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Rapport sur le médicament : l’interview de Magali Leo

Magali Leo, responsable du plaidoyer de Renaloo, a co-présidé pendant six mois la mission mise en place par la ministre pour proposer des pistes visant à améliorer l’information sur le médicament, suite à l'affaire du Lévothyrox. Un rapport a été rendu public le 3 septembre 2018. Magali a accepté de répondre à nos questions. 

Magali, dans quel état d’esprit avez-vous conduit cette mission ?

La question qui a travaillé notre mission pendant 6 mois a été de savoir comment nous pouvons/devons tous, collectivement, sortir par le haut d’une « crise » impliquant un médicament.
Car des « crises », il y en a et il y a en aura encore. Parce qu’un médicament, quel qu’il soit, ancien, nouveau, prescrit par un médecin ou acheté en automédication, comporte un risque que chacun doit avoir en tête, à plus forte raison que ces risques peuvent se révéler longtemps après la mise sur le marché. Les autorités sanitaires doivent l’assumer clairement en faisant preuve de la plus grande transparence et d’une extrême vigilance en vie réelle.

Pourquoi est-il nécessaire, selon vous, de tirer les leçons de l’affaire du Lévothyrox ?

Parce que dans cette affaire, qui n’est d’ailleurs pas derrière nous, notre système d’information « traditionnel » a montré toutes ses limites : une absence d’anticipation et d’accompagnement des professionnels de santé et des patients, alors même que nous aurions eu tout le temps d’y réfléchir dès 2012, un retard à l’allumage des autorités qui sont restés inactives pendant de longues semaines, le biais techniciste d’une information qui s’est bornée à insister sur le bien-fondé du changement de formule, des courriers à double entête (Agence Nationale de Sécurité des Médicament et des Produits de Santé + laboratoire) qui ont été confondus avec de l’information promotionnelle de second plan, une communication insuffisamment transparente et surtout, une très grande minimisation du ressenti des patients. Ces erreurs ont en partie été reconnues par les pouvoirs publics et c’est notamment sur la base de ces constats que portent les propositions de la mission.

Vous proposez en premier lieu de renforcer la culture générale sur le médicament, pouvez-vous nous en dire plus ?

46% des Français prennent des médicaments tous les jours.
Nous consommons chacun en moyenne 48 boîtes de médicament par an.
Selon 60 millions de consommateurs, les + 65 ans consomment entre 7 et 14 médicaments par jour.
Nous ne rappellerons jamais assez qu’un médicament n’est pas un bien de consommation comme les autres et qu’à ce titre, il faut en effet renforcer la culture générale autour des médicaments. Pour cela, nous proposons la création d’une plateforme « médicaments infos service » composée d’un site internet à destination du grand public et des professionnels de santé, d’une ligne téléphonique pour ces derniers et d’un espace interactif où chacun pourrait poser ses questions par mail à un référent qualifié.
Cette plateforme rassemblerait des contenues authentifiés et « labellisés » dans un souci de transparence totale.
Mais on ne démocratisera pas la culture du médicament avec un site internet, ni même avec un super site. De nombreux vecteurs peuvent pousser de l’information pertinente comme le carnet de santé et demain, le DMP : tirons-en le meilleur parti !
Cette information « froide » sur le médicament, c’est-à-dire hors crise, relève de la compétence naturelle de l’ANSM qui pourrait coordonner le site Médicament Info Service. La loi doit, selon nous, lui reconnaître expressément cette mission et lui attribuer les moyens adéquats.

Vous écrivez par ailleurs que les autorités publiques doivent apprendre des réseaux sociaux et apprendre à les utiliser à leur compte. Quel est l’enjeu ?

Avec les réseaux sociaux, une information fait le tour du monde en moins de deux heures. Cette évolution modifie profondément notre culture de l’information, moins descendante et plus participative. S’il est sain d’entretenir un débat permanent au sujet des risques, des bénéfices, de la pertinence, du prix et des conditions des remboursement des médicaments, il est toutefois essentiel de restaurer la crédibilité et l’audience de l’information publique.
Il ne s’agit pas, pour les autorités sanitaires, de mimer les sites d’information « privés », moins contraints par les obligations réglementaires, mais d’être plus ancrées dans les habitudes de chacun, usagers et professionnels de santé, pour informer plus vite, plus directement et de la manière la moins techno possible.

Mais il faut également confiance aux acteurs de terrain dont les associations de patients, n’est-ce-pas ?

Absolument. Il faut faire confiance au terrain et notamment aux associations de patients qui sont bien placées pour à la fois recueillir les témoignages de celles et ceux qui prennent des médicaments et alerter les pouvoirs publics en cas de problème.
Donnons-leur les moyens de conduire leurs actions en toute indépendance en leur permettant d’accéder, plus qu’aujourd’hui, à des financements publics pour les préserver de la fragilité économique dont souffrent nombre d’entre elles.

En situation de crise, que préconisez-vous ?

Pour anticiper les situations critiques, il serait utile qu’une cellule de crise, que nous avons appelée vigimedicament, soit constituée pour que les parties prenantes, comprenant des représentants d’usagers, puissent ensemble définir les critères permettant d’identifier les situations à risque et de décider d’une information spécifique le cas échéant.

Dans de telles situation, nous proposons qu’un Monsieur ou Madame médicament (le président de Vigimedicament ?) soit clairement identifié pour prendre la parole.
En tout état de cause, il ne nous paraît pas souhaitable de permettre plus qu’aujourd’hui aux laboratoires eux-mêmes, d’informer les patients directement car la ligne de partage entre information et promotion n’est et ne sera jamais assez claire.

Et puis soyons sérieux, en cas d’alerte urgente, les professionnels de santé doivent pouvoir être contactés par mail sans délai et sans frais pour la collectivité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui !

> Lire le rapport
 

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