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Une première grossesse obtenue après réimplantation de tissus ovariens congelés

4 juillet 2004, Le Monde

Cette technique permet de procréer après un traitement anticancéreux.

Fin septembre ou début octobre, une femme belge âgée de 32 ans devrait donner naissance à un enfant qui, sans un exploit médical hors du commun, n’aurait pas vu le jour. Les détails de cette première ont été rendus publics mercredi 30 juin à Berlin, où vient de s’achever la 20e conférence de la Société européenne d’embryologie et de reproduction humaines.

“Il s’agit de la première grossesse intervenue après transplantation de tissus ovariens congelés avant une chimiothérapie anticancéreuse”, a souligné à Berlin Marie-Madeleine Dolmans (université catholique de Louvain), qui a participé à ce projet dirigé par le professeur Jacques Donnez, directeur du département de gynécologie et d’andrologie aux Cliniques universitaires de Saint-Luc de Bruxelles.

Les premières informations médicales sur ce dossier avaient été données fin avril par le professeur Donnez alors que la grossesse en était à sa quinzième semaine (Le Monde du 28 avril). Le spécialiste belge avait expliqué avoir pris en charge, en 1997, une femme alors âgée de 25 ans et souffrant d’une maladie de Hodgkin, un type de leucémie pour lequel on dispose aujourd’hui de traitements très efficaces. Associant des séances de chimiothérapie et de radiothérapie, ces traitements ont toutefois pour conséquence presque systématique de rendre les patientes stériles.

C’est pour tenter de prévenir cette stérilité que le professeur Donnez et son équipe proposèrent à la malade le prélèvement d’un fragment de l’un de ses ovaires, fragment contenant des ovocytes immatures. Ce tissu fut conservé par congélation dans l’azote liquide. L’équipe médicale souhaitait permettre à cette femme de ne pas perdre ses chances d’être mère lorsqu’elle serait guérie de la maladie de Hodgkin.

De fait, en février 2003, guérie de son cancer, la jeune femme a souhaité avoir un enfant. Conservé depuis six ans, le tissu ovarien fut décongelé avec succès puis greffé dans la région abdominale où il avait été prélevé. En juin 2003, cette femme retrouvait une fonction ovarienne normale, qui lui permettait de ne pas subir les effets d’une ménopause précoce, souvent induite par le traitement anticancéreux.

En janvier 2004, elle était enceinte. Depuis, les différentes échographies ont montré que l’embryon se développait normalement. L’équipe belge dispose aujourd’hui d’éléments qui démontrent que c’est bien le tissu ovarien greffé qui a produit l’ovocyte à l’origine de cette grossesse obtenue sans fécondation in vitro.

PAS ANODIN

” Nous sommes très intéressés par cette première, qui est hautement encourageante, explique le professeur René Frydman (hôpital Antoine-Béclère, Clamart). Les centres d’assistance médicale à la procréation sont souvent confrontés à ce type de situation où des femmes jeunes souffrant de maladie de Hodgkin souhaiteraient pouvoir ultérieurement concevoir. Or, le plus souvent, ces femmes n’ont pas de conjoint ou pas de conjoint avec lequel elles envisagent d’avoir un enfant, ce qui fait que nous ne pouvons pas leur proposer une fécondation in vitro et la conservation d’embryons par congélation.”

On estime qu’en 2010 une femme en âge de procréer sur 250 aura survécu à un cancer dont le traitement aura, si rien n’est fait, induit une stérilité et une ménopause précoce. La plupart des responsables des équipes spécialisées dans l’assistance médicale à la reproduction saluent l’exploit de l’équipe belge. Il marque selon eux une étape d’autant plus importante dans l’histoire de cette discipline qu’en dépit de nombreux travaux les biologistes ne parviennent pas à maîtriser la technique de congélation-décongélation des ovocytes.

Cette première relance aussi la controverse sur les procréations postménopause déclenchée il y a quelques années par le gynécologue-obstétricien romain Severino Antinori. La possibilité de conserver sur de longues périodes des tissus ovariens permet d’envisager de greffer ces tissus et les cellules sexuelles qu’ils contiennent après la survenue de la ménopause, dès lors que la femme souhaiterait retrouver une fonction ovarienne et pouvoir à nouveau procréer.

A l’annonce de la première médicale belge, plusieurs voix se sont élevées en Grande-Bretagne pour mettre en garde contre l’usage non médical qui pourrait être fait de la conservation par congélation des tissus ovariens. “Il faut rappeler qu’une telle technique n’est nullement anodine, puisqu’elle nécessite deux interventions chirurgicales, souligne le professeur Frydman. Pour autant, cette question ne pourra pas longtemps ne pas être soulevée.”

Jean-Yves Nau

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