Vers un dépistage ciblé de l’hépatite C à l’hôpital
27 juin 2003, Libération
La France «réfléchit très sérieusement» à un dépistage systématique de l’hépatite C chez certaines catégories de soignants et de malades. C’est ce qu’a annoncé hier Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé (DGS), lors d’une conférence de presse de l’Inserm.
Six cent mille porteurs du virus, dont plusieurs dizaines de milliers évoluent vers une cirrhose voire un cancer du foie ; contamination essentiellement par voie sanguine (qui explique le lourd tribut toujours payé par les toxicomanes) ; mais aussi traitements capables désormais de guérir 50 % des malades… L’hépatite C a livré beaucoup de ses mystères. La question de sa transmission nosocomiale reste plus floue : quels sont les actes médicaux potentiellement contaminants ? Quel est précisément le risque pour un soignant d’infecter son patient et vice versa ? Les mesures d’hygiène (matériel à usage unique, nouvelles règles de désinfection…) ont-elles été efficaces ? A la demande du directeur de la santé, «frappé ces derniers temps par le nombre de cas potentiellement contractés lors de soins», l’Inserm s’est livrée à un travail d’expertise.
Ravages. Résultats en demi-teinte. Parmi les bonnes nouvelles, la quasi-disparition des hépatites C transfusionnelles. «Depuis deux ans, il y en a moins d’une par an», se réjouit Françoise Roudot-Thoraval (hôpital Henri-Mondor, Créteil). Autre lueur d’espoir, la baisse de 40 % de l’incidence (nombre de nouveaux cas par an) depuis 1990. Les bémols sont cependant nombreux. Malgré cette chute des nouveaux cas, la maladie devrait faire de plus en plus de ravages jusqu’à 2030. Avec une augmentation des cirrhoses (2 000 par an en 2002, 2 800 prévues en 2022) et du nombre annuel de décès (3 300 en 2002, 4 500 prévus en 2022). Surtout, il reste des «poches de contamination» nosocomiales. Parmi les hépatites C identifiées en 2000-2001, plus de 15 % auraient été contractées lors d’un geste médical.
«Les hémodialysés sont une population à haut risque, avec une incidence annuelle de 0,5 %, précise Jean-Pierre Bronowicki (CHU de Nancy). La transmission se fait surtout de patient à patient, plus ou moins liée au non-respect des règles d’hygiène.» Des dépistages réguliers du virus chez les hémodialysés devraient être mis en place, suggère l’Inserm. Autres actes contaminants : les interventions chirurgicales et l’endoscopie digestive, mais aussi les actes d’anesthésie, les soins dentaires, les piercings et tatouages… «Les études dont nous disposons reflètent surtout le risque existant dans les années 80 (sous-entendu: avant les mesures de précaution sur le matériel médical, ndlr)», tempère Jean-Pierre Bronowicki.
«Modalités». Une chose est sûre, la probabilité pour un soignant infecté de contaminer son malade, par exemple lors d’un soin, est loin d’être négligeable. «Sur l’ensemble de sa carrière, le risque pour un chirurgien est de 1 à 10 %, estime Lucien Abenhaïm. Un à 10 %, c’est un risque que nous ne prenons pas dans d’autres domaines ! Il faut donc étudier les modalités d’un dépistage systématique chez certains soignants.»
Le DGS note enfin que l’imputabilité d’une hépatite C à une cause nosocomiale est «extrêmement difficile, voire impossible». Fortement sollicitée sur cette question par les associations de patients, dans le cadre de demandes d’indemnisation, les autorités sanitaires devraient prendre position dans les prochaines semaines.