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Télévision : Clones et clowns

8 janvier 2003, Le Monde

Aldous huxley avait déjà pressenti l’essentiel en 1932 dans Le Meilleur des mondes.La possibilité de créer des êtres humains sans passer par la méthode ancestrale, ses techniques rudimentaires et ses plaisirs éprouvés, va changer radicalement la société et même l’humanité tout court. Huxley, qui était pessimiste, peut-être parce qu’il écrivait en pleine montée du fascisme en Europe, voyait un monde futur peuplé d’esclaves biologiques produits en série et travaillant au service d’une sorte de race de surhommes. On peut tout aussi bien envisager un avenir moins sombre. Le débat animé par Arlette Chabot lundi soir sur France 2 n’a malheureusement pas permis de dissiper cette terreur panique qui saisit beaucoup de gens dès lors qu’est évoquée cette mutation prévisible de l’espèce humaine. “Mots croisés” reste une excellente émission, mais la confusion règne et les esprits ne sont probablement pas encore prêts à accueillir sereinement ce bouleversement imminent, voire, si les raéliens ne bluffent pas, déjà intervenu.
On résume ces échanges passionnants mais confus pour ceux qui avaient zappé, voire, les bienheureux, pour ceux qui dormaient déjà. Il était tard, en effet, quand, après les horreurs du Prestige,ses galettes baladeuses et visqueuses, on en est venu à l’autre grande affaire de ces dernières semaines : la naissance, annoncée en Floride par la secte des raéliens, mais toujours pas confirmée, du premier clone humain.

Bernard Kouchner et René Frydman défendent la position franco-allemande telle qu’elle a été exposée, sans grand succès, à l’ONU : non au clonage reproductif (la naissance de bébés nés du clonage d’un être humain), oui au clonage thérapeutique (la fabrication de tissus susceptibles par exemple de régénérer le foie ou la moelle épinière). L’ennui, c’est que les Etats-Unis, le Vatican et quelques autres entités ont choisi, devant l’ONU, de tout refuser, le thérapeutique comme le reproductif, tuant dans l’œuf, si l’on ose dire, toute législation internationale dans ce domaine. On est donc en plein vide juridique, ce dont profitent les raéliens, secte cosmique et comique, dirigée par un Auvergnat allumé qui a monté sa cabane et sa boutique entre Canada et Floride. Je sais, elle est facile, mais il faut conclure. Chez Chabot, lundi soir, il ne fallait pas confondre les clones et les clowns.

Dominique Dhombres

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