Mise au point sur l’évolution des dispositifs d’accès au maintien à domicile / chômage partiel des personnes vulnérables
✅ Le décret qui précise la liste des personnes « à très haut risque médical » qui pourront continuer à bénéficier de dispositifs d’éloignement du lieu de travail (chômage partiel) a été publié le 29 août.
Il n’est pas inutile de rappeler le contexte dans lequel ce texte a été rédigé.
Les intentions de l’Etat étaient initialement de mettre fin au chômage partiel pour toutes les personnes fragiles, sans exception, au 31 août, conformément à la Recommandation du Haut Conseil de Santé Publique du 19 juin 2020(1).
Dans un autre avis daté du 23 juillet, (Mise à jour : finalement publié le 2 septembre), le HCSP synthètise l'état actuel des connaissances sur les risques correspondant à certaines pathologies, puis, de façon contradictoire avec ce qui précède, indique « qu’en raison de la nature multifactorielle des risques, il est impossible de distinguer des personnes « à très haut risque vital », faute essentiellement de données disponibles ».
Compte tenu de cette impossibilité, il maintient sa recommandation de reprise de travail de l’ensemble des personnes vulnérables, si le télétravail n'est pas possible, avec des mesures barrières renforcées : lavage des mains, port du masque chirurgical, bureau seul ou séparation, recours aux transports en commun "avec port du masque et respect de la distanciation physique"(2).
✅ La mobilisation de plusieurs associations autour de France Assos Santé, et la lettre ouverte de Renaloo au Premier Ministre ont permis qu’une dérogation à ce principe de retour généralisé sur site soit introduite pour les personnes « à très haut risque médical ».
La liste des personnes vulnérables établie par le HCSP en mars, puis remise à jour en avril, a été élaborée à partir des données très limitées qui étaient disponibles à l’époque.
Nous disposons aujourd’hui de connaissances plus importantes. On sait désormais que certaines pathologies ou traitements n'entrainent finalement pas de risque vis-à-vis du Covid19. Inversement, d'autres pathologies initialement absentes de la liste du HCSP sont associées à un risque important (c’est par exemple le cas de l’insuffisance rénale sévère).
✅ Il est donc nécessaire que cette liste soit remise à jour, sur la base des connaissances désormais disponibles, afin de s'assurer que toutes les pathologies entrainant un risque élevé en fasse bien partie, et, en miroir, que celles pour lequel il s'avère finalement mineur en soient retirées. En l’occurrence, de tels critères « d’extrême vulnérabilité » ont été établis dans d’autres pays, notamment au Royaume-Uni par le NHS et aux Etat-Unis par les CDC.
Le HCSP n'ayant pas souhaité définir de tels critères en France, le Ministère de la santé a demandé aux associations de patients qui s’étaient manifestées de formuler dans un délai très court (quelques heures) des propositions. De façon collective, nous avons proposé :
➡️ une liste identique à celle du NHS, à laquelle nous avons ajouté plusieurs pathologies (dont l'insuffisance rénale…) ainsi que la notion de cumul de plusieurs facteurs de risques (par ex IMC, diabète, âge, maladie rare, etc.), sur avis médical.
➡️ le maintien des dispositifs de protection pour les proches cohabitant avec ces personnes « à très haut risque ».
Nous avons pris connaissance de la liste définitive lors de la parution du décret du 29 août.
✅ Même si de nombreuses questions(2) restent en suspens, nous nous réjouissons, pour les patients insuffisants rénaux que nous représentons, que la dialyse, la greffe et désormais (c’est nouveau !) l’insuffisance rénale sévère en fassent partie.
✅ En revanche, nous sommes très réservés sur l’exclusion de certaines pathologies pourtant associées à un risque élevé avéré : par exemple obésité morbide, certaines affections cardiaques ou respiratoires, ou le cumul de facteurs conduisant à un risque global qui peut être très important.
✅ Nous regrettons également vivement l’exclusion des proches cohabitant avec les personnes vulnérables. A défaut de télétravail possible, ils vont devoir reprendre le travail en présentiel et risquer de « ramener le virus à la maison ». Nous sommes en contact avec nombre d’entre eux, terrifiés à cette perspective.
Pour justifier sa position, le HCSP indique que le travail en présentiel ne présente pas plus de risque de contamination que de d’autres lieux, mais semble ignorer à la fois ces inquiétudes et le fait que beaucoup de ces personnes, vulnérables ou proches de vulnérables, sont restés en confinement total depuis tous ces mois.
✅ Cette absence de prise en compte de la vraie vie des personnes malades et de leur entourage est symptomatique de l’inadaptation de la méthodologie employée : alors que ce dossier est sur les rails depuis plus de deux mois, aucun contact, aucun échange n’a été possible avec le HCSP, malgré nos tentatives et nos courriers restés sans réponse. Cette institution ne comporte en outre aucun représentant des usagers, les plus à même de faire état de ce que vivent concrètement les personnes fragiles en raison de leur état de santé.
➡️ De telles interactions auraient pourtant été nécessaires, pour permettre une co-construction entre scientifiques et personnes malades, plutôt que de demander aux associations de patients de « pondre » une liste de pathologies à très haut risque 48 heures avant la publication du décret, pour finalement n’en retenir qu’une partie, sur des critères obscurs et sans doute au moins partiellement contestables.
✅ Même s’il est important que des associations de patients aient pu contribuer à ce chantier – elles ont d’ailleurs été les seules à s’y intéresser et ont de façon certaine permis de "limiter les dégâts » ! – nous déplorons, une fois encore, l’absence de dialogue entre les parties prenantes, qui est un préalable nécessaire à l’exercice de la démocratie sanitaire. Un chantier de cette nature aurait mérité qu’un espace d’échange avec l’ensemble des représentants des personnes à haut risque soit créé.
✅ Pour finir, l’objectif de Renaloo n’est évidemment pas d'éloigner systématiquement de leurs lieux de travail les personnes vulnérables, dans l’attente de la mise au point d’un vaccin ou d’un traitement.
Beaucoup de nos adhérents ont du reste repris en présentiel depuis le déconfinement(4) et ils sont nombreux à en être satisfaits.
➡️ Il s’agit de permettre à chaque personne vulnérable de vivre au mieux avec le virus et les risques individuels qu’elle encourt afin qu'elle puisse trouver, au travail, en télétravail, ou via le maintien en isolement, les conditions de sécurité et de sérénité adaptées à sa santé.
Un dossier complexe qui est donc bien loin d’être clos.
(1) Ecrite à une période où on dénombrait environ 500 cas de Covid19 diagnostiqués chaque jour en France. Ils sont désormais plus de 5000.
(2) Or on sait que la distanciation n'est plus garantie dans les transports, notamment aux heures de pointe. De plus, des opérateurs comme la RATP ont renoncé récemment à la règle "un siège sur deux"
(3) Nos associations ont d'ores et déjà demandé aux Ministères de la Santé et du Travail : l'obligation de télétravail (lorsqu'il est possible) pour toutes les personnes vulnérables (anciens critères) et leurs proches vivant sous le même toit ; un accès prioritaire dans des délais garantis au médecin du travail pour toutes les personnes vulnérables et leurs proches amenés à reprendre en présentiel ; la possibilité de prise en charge de moyens de transports alternatifs aux transports en commun lorsque les garanties nécessaires en termes de distantiation physique ne sont pas réunies ; une interdiction de licenciement, sur le modèle du dispositif de protection des femmes enceintes, pour les salariés vulnérables et leurs proches.
Renaloo considére également que la liste des personnes "à très haut risque" doit être établie sur la base d'une démarche scientifique incontestable et que le décret doit être modifié dans ce sens.
(4) Selon notre enquête dont les résultats ont tout récemment été publiés par le Bristish Medical Journal, sur les 2000 personnes vivant avec une maladie rénale participantes (dont 20% de personnes dialysées et 60% de personnes transplantées) la moitié, soit environ un millier, avaient une activité professionnelle.
90% d'entre elles ont été éloignées de leur lieu de travail durant le confinement (télétravail, chômage partiel, ASA, etc.), mais début juillet 2020, 40% avaient repris une activité en présentiel.
2 Commentaires
Bonjour,
Je travaille auprès d’enfant déficient intellectuel dont la distanciation physique est difficile. Mon médecin m’a fournit une attestation pour ne pas reprendre le travail et continuer à percevoir le chômage partiel. Or, ma direction me demande un arrêt de travail.
Que faut il fournir à mon employeur ?
Merci
Bonjour, si vous êtes dans une des situations évoquées dans le décret, c’est un certificat qu’il faut produire et qui vous permet d’accéder au chômage partiel. Pas d’arrêt de travail dans ce cas.