Un greffon cardiaque change de profil antigénique

11 mai 2004, Le Quotidien du Médecin

Près de 5 ans après la greffe d’un cœur du groupe B chez un jeune homme de groupe O, aucun antigène B n’était détectable au sein des cellules endothéliales vasculaires du greffon. Cette observation, rare chez l’adulte, pourrait s’expliquer par des troubles de la fonction immunitaire.

DANS LE TISSU cardiaque, il est possible de détecter des antigènes ABH – où H représente les antigènes des sujets du groupe sanguin O – au sein de l’endothélium, l’épicarde et l’endocarde. La greffe de cœurs ABH incompatibles se traduit dans la grande majorité des cas par une réaction de rejet aiguë. Seulement les nouveau-nés et les enfants dont le système immunitaire n’est pas mature tolèrent de façon prolongée ce type de greffe. Chez l’adulte, 8 cas de greffe incompatible ont été rapportés et deux de ces patients ont survécu plus de 2 mois (l’un 12 mois, l’autre 26).

Des chirurgiens cardiaques suisses ont transplanté par erreur un cœur du groupe B à un patient du groupe O. Le jeune hélvète de 19 ans transplanté souffrait d’une insuffisance cardiaque sévère en rapport avec un syndrome d’Ivemark (cœur univentriculaire congénital, situs inversus et asplénie). Il a survécu pendant 44 mois à la transplantation incompatible. Son décès a été attribué à l’existence d’une atteinte vasculaire du transplant due à un mauvais suivi du traitement antirejet.

Au cours de la période de suivi, 17 prélèvements myocardiques ont été effectués. Au décès, les investigateurs ont procédé à une analyse histologique du greffon. Ils ont recherché sur tous ces prélèvements l’existence d’antigènes B et H par une méthode particulièrement sensible (PolyMica). Dans le même temps, ils ont recherché la présence d’anticorps anti-B dans le sérum. Immédiatement après l’intervention, des IgG et IgM anti-B ont été détectés, mais leur concentration s’est révélée inférieure à celle qui existait avant la transplantation. Cette constatation est liée à l’existence d’un traitement antirejet efficace et à des procédures d’immunoadsorption extracorporelle.

Le profil antigénique des cellules endothéliales.
« Nous avons retrouvé une modification progressive et complète du profil antigénique des cellules endothéliales du greffon : du groupe B, du donneur, elles sont progressivement passée au groupe O (antigènes de type H), du receveur. Pendant une période qui a duré entre le 14e et le 30e mois après la transplantation, les deux types d’antigènes B et H étaient présents au sein des prélèvements myocardiques », analysent les auteurs. La baisse des antigènes B qui s’est produite à partir du 11e mois a précédé l’apparition d’antigènes H de quelques mois. Si ces antigènes ont été retrouvés pour la première fois dès le 14e mois, ce n’est qu’à partir du 24e mois que leur taux s’est élevé de façon notable au niveau des capillaires. Dès le 36 e mois et jusqu’au 44e, il n’était plus possible de détecter d’antigènes B.
Pour le Dr Simon Koester (Berne), « cette observation, que l’on peut rapprocher de celles rapportées chez des enfants transplantés avec des organes ABH incompatibles, pourrait s’expliquer par une réponse immunitaire anormale en rapport avec l’asplénie dont le patient était atteint ».

Dr I.C.

« Lancet », vol. 363, pp. 1523-1525, 8 mai 2004.