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Une mâchoire cultivée sous l’aisselle

28 août 2004, Libération

Un Allemand a bénéficié d’une greffe inédite de mandibules de synthèse

Depuis neuf ans, privé de ses mandibules, il devait se contenter d’aliments liquides ou mous. Récemment, grâce à une technique inédite de greffe de mâchoire, cet Allemand de 56 ans a pu se régaler de saucisses et de pain. Le chirurgien Patrick Wamke (Kiel), auteur de cette transplantation originale ­ mixture de cellules et de facteurs de croissance logés dans une armature de titane ­, en publie tous les détails dans The Lancet de ce samedi.

En soi, les greffes d’os, et notamment de mâchoire, ne sont pas un exploit, explique Wamke. Les techniques chirurgicales, codifiées, sont largement utilisées, surtout en cancérologie. Le hic, c’est que le greffon est un morceau d’os pris ailleurs : au niveau d’une côte, du bassin… Emprunt qui laisse alors un «trou» d’os, lui-même source de complications parfois sévères. D’où l’idée de ce chirurgien maxillo-facial de recourir à une technologie de synthèse d’os à partir de cellules souches. Ce patient allemand, lourdement handicapé, s’est porté volontaire. Victime d’un cancer évolué, il avait subi une ablation quasi totale des mandibules en 1997. Et ce n’était pas la petite prothèse en titane posée à l’époque qui lui permettait de mastiquer.

Dans un premier temps, avec un scanner en 3D, les chirurgiens ont modélisé une mâchoire idéale. Ils ont ainsi pu construire une armature grillagée en titane, de dimensions ad hoc. Il ne restait plus qu’à la remplir avec la potion magique. Pour l’essentiel, la formule consiste en un mélange de petits blocs de cellules souches d’origine bovine, recouvertes d’un facteur de croissance (appelé BMP7) qui stimule leur transformation en os. Pour booster le processus, les médecins ont ajouté 20 ml de moelle osseuse prélevée sur le patient lui-même.

La précieuse mixture et son récipient ont ensuite été implantés sous la peau du malade… au niveau de l’aisselle. Après quatre semaines, les chirurgiens ont eu leur première victoire, en visualisant la croissance de l’os sous le titane par scintigraphie. Enfin, une vingtaine de jours plus tard, le greffon a pu être posé à sa place définitive. Satisfait de l’esthétique, le patient peut désormais avaler des aliments solides. Si la minéralisation continue à ce rythme, Wamke espère pouvoir ôter l’enveloppe de titane dans un an. Et implanter des dents.

Sandrine CABUT

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