaises souhaitant travailler dans ce domaine résulte du télescopage entre, d’une part, le nouveau retard pris par le gouvernement et le Parlement et, d’autre part, le lancement du dernier des trois appels d’offres pour des contrats de recherche dans le cadre du 6e programme-cadre européen”, explique le professeur Marc Peschanski, directeur de l’unité 441 de l’Inserm (hôpital Henri-Mondor, Créteil, Val-de-Marne). Les financements proposés concernent, en effet, des recherches sur ces cellules.

Les équipes engagées dans cette compétition internationale, comme celles de Daniel Aberdam (Nice), de Michel Pucéat (Montpellier) ou Jacques Hatzfeld (Villejuif), et des entreprises de biotechnologies vont être considérées comme non crédibles à l’échelon européen tant que la loi bioéthique n’aura pas été révisée. “Nos dossiers, même considérés comme “bons” scientifiquement par les évaluateurs, ne pourront pas être “prioritaires” puisque nous ne pourrons pas faire le travail proposé”, souligne le professeur Peschanski.

Pour les biologistes, l’affaire est d’autant plus grave que l’appel d’offres européen est le dernier du genre avant une période d’au moins deux ans. Dans ce cadre, Philippe Busquin, le commissaire européen à la recherche, avait fait le maximum pour que l’Europe apparaisse enfin crédible sur ce terrain de la recherche biomédicale. “Voilà donc le gouvernement français porteur d’un message d’ouverture pour la science européenne… sauf pour les chercheurs français”, regrette le professeur Peschanski.

Les conseillers de M. Douste-Blazy, comme ceux de François d’Aubert, le ministre délégué à la recherche, expliquent qu’il ne faut y voir “aucune malice” et que le retard pris n’est que la conséquence de l’encombrement du calendrier parlementaire. Ils ajoutent que l’achèvement de la révision des lois de bioéthique ne pourra intervenir avant la fin de la session ordinaire, le 30 juin. Et rien n’indique que la session extraordinaire de juillet le permette, puisqu’elle sera prioritairement consacrée à la réforme du système d’assurance-maladie.

Jean-Yves Nau

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