Une cornée biosynthétique plus fonctionnelle que les allogreffes
2 décembre 2003, Le Quotidien du Médecin
Une matrice synthétique composée de collagène et de copolymère semble posséder toutes les propriétés nécessaires au remplacement d’une cornée endommagée. Le résultat serait plus satisfaisant que les allogreffes, puisque la réinnervation de l’implant semble possible.
Des Canadiens ont peut-être trouvé une alternative à la greffe de cornée avec donneur. Ils ont en effet réussi à synthétiser une matrice hydratée qui peut se substituer aux tissus cornéens endommagés. Cette matrice possède des propriétés physiques et optiques similaires à celles de la cornée humaine. En outre, implantée chez un cochon, la matrice permet la reconstruction des trois couches cellulaires caractéristiques d’une cornée normale (l’épithélium, le stroma et l’endothélium) et, surtout, l’innervation de cette structure.
La matrice de Li et coll. (université d’Ottawa, Institut de l’oeil, Ottawa, Canada) a été conçue pour imiter la matrice extracellulaire de la cornée humaine : elle contient du collagène et des copolymères (TERP5) synthétisés à partir de N-isopropylacrylamide.
Ces polymères ont la propriété de permettre la croissance de cellules à leur surface. Comme une véritable matrice extracellulaire élaborée in vivo par les cellules d’un organisme, la matrice synthétique forme un microenvironnement capable de stimuler la croissance et la différenciation ou le maintien des cellules avoisinantes.
Cette matrice est aussi transparente et perméable qu’une cornée naturelle. Elle adopte une courbure et des dimensions permettant son implantation. Elle est suffisamment robuste pour pouvoir être suturée sans craquer ou se déchirer.
Différents tests menés in vitro ont démontré que cette matrice permettait la formation d’un épithélium à sa surface et que des cellules nerveuses pouvaient y croître. Li et coll. ont alors tenté de greffer leur substitut cornéen chez des porcs miniatures. Ils ont comparé l’efficacité de cette greffe avec l’efficacité d’une allogreffe de cornée.
L’implant synthétique et l’allogreffe ont été bien tolérés par les porcs greffés (aucune inflammation, ni aucune réaction immunitaire n’a été observée à l’issue de l’intervention chirurgicale) et sont restés parfaitement transparents. Vers le quatrième ou le cinquième jour postopératoire, l’implant et l’allogreffe étaient tous deux recouverts d’un épithélium. Au bout d’une semaine, cet épithélium possédait l’intégralité de ses propriétés de « barrière ». Cinq semaines plus tard, l’épithélium était toujours intact et bien attaché.
De plus, l’analyse du stroma de la matrice synthétique, trois semaines après son implantation, a révélé la présence de cellules nerveuses, stromale et endothéliale. Les allogreffes, elles, ne permettent pas, même en six semaines, d’obtenir une réinnervation du tissus.
Ainsi l’implantation d’une matrice de collagène et copolymère synthétisée par Li et coll. semble aboutir, non pas à un aussi bon résultat qu’une allogreffe, mais à un résultat bien plus satisfaisant, puisque la réinnervation de l’implant semble possible.
Tout laisse à penser que cette nouvelle matrice pourrait être utilisée en médecine réparatrice chez l’homme. Elle permettrait non seulement de régler le problème soulevé par le déséquilibre entre le nombre actuellement croissant de demandeurs de greffe de cornée et le nombre de donneurs, mais aussi d’améliorer la qualité du résultat de la greffe, puisqu’une innervation des implants pourrait être obtenue.
Elodie BIET