Christian : débuter la dialyse en toute sérénité
Lorsque j’ai découvert le site de Yvanie, j’étais sur le point de débuter mes séances de dialyse. J’ai lu son témoignage émouvant avec beaucoup d’intérêt, et pas mal d’angoisse aussi, car elle a traversé avec courage des épreuves vraiment pas facile. Voilà maintenant un mois que je suis en dialyse, et j’ai moi aussi envie de raconter mon parcours; car ayant sans doute eu plus de chance que Yvanie, ceux qui me liront verront que le passage en dialyse peut être un peu moins difficile à vivre.
J’ai 40 ans et j’ai moi aussi une maladie de Berger. Elle s’est manifestée depuis l’école primaire, sous la forme de traces de sang dans mes analyses d’urine de la médecine scolaire. Mais personne n’a alors songé à être alarmiste et à me mettre sous cortisone, ouf j’ai évité cette galère. Beaucoup plus tard, la médeicine du travail a révélé que ces traces avaient tendance à augmenter (mais sans que cela n’induise un changement de couleur de mes urines). C’est donc grâce à un suivi médical régulier à mon travail que la vigilance a été maintenue, et qu’on a vu que mon cas valait qu’on s’en préoccupe.
En 95, j’ai subi une biopsie rénale, qui a permis de diagnostiquer la maladie de Berger. Dès lors, j’ai consulté mon néphrologue régulièrement (tout les six mois). L’évolution de ma maladie s’est accéléré à l’été 96, je pense à la suite d’une “tourista” carabinée, qui m’a mis à plat pendant quelques jours. J’ai vu alors apparaître des signes cliniques que mon médecin m’a dit être de mauvais présage : hypertension artérielle, augmentation de la créatinine. Il m’a à ce moment là prédit une évolution inexorable et un passage à la dialyse pour dans quelques années. J’ai depuis cette époque vécu avec l’idée de cette perspective peu réjouissante toujours présente dans un coin de ma cervelle. J’ai adopté un régime avec moins de protéines et allégé en sel, mais assez peu contraignant finalement, et j’ai fait attention d’avoir une bonne hygiène de vie (du sport et de la nourriture saine, plus de cigarette), sans pour autant m’interdire les excès de la fête de temps en temps. Et puis je suis passé à une périodicité de trois mois pour mes visites chez le néphrologue, et j’ai commencé progressivement à prendre des médicaments contre l’hypertension. Voilà, pas d’autre contraintes pour ces années 96 à 2002, donc rien de difficile ou d’insurmontable. A signaler quand même qu’en 2001, j’ai commencé à ne plus supporter le RENITEC, qui me donnait des diarrhées, ça a duré pas loin d’une année complète car on a mis du temps à se rendre compte que cela provenait de ce médicament.
Pendant ces années, voyant ma courbe de créatinine monter progressivement et connaissant l’issue que l’on m’avait promise, j’ai essayé de profiter le plus possible des voyages : La Réunion, le Japon, le Venezuela, l’Inde, souvent mobile et sac au dos pour en voir le maximum. Mi 2002, ma créatine ayant commencé à s’emballer sérieusement, et après en avoir discuté avec mon médecin, j’ai renoncé à un voyage en République Dominicaine qui était programmé en février 2003, et je suis en remplacement parti en Indonésie avec ma douce pendant 6 semaines, en Novembre et Décembre 2002, histoire de griller tous mes congés. Avec le recul, je vois que j’ai bien fait, et merci à mon médecin de m’avoir aidé à anticiper. En tous cas, nous avons passé des vacances géniales, j’étais physiquement encore en pleine forme et nous avons fait plein de choses.
Point de vue vacances, je me suis encore fait le plaisir d’une semaine au ski fin janvier 2003. Même si je sentais bien la fatigue et l’essoufflement, cette semaine a été plus du plaisir que du calvaire, comme quoi le corps s’habitue et qu’on peut vivre pas trop mal avec 600 µmol/l de créatinine.
Après ça, les choses ont été très vite, pendant le mois de février 2003. J’ai commencé à ressentir sérieusement la fatigue. Difficile de se lever le matin pour aller bosser, les journées qui paraissent longues, les yeux qui brûlent comme quand on a passé des nuits blanches à faire la java. Et bien sûr ce n’était pas le cas : 22h au lit comme les poules pour des nuits perturbées, alternances de courtes périodes d’un sommeil agité de mauvais rêves et de longues heures d’insomnie.
Ce scénario ne semblait pas avoir de secret pour mon médecin néphrologue, qui avait fait le nécessaire pour faire organiser mon bilan pré-greffe en concentrant l’essentiel des examens la 1ère semaine de février. Finalement c’est la seule semaine complète où j’ai arrêté de bosser.
J’ai encore manqué quelques journées par ci par là, notamment pour ma fistule, qui a été réalisée le 20 février. On m’a proposé pour l’intervention une anesthésie du bras uniquement. C’est une expérience assez unique que de sentir le chirurgien vous traficoter les veines, de pouvoir se tenir informé de l’avancement des opérations, de palper la concentration qui règne par moment dans le bloc, bref d’être un peu plus acteur de l’événement plutôt que simplement un morceau de viande inerte. A propos de morceau de viande inerte, cela décrit bien l’état de votre bras quand on vous le rend à la fin de l’intervention. On a l’impression que ce n’est pas son bras, on ne sait pas quoi en faire, ça c’est vraiment une sensation très désagréable et angoissante.
Heureusement, le contact est assez vite rétabli, en 1 heure ou 2, et la douleur qui arrive ensuite est supportable avec les médicaments. Après 24h elle est déjà bien atténuée, ce qui finalement ne fait qu’une mauvaise nuit à passer. Voilà, cette intervention s’est bien déroulée pour moi, mais paraît-il qu’il peut en être autrement. En effet, bien que pour la suite de l’aventure la réussite de l’opération est fondamentale, puisque notre survie va ensuite en dépendre, cette chirurgie est considérée comme peu valorisante, et on a donc souvent affaire à des chirurgiens jeunes et moins expérimentés. Attention donc, bien se renseigner avant et éviter ceux qui auraient une réputation de boucher.
J’ai la chance d’avoir un réseau veineux bien développé, là je pense que le sport pratiqué depuis toujours, et surtout la planche à voile, y sont pour quelque chose, et une semaine après l’intervention, ma fistule était pratiquement opérationnelle. Heureusement, car ma créatinine avait déjà atteint presque 1000 µmol/l, mes chevilles et même mes mollets avaient enflé en quinze jour de façon alarmante, et ma fatigue s’était encore accrue. Il devenait vraiment pénible de se lever le matin après des nuits chaotiques, mes journées étaient une lutte de chaque instant contre le sommeil, et mon entourage s’inquiétait à juste titre de ma mine décrépie.
On a donc programmé ma première séance de dialyse pour le 3 mars et j’ai vu arriver ce moment avec appréhension bien sûr, mais plutôt comme une délivrance que comme un supplice. J’avais eu bien du temps pour me faire à l’idée de ce qui m’attendait. Et puis, quelques semaines auparavant, j’étais allé faire une patrouille en salle des machines pour voir de quoi il en retournait. J’avais échangé quelques mots avec des ” branchés ” ce jour là. Même si la vision de ce sang qui circule en dehors du corps des personnes m’a impressionné, cette visite m’a permis de démystifier l’affaire, de m’en faire une idée très concrète et par la suite de m’imaginer en dialyse avant même d’avoir commencé.
Bref, comme le dit bien Yvanie, il est important d’être bien informé quand on aborde cette aventure. Là, je remercie encore mon médecin néphrologue, elle (c’est une femme) a su m’aider à me préparer doucement, en anticipant la chaîne des évènements et en sachant susciter ma curiosité. Un immense merci aussi à ma Chérie, qui a été très active dans cette phase de préparation. Elle aussi a fait preuve de beaucoup de curiosité, elle a glané le maximum d’informations auprès de ses amis médecins, et cela a suscité de bienfaisantes discussions sur l’oreiller.
C’est donc serein, ou presque, que je suis arrivé à ma première séance. Je parlais de délivrance car je ressentais bien, compte tenu de mon état, la nécessité impérieuse de faire quelque chose, et je savais que cette dialyse était mon salut. Voilà pourquoi en quelques mots, anticipation, préparation, j’ai eu la chance de vivre mon passage à la dialyse de façon beaucoup moins traumatisante que l’expérience d’Yvanie.
Du point de vue des horaires, j’ai beaucoup insisté pour être dialysé la nuit, de façon à garder une vie sociale et professionnelle la moins perturbée possible. Et de fait, je continue de travailler à temps plein, avec quelques aménagements horaires que ma hiérarchie conciliante accepte volontiers : les lendemains de dialyse, j’arrive au boulot à 10h au lieu de 8h le matin, et j’essaie de compenser un peu le soir. De retour de dialyse à la maison vers 4h du matin, cela me laisse un courte nuit de sommeil, que je complète de temps en temps par une petite sieste en fin de journée. Et puis j’ai bon espoir de parvenir à dormir pendant les séances de dialyse. Ce n’est pas encore le cas, trop d’agitation dans la chambre (on est quatre malades) et mon cœur n’est pas encore bien familiarisé avec cette épreuve, mais quand je vois mon voisin, qui, à trente ans, a déjà une longue carrière de dialysé à son actif, je me dis qu’il n’y a pas de raison que je n’y arrive pas moi aussi : il se pointe vers 10-11h du soir, il blague un peu avec ses colocataires de chambre et avec les infirmières, se laisse piquer et s’endort d’un sommeil heureux que la télé et les sonneries fréquentes des machines ne parviennent pas à perturber. Je suis parti à ce moment là, mais il paraît que quand on le débranche, il continue à ronfler. Il part à 6h du mat et attaque parfois directement le boulot, temps plein lui aussi.
Je crois donc que je vais continuer à dialyser de nuit, le rythme est un peu difficile sur la durée, mais je m’accroche et je pense bien arriver à prendre le pli. Autre avantage : pas de problème d’embouteillage avec ces horaires. J’habite un petit village de Provence, et il y a pas mal de route pour se rendre à Marseille où je dialyse. J’ai eu la chance de tomber sur un chauffeur de taxi sérieux et disponible, avec qui le courant passe bien. Il a une voiture confortable et toujours propre, garnies de deux oreillers moelleux. Sa conduite est souple et efficace à la fois, elle privilégie le confort à la vitesse, mais comme nous roulons de nuit, on ne traîne pas. Donc, quand je monte dans cette voiture, je me sens en de bonnes mains et je peux me laisser aller, me détendre. Tout ça est important (3 séances par semaine ça fait beaucoup de km), et contribue à rendre ma nouvelle vie moins pénible. Merci donc à mon chauffeur pour sa conduite et sa convivialité, et puis pour son courage quand il doit émerger en pleine nuit pour venir me chercher !
La dialyse à domicile ? J’y ai pensé bien sûr, mais surtout avant d’avoir commencé. En fait, je me rends compte maintenant que cela ne me tente pas trop. D’abord parce que c’est une responsabilité qui me semble énorme pour le conjoint. Cela doit-être une source d’angoisse quotidienne avec laquelle il ne doit pas être facile de vivre. Et puis aussi parce qu’en dialysant à l’hôpital ou dans un centre, on laisse la maladie là bas quand on s’en va, alors qu’en dialysant à domicile, il faut faire une place à la maladie dans sa maison. Et cette place peut vite devenir importante, avec le risque que la maladie envahisse son quotidien. Dans cette réflexion, j’ai été influencé par un des infirmiers qui me piquent, qui a 20 années de service en dialyse à son actif, et qui sans doute a eu bien des occasions d’aborder le sujet de la dialyse à domicile avec ses patients. Et puis en dialysant avec d’autres malades, j’ai trouvé un terrain d’échanges et de réconfort, et j’irais presque jusqu’à dire une nouvelle facette de ma vie sociale.
Voilà en quelques lignes relatée mon parcours de malade et ma courte expérience de dialysé. C’est vrai que ce n’est pas rigolo rigolo, mais je n’oublie pas que c’est grâce à ça que je suis en vie. Et mon état de décrépitude du mois de février est encore suffisamment présent dans ma mémoire pour que j’apprécie ma santé retrouvée. Je reprends doucement mes activités sportives interrompues un temps, sauf malheureusement pour l’Aïkido, trop de techniques à base de saisie de poignet pour ma fistule. Mes taux de globules rouge et d’hémoglobine, qui étaient descendu très bas (2.2 M/mm3 et 67 g/l) commencent à remonter lentement, et, ayant perdu pas mal de muscles ces derniers temps, j’ai bon espoir de me remplumer assez vite avec ma forme retrouvée. Reste donc à gérer le manque de sommeil.
J’espère que ce témoignage pourra rassurer un peu ceux, qui dans l’ignorance comme c’était mon cas il y a un mois, s’apprêtent à découvrir les joies de la dialyse. Il est vrai que je n’ai certainement pas encore eu beaucoup le temps de rencontrer les petites et grosses galères qui sont sans doute probable sur la durée. Ah si, j’ai quand même eu droit à un bel hématome sur tout l’avant bras, c’est très douloureux et désagréable. C’est semble-t-il assez courant pour une fistule neuve, mais il paraîtrait que cela a quand même une utilité car ça contribue à figer le parcours de la fistule, positivons, positivons !
Donc voilà, avec un peu de chance peut-être, la dialyse n’est pas insurmontable. Bien sûr, si on peut y mettre fin, je ne ferai pas le difficile, et l’éventualité d’une greffe prochaine m’aide à garder le moral. Se maintenir dans le meilleur état de santé possible pour être prêt le jour où le greffon arrivera est d’ailleurs un objectif stimulant. Dans cette optique, il est là aussi je pense important d’être bien informé, et de le montrer à l’équipe médicale qui vous suit. Merci donc à Yvanie pour la richesse de son site où j’ai trouvé pleins d’infos, qui contribuent à ma détermination d’aller de l’avant.
Ma courbe de créatinine avant d’arriver en dialyse, de 1995 à 2003.
Christian
1 Commentaire
Mon fils a été dialyse à 700 “dialyse pendant 2 ans1/2 puis greffe depuis 20 ans,et moi sa mère je vais être dialyse aussi , j’ai une créatine à 500