Clonage : Le vrai, le faux
16 août 2004, L’Express
La reproduction de cellules souches n’en est qu’aux balbutiements. Pourquoi déjà parler de dérapage?
Clonage. Une fois encore, le mot est lâché. En Grande-Bretagne, l’autorité de régulation de la bioéthique a donc autorisé, la semaine dernière, une équipe de chercheurs à créer des embryons humains par clonage. Une décision accueillie avec réserve par les autorités religieuses, notamment au Vatican, où, rappelle le porte-parole de Jean-Paul II, “le pape a toujours condamné sans équivoque toute forme de clonage, même à des fins thérapeutiques”. De leur côté, certains experts ne cachent pas non plus leurs réticences. Ainsi, pour le Dr David King, biologiste et directeur du groupe anticlonage Human Genetics Alert, ce type de recherche “constitue un gaspillage d’argent public et franchit les limites de l’éthique pour la première fois”
Mais de quoi parle-t-on? Concrètement, l’équipe britannique va dupliquer un embryon, le laisser se développer durant quatorze jours, puis en extraire des cellules, appelées “cellules souches”, dont la particularité – unique dans le corps humain – est de pouvoir se régénérer en n’importe quelle cellule (de muscle, d’os, de nerf, d’organe…). Buts de ces manipulations: expérimenter, dans un premier temps, la faisabilité de cette technique dite “de clonage scientifique”. Puis vérifier son efficacité sur une plus grande échelle, avant, éventuellement, de l’utiliser dans une perspective médicale. Ce qui n’est pas gagné. N’oublions pas que la brebis Dolly, premier mammifère cloné au monde, n’a vu le jour, en 1996, qu’après plusieurs centaines de tentatives infructueuses. En d’autres termes, il n’est pas question de fabriquer des bébés à la chaîne: les chercheurs espèrent surtout mettre au point des “cellules-médicaments” reproductibles.
Mais le mot clonage fait peur. Même adouci par la précision “thérapeutique”. En réalité, le reproche lancé par les opposants est bien là: une telle expérimentation constituerait, de façon presque inéluctable, un premier pas vers d’autres “dérapages”, plus graves encore. Or, à leurs yeux, le clonage ne peut être réfuté qu’en bloc, et toute autre opinion reviendrait à faire passer la science avant la morale. Question de principe. Les bons contre les méchants, en quelque sorte. Sauf que la science n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Oublier cette évidence serait lui rendre un bien mauvais service.
Vincent Olivier