Greffes du cœur a Zurich stop ! on enquête !
21 juin 2005, Le Temps
Les transplantations cardiaques à l’Hôpital universitaire de Zurich sont soumises à un moratoire.
Des médecins auraient greffé un cœur incompatible en toute connaissance de cause.
Les spécialistes tiennent à rassurer le public sur la qualité de la médecine suisse de transplantation.
L’Hôpital universitaire de Zurich ne transplantera plus de cœur jusqu’à nouvel avis. La conseillère d’Etat zurichoise à la tête de la santé, Verena Diener, a rencontré hier la direction de l’hôpital. D’un commun accord, il a été décidé de soumettre les greffes de cœur à un moratoire.
Celui-ci devrait être limité, si possible, à quelques semaines seulement, selon le Département cantonal de la santé. Le temps pour la justice de mener à bien l’enquête sur le décès d’une patiente transplantée.
Cette décision intervient suite aux révélations des journaux alémaniques très compromettantes pour le corps médical de l’Hôpital universitaire de Zurich. Par son geste, Verena Diener dit vouloir assurer la sécurité des patients. “La pression sur l’équipe chargée de ce type d’opérations est telle qu’elle n’est pas en mesure d’assumer la responsabilité d’autres transplantations”, a-t-elle expliqué dimanche soir à la télévision alémanique. L’hôpital zurichois est sur la sellette depuis plusieurs mois, notamment après un nouvel échec d’une opération cardiaque la semaine dernière.
Une “expérience” ratée?
Les partis bourgeois ont vivement critiqué le moratoire qui, selon eux, risque de saper les efforts pour maintenir les transplantations cardiaques à Zurich. La clinique du cœur, mondialement reconnue, doit rester au bord de la Limmat, a déclaré hier le Parti radical. En revanche, le Parti socialiste salue la décision de Verena Diener et regrette même qu’elle ne soit pas tombée plus tôt.
Ce moratoire sur les transplantations cardiaques est la conséquence du décès non élucidé de Rosmarie Voser survenu en avril 2004. Cette patiente, suivie par la télévision alémanique, devait mourir suite à une greffe de cœur au groupe sanguin incompatible avec le sien. La direction de l’hôpital avait alors parlé d’un “malentendu” suite à des erreurs de communications internes.
Or, se basant sur un rapport de l’Institut de médecine légale de l’Université de Zurich et des procès-verbaux d’audition sur cette affaire, les médias ont révélé ces derniers jours que les médecins étaient au courant de l’incompatibilité du groupe sanguin et qu’ils avaient donc sciemment greffé un cœur de groupe A à la patiente de groupe sanguin O.
Selon le Tagesanzeiger, ils auraient ainsi tenté une “expérience”, mais sans avoir demandé l’aval ni de la patiente ni d’un comité d’éthique. “Si les soupçons devaient se vérifier, les responsables auraient alors agi de manière absolument condamnable”, estime la conseillère d’Etat verte libérale.
La justice, jusqu’alors muette, est également sortie de sa réserve ce week-end. Le procureur responsable Ulrich Weder a déclaré à la radio alémanique enquêter contre Marko Turina, l’ancien chef de la clinique de transplantation et responsable au moment des faits, non plus pour homicide par négligence, mais pour meurtre par dol éventuel.
Le Ministère public espère faire avancer l’instruction en obtenant de nouveaux éléments de personnes pas encore interrogées. Car, plus d’une année après le drame, toute l’équipe soignante n’a pas encore donné sa version des faits.
C’est justement devant la lenteur de la justice, que la presse a pris le relais et a mené ses propres enquêtes. Selon le Ta ges Anzeiger de samedi, les deux cardiologues qui ont opéré Rosmarie Voser auraient été informés plusieurs heures avant l’opération que le cœur était d’un groupe sanguin incompatible, mais auraient décidé, compte tenu des faibles chances de survie de la patiente, d’effectuer tout de même la greffe. La direction de l’hôpital a déchargé dimanche les médecins concernés de leurs tâches cliniques.