Profondes inquiétudes pour le plan greffe face à la crise de l’hôpital
A quelques jours du 22 juin 2022, Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, Renaloo souhaite alerter sur les conditions de mise en oeuvre du nouveau plan greffe.
En mars dernier, ce 4e plan greffe, ambitieux et doté de moyens, était annoncé, suscitant la satisfaction des associations qui avaient milité en sa faveur, et en particulier de Renaloo.
Trois mois plus tard, et alors que la greffe a payé un lourd tribut à la crise sanitaire, nous sommes très inquiets de l’absence d’avancée visible, dans le contexte dramatique de la crise de l’hôpital.
✅ Pire : les signaux particulièrement alarmants se multiplient.
Nous sommes notamment alertés par des patients du CHU de Toulouse, réputé comme un des plus dynamiques de France en matière de greffe rénale de donneurs vivants.
Des délais déraisonnables d’organisation de leurs greffes de donneurs vivants leurs sont annoncés, allant parfois jusqu’à 2024. Jusqu’à une date récente, ces greffes étaient réalisées en trois à six mois.
➡️ Ce retard, s’il est confirmé, aura des répercussions importantes sur leur santé et sur leur vie. Il leur fera courir le risque que leur greffe fonctionne moins bien et moins longtemps, et entrainera des surcoûts considérables pour notre système de santé : un mois de dialyse coûte plus de 5000€ à l’Assurance Maladie.
➡️ Il obligera aussi certains d’entre eux à passer par la dialyse, qu’ils auraient dû éviter. On rappelle que la greffe préemptive, sans passer par la dialyse, est la meilleure stratégie de traitement.
➡️ Cette situation est en outre bien peu respectueuse de la générosité de leurs donneurs vivants, qui souhaitent en donnant un de leurs reins sauver et améliorer sans délai la vie de leur proche.
✅ Le CHU de Toulouse n’est pas un cas isolé : en raison de manque de personnels ou faute d’accès aux blocs opératoires, des listes d’attentes longues se mettent en place dans d’autres équipes. Certaines de ces greffes de donneurs vivants, pourtant programmées dans les prochaines semaines, se voient annulées et reportées « à une date ultérieure ».
Cette situation inédite est en contradiction totale avec les objectifs du plan greffe, qui prévoit justement d’augmenter les greffes de donneurs vivants, en déclin en France depuis 2017 et dont le nombre est très inférieur à celui observé chez certains de nos voisins.
Au-delà de la greffe de donneurs vivants, on peut aussi craindre que les tensions à l’hôpital aient des répercussions fortes sur l’activité de prélèvement sur les donneurs décédés, dont les filières impliquent directement les services d’urgence et de réanimation.
Le plan greffe prévoit le renforcement des équipes de prélèvement et de greffe par des IPA (infirmiers de pratiques avancées). Or, on apprend que ces renforts indispensables ne seront finalement pas disponibles au mieux avant 2024 ! Afin d’éviter de perdre ces années cruciales, ces postes doivent être sans attendre pourvus par des infirmiers « classiques ».
✅ Ces constats posent des questions importantes quant au respect par les hôpitaux du statut de priorité de service public hospitalier accordé à la greffe par la loi de bioéthique de 2004. Alors que l’activité devrait être sanctuarisée, dans les faits, elle fait partie des toutes premières qui sont sacrifiées en situation de tension.
✅ Dans cette période de crise profonde, les activités de soin qui, comme la greffe, ne peuvent juridiquement être réalisées que dans les CHU ne devraient-elles pas être au contraire systématiquement priorisées par rapport à celles qui peuvent être déportées dans le secteur privé ?
➡️ Alors que les ARS doivent jouer un rôle clé dans le pilotage du plan, au plus près du terrain, via des référents greffe dans chacune d’entre elles, il semble qu’aucun d’entre eux n’ait à ce jour été nommé.
➡️ L’Agence de la biomédecine elle-même confirme son impuissance pour débloquer les situations difficiles dans les hôpitaux, ou pour assurer que les financements fléchés sur la greffe ne disparaissent plus dans la globalité du budget hospitalier.
Ce pilotage défaillant du plan, au plan national et régional, nécessite des décisions rapides, faute de quoi les risques seront grands qu’il soit, comme le précédent, un échec total.
✅ Nous demandons instamment au Président de la République et à la Ministre de la Santé de se saisir en urgence de ce sujet pour lui apporter une impulsion politique forte.
Il faut une révolution pour la greffe, elle est désormais esquissée sur le papier, elle doit sans attendre être menée à bien, avec la plus grande détermination.
✅ D’autres pays font beaucoup mieux : le plaidoyer de Renaloo pour la greffe
L’Espagne est la « championne mondiale » du prélèvement sur donneurs décédés, avec 48,9 donneurs par million d’habitants (pmh) en 2019, contre 27,9 pmh en France. Les délais d’attente n’y excèdent pas quelques mois, alors qu’ils se comptent en années dans l’hexagone. La Catalogne, meilleure région d’Espagne, atteint le taux impressionnant de 109,9 pmh, quatre fois supérieur à celui de la France, sans aucune dégradation de qualité : les résultats des greffes catalanes et françaises sont analogues.
De son côté, le Royaume-Uni a développé fortement le don de rein du vivant, qui y représentait en 2019 30% des transplantations rénales, contre seulement 14 % en France.
Renaloo a mené une étude approfondie sur les succès de ces deux pays afin d’en comprendre les ressorts. Dans les deux cas, pas de hasard : des décisions politiques fortes ont été prises pour les rendre possibles, associées à des moyens financiers et humains et à une priorisation effective de l’activité. Les investissements correspondants ont permis des économies considérables par la réduction du recours à la dialyse.
Ainsi, selon une autre étude réalisée par Renaloo à partir de données récentes de l’Assurance Maladie, si la France s’alignait sur la Catalogne, 6.200 greffes rénales pourraient être réalisées en 2025.
Sur 5 années, les économies réalisées s’élèveraient à près de 200 millions d’€.
> Voir notre tribune, co-signée par plusieurs des plus grands experts français en transplantation, “Il faut une révolution pour le quatrième plan greffe”
2 Commentaires
Le problème du système hospitalier français se situe à plusieurs niveaux : le manque total de pragmatisme des autorités quelles qu’elles soient, le soucis des administrations et des syndicats de garder leurs prérogatives et leur pouvoir d’action et de nuisance et le refus de nos responsables d’adopter des méthodes qui même si elles fonctionnent ailleurs ont le tord de ne pas être le résultat de leurs seules réflexions fécondes. Le mal français depuis plus de 40 ans.
Bonjour
Serions nous aussi aussi mauvais que cela pour ne pas atteindre les résultats de la Catalogne.
Les efforts financiers de l’Etat afin d’atteindre ces objectifs ne peuvent-ils être réalisés par nos Hôpitaux
La vocation à-t-elle disparu au profit du privé.
Je me sens démuni face aux problème de mon épouse et ma démarche quand à lui donner un de mes reins me fait douter de ma poursuite