Une incroyable chaîne de dons croisés aux USA : 60 personnes, 30 greffes réalisées !
La greffe rénale a fait la couverture du New York Times du dimanche 19 février 2012.
L’article est intitulé : “60 vies, 30 reins, tous liés…”. Il est illustré par la mosaïque des portraits des donneurs et des receveurs…
D’un côté Rick, de l’autre Donald
Tout commence avec l’histoire de Rick Ruzzamenti, qui admet être un impulsif. Converti au bouddhisme, il a épousé une vietnamienne qu’il venait à peine de rencontrer. Et puis, en février 2011, il a soudain décidé de donner un rein à un inconnu. Rick est devenu ce qu’on appelle un “bon samaritain”.
A l’autre bout du pays, Donald C. Terry Jr était alors dialysé depuis un peu plus d’un an. Personne dans son entourage ne pouvait lui donner le rein dont il avait désespérément besoin. L’état de Donald se dégradait rapidement en raison de son diabète et ses médecins l’avaient informés qu’il devrait attendre au moins cinq ans un rein de donneur décédé…
Pourtant, le 20 décembre dernier, il a reçu un joli greffon tout rose. Pas celui de Rick cependant, même si la décision de ce dernier a joué un rôle crucial. Entre le don de Rick et la greffe de Donald, ce sont pas moins de 58 autres personnes, donneurs et receveurs, qui ont rendu possible la plus longue chaîne de dons croisés jamais réalisée.
60 interventions ont eu lieu en tout, 30 prélèvements, 30 greffes. Rick était l’unique bon samaritain de la chaîne, il a permis de l’initier.
Une mise en oeuvre complexe
Ses autres participants étaient des “couples” donneur – receveur, pour lesquels un don direct n’était pas possible pour des raisons de compatibilité.
Un algorithme a associé les “bons” donneurs, aux “bons” receveurs… 17 hôpitaux situés dans 11 états distincts ont été impliqués. Les donneurs n’ont pas voyagé, ce sont les greffons ont été envoyés aux quatre coins du territoire américain, par la route ou par les airs. Pour des raisons d’organisation évidentes, les interventions n’ont pas toutes eu lieu simultanément, ni même de manière séquentielle.
Et l’exploit a été réalisé. Il a nécessité plusieurs mois et quelques ajustements. La chaîne a été temporairement “brisée” à plusieurs reprises, lorsqu’un donneur s’est désisté, qu’un receveur s’est révélé être un immigrant clandestin, etc. Mais au total, des solutions ont pu chaque fois être trouvées pour qu’elle puisse se poursuivre. Elle a aussi été à l’origine d’une love story : un donneur et une receveuse (pas du même rein !) ont fait connaissance à l’occasion de leur convalescence et filent désormais le parfait amour…
Un registre, un algorithme…
L’article revient également sur l’organisation qui en est à l’origine, le « National Kidney Registry » ou plutôt sur son créateur, Jan Hil.
Ce père de famille a été confronté en 2007 à la maladie génétique de sa fille de 11 ans, la conduisant en dialyse. Ses deux parents étaient volontaires pour lui donner un rein mais malheureusement elle avait développé des anticorps rendant ces greffes impossibles… Jan Hill s’est dit que d’autres personnes devaient vivre cette situation douloureuse, que d’autres patients devaient avoir dans leur entourage des donneurs vivants potentiels mais non compatibles.
Et qu’il y avait sans doute un moyen de leur proposer une solution.
C’est ainsi qu’il a créé son registre, mis en place un algorithme visant à apparier de manière optimale les donneurs et les receveurs qui y sont inscrits. Jan Hill a aujourd’hui convaincu 58 des 256 centres de transplantation du territoire américain d’y participer en inscrivant des candidats. En 2011, il a permis la réalisation de 175 greffes…
Rendre les greffes possibles ou améliorer l’appariement
Fait intéressant, un couple donneur receveur parfaitement compatible a également participé à cette chaîne.
Joséphine Bonventre, agent immobilier de Toronto, de groupe O (donc donneuse universelle) devait donner son rein à son cousin Cesare, 27 ans, de groupe B. Cette greffe était tout à fait possible, même si Joséphine et Cesare n’avaient qu’un seul antigène HLA en commun. Mais lorsque Joséphine a appris que l’algorithme pouvait permettre à Cesare de recevoir un greffon avec une meilleure compatibilité HLA (3 antigènes), elle n’a pas hésité une seconde.
Portraits croisés
L’article évoque également les parcours de plusieurs des participants à cette chaîne, donneurs et receveurs. Des histoires de vie et d’amour singulières et souvent uniques qui ont rendu possible une telle réussite…
Voir la “chaîne” dans son ensemble sur le site du NY Times.
Une organisation perfectible
Pourtant, l’organisation des dons croisés aux USA reste imparfaite. Bien que le succès de ces chaînes repose sur le nombre de donneurs et de receveurs y participant, il n’existe pas de registre unique sur l’ensemble du territoire. Des questions d’égo entre les médecins, de concurrence entre les hôpitaux et de manque de coordination… La plupart des initiatives sont privées.
Une conférence doit avoir lieu en mars 2012 pour parvenir à un consensus sur les dons croisés (en particulier des critères de choix retenus dans les algorithmes) et, qui sait, à une unification du système…
Et en France ?
Rappelons qu’en France, les dons croisés sont “autorisés” depuis la révision de la loi de bioéthique de juillet 2011.
Il y a à l’heure actuelle de nombreuses raisons pour qu’une chaîne d’une telle ampleur ne puisse pas exister dans notre pays :
- le texte de loi limite le don croisé à trois couples donneur – receveur et impose la réalisation des intervention sur 24h
- Le don “non dirigé”, réalisé de façon anonyme, reste à ce jour interdit
Pour les familles potentiellement concernées par ce type de dons, il ne reste donc plus qu’à patienter… et à espérer !
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