Réforme des ALD : la lettre ouverte de 25 associations de malades chroniques au ministre de la santé
Monsieur le Ministre,
Nous nous adressons à vous au nom des malades chroniques que nous représentons et de tous les patients en affection de longue durée (ALD), que vos récents propos sur l’opportunité “d’interroger la pertinence” de ce dispositif ont profondément inquiétés.
L’ALD est l’un des mécanismes-clés de notre système de santé solidaire, qui permet à toutes les personnes nécessitant un traitement prolongé et particulièrement coûteux d’accéder aux soins dont ils ou elles ont besoin, quelles que soient leurs capacités financières. Nous ne pouvons assister à la menace de démantèlement de cet édifice sans réagir, alors que les mesures visant à augmenter la participation financière des patients se multiplient. Le doublement des franchises médicales, qui entrera en vigueur à compter du 31 mars, et la baisse du remboursement des soins dentaires, passé de 70 à 60 % le 15 octobre dernier, sont encore dans tous les esprits.
Le discours ambiant laisse à penser que certains patients abusent du système avec l’aide de médecins complaisants, afin d’obtenir un remboursement à 100% de toutes leurs dépenses de santé. Les chiffres de l’Assurance Maladie montrent combien cette image est loin de la réalité. Le reste à charge moyen supporté par les patients en ALD est pratiquement deux fois plus élevé que celui du reste de la population (772€ après remboursement par l’Assurance maladie obligatoire contre 440€)[1]. Pour certaines pathologies comme les cancers, cela peut aller jusqu’à 900€, dont 700€ de dépenses sans lien avec l’ALD[2].
Au contraire, nombre de malades doivent payer de leur poche des soins pourtant directement liés à leur maladie principale ou aux effets indésirables des traitements reçus. C’est le cas, par exemple, des soins bucco-dentaires[3] et des soins de la peau chez les patients traités pour un cancer, des pathologies rhumatismales, etc.
A cela s’ajoute le fait que les patients en ALD doivent fréquemment arrêter ou réduire leur activité professionnelle en raison du poids de la maladie, parfois de façon définitive. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un proche-aidant fasse de même pour pouvoir les accompagner. Cela installe déjà beaucoup de familles dans une situation de grande précarité financière.
Nous refusons d’être désignés à la vindicte populaire comme responsables des déficits du système de santé, de nous excuser d’être de plus en plus nombreux, d’être de plus en plus malades. Ce n’est pas dans les poches des patients, le maillon le plus fragile de la chaîne, qu’il faut chercher cet argent. Les possibilités d’économies existent et sont massives, mais elles supposent de s’opposer à la financiarisation du système de santé, de changer nos pratiques de soins et notre approche à la santé en général. La lutte contre la croissance vertigineuse des prix des médicaments, la pertinence des soins, qui permet de soigner mieux et moins cher, ou l’investissement dans la santé publique et la prévention, pour réduire le nombre et l’impact des maladies chroniques, sont des pistes de travail qui nous paraissent plus pertinentes.
Monsieur le Ministre, la vie des malades chroniques ne peut se débattre et se décider sans eux. Nos associations vous demandent donc de bien vouloir les recevoir dans les meilleurs délais, afin qu’une réelle consultation s’ouvre avec et pour les patients.
Vous remerciant pour l’attention que vous voudrez bien accorder à notre demande, nous vous prions d’accepter l’expression de notre considération la plus distinguée.
Associations signataires :
Aider-à-aider ANDAR #ApresJ20 Covid Long France Association Française des Hémophiles Association France Spondyloarthrites Cancer Contribution Cerhom Collectif 1310 Collectif Triplettes Roses Corasso Diabète et méchant ELLyE Etincelle | Europa Donna France Fédération CAIRE JurisSanté La Niaque Life Is Rose Mélanome France OSE Patients en réseau Renaloo RoseUp Vivre comme avant Vivre sans Thyroïde |
[1] Études et Résultats, DREES, décembre 2022
[2] Études et Résultats, DREES, janvier 2021
[3] Des complications buccales se produisent chez près de 40 % des patients qui subissent une chimiothérapie et chez environ 80 % de ceux qui ont une greffe de cellules souches : https://www.tlls.org/sites/default/files/National/USA/Pdf/Publications/FS29F_Dental_and_Oral_Complications_of_Cancer_Treatment_FINAL.pdf