Sortir d’une prise en charge à 100% dans le cadre d’une ALD pour vivre comme avant la maladie ?
Sortir d’une prise en charge à 100% dans le cadre d’une affection longue durée (ALD) pour vivre comme avant la maladie ? Associations et patients sont plutôt réservés sur l’efficacité d’une telle mesure.
Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) : «Nous sommes d’une extrême prudence devant ce projet. Nous avons le sentiment que c’est une brèche dans les ALD, un système qui protège bien les malades chroniques. On se dit que cette brèche est inquiétante pour ceux qui n’ont pas de mutuelle – plus de 5 millions de personnes. On nous rétorque que l’idée de départ a été inspirée par les patients eux-mêmes, fatigués d’être stigmatisés par le qualificatif de cancéreux, voire d’ex-cancéreux. C’est vrai. Mais que se passe-t-il ? Par exemple, en 2007, il y avait eu la mise en place de la convention Aeras , pour que les anciens malades puissent s’assurer normalement. Qu’est-ce que cela a changé ? De nombreux anciens malades sont toujours victimes de fortes discriminations de la part des employeurs, assureurs et banquiers. Les pouvoirs publics nous disent qu’en attestant et en validant la guérison par cette fin de prise en charge, les personnes concernées pourront obtenir un accès plus facile aux garanties et aux crédits. Le gouvernement compte sur l’impact psychologique que cette décision pourrait avoir. Mais nous n’y croyons pas. Les assurances continueront à être réticentes. A quoi bon alors sortir de l’ALD si rien ne change ?»
Catherine Cerisey, la Maison du cancer : «L’idée initiale aurait pu séduire : réinsérer les patients sans changer leur prise en charge, tout en réduisant les coûts. Il semble malheureusement que ce “post-ALD” n’aura aucun impact ni sur la vie des malades, ni même sur le budget de la Sécurité sociale. C’est une belle mesure qui risque de se transformer en un coup d’épée dans l’eau.»
Denise Audidier, ancienne présidente de l’association Vivre comme avant : «C’est notre souhait, “vivre comme avant”, “être guéri”. Mais ce n’est pas si simple et toutes les histoires ne se ressemblent pas. Ce qui me fait un peu peur dans cette mesure, c’est qu’elle soit trop générale et pas adaptée à la personne. Moi, j’ai eu mon cancer du sein il y a plus de vingt ans. Tout va bien, et je me considère comme tout le monde, comme avant. Mais d’autres patientes ont besoin d’être accompagnées, cinq, dix ans. Sortir de la catégorie ALD, c’est évidemment un élément positif. Mais il faut que la personne n’y soit pas de sa poche. Dans notre cas, il faut penser aux remboursements des prothèses, mais aussi des soutiens-gorge pour celles qui ont été opérées. Vont-elles payer ? Ensuite, le grand défi, c’est que la personne soit réinsérée complètement, y compris dans son travail. Il faut que tout le reste suive. Et que cela ne soit pas qu’une décision administrative.»
D’après ERIC FAVEREAU, Libération du 9 juin 2010