Laurent, dialysé, a surmonté la Covid-19
Laurent, dialysé et âgé de 54 ans, a joué de malchance. En attrapant fin février la Covid-19, il a vécu une "double peine". Plus de peur que de mal en ce qui le concerne. Mais quatre mois après, Laurent se pose encore des questions, à propos des fameux tests notamment.
"A la fin du mois de février, en rentrant de Paris, j'ai ressenti des courbatures, beaucoup de fatigue et une fièvre avoisinant les 39 degrés", raconte Laurent. Difficile de savoir où et dans quelles conditions ce cadre supérieur dans le domaine des assurances a attrapé le virus, puisqu'il fait chaque semaine l'aller-retour en train entre Niort, où il réside avec sa famille, et le siège parisien de la compagnie d'assurances dans laquelle il travaille.
Dès son retour à Niort, il fait part de son état à son équipe de néphrologues. Ceux-ci ne s'inquiètent pas outre-mesure. Testé pour savoir s'il a la grippe, Laurent se révèle négatif. "Considérant que je n'avais pas été en contact avec les deux "clusters" signalés à l'époque, la région de Mulhouse et l'Oise, il n'était pas possible de me tester pour la Covid-19 à cette période". Laurent reprend le travail et repart comme d'habitude pour Paris, où il est dialysé dans un centre parisien.
Mais son état ne s'arrange pas. Laurent revient à Niort avec les mêmes courbatures, la même fatigue et une température toujours aussi élevée. Ses néphrologues ne le testent toujours pas, mais le surveillent avec attention. "Je ne ressentais aucune gêne respiratoire, c'est ce qui les rassurait le plus. Cet état "grippal" a duré une dizaine de jours, avec de nouveau un aller retour Niort-Paris. "Nous étions juste avant le confinement. Depuis lors, évidemment, je suis resté strictement à la maison, jusqu'à mi-juillet, où je recommence prudemment à mettre un peu le nez dehors".
Laurent est heureusement bien entouré. A Niort, sa demeure est confortable et il est entouré de son épouse et de ses enfants, étudiants, revenus se confiner à la maison. "Impossible de respecter les gestes barrières en famille, mais j'ai demandé à mes enfants d'être prudents lors de leurs rares sorties. Tout s'est très bien passé, ni mon épouse, ni mes trois enfants, sur qui ont reposé tous les échanges avec l'extérieur, n'ont eu heureusement le moindre problème".
Comment cela s'est-il passé au centre de dialyse ? "Le quotidien est resté globalement inchangé, avec la visite chaque jour d'un médecin et, bien sûr, le rappel constant des précautions à prendre : port du masque en permanence, recours au gel hydro-alcoolique, distanciation, …".
A Niort, la salle est vaste pour la vingtaine de patients, mais dès l'origine de ses difficultés, bien qu'il n'ait pas été testé, ses médecins, quasi-certains qu'il a été contaminé par la Covid-19, l'isolent dans un box à part.
Seuls changement à la routine des séances, il est désormais interdit de boire et de manger. "Je sais que cette mesure a été beaucoup contestée, par Renaloo notamment. Pour ma part, je la trouve prudente car elle permet aux patients de conserver leur masque en permanence. Il faut dire que par rapport à la plupart des autres dialysés, j'ai la chance de varier mes horaires de dialyse en fonction des impératifs de mon travail et suis rarement privé de repas". Quant à l'ambiance dans la salle, elle est restée bonne. Les médecins en ont appris de plus en plus sur l'épidémie et les précautions à prendre, et ont su se montrer rassurants.
"Cependant, la pandémie conserve un côté anxiogène dans notre centre de dialyse, principalement dû au manque d'informations sur l'état des autres patients. On ne peut s'empêcher de se demander si certains n'auraient pas attrapé le virus".
Laurent, qui utilise sa propre voiture, n'est pas obligé de prendre un véhicule médicalisé partagé avec d'autres dialysés, ce qui limite les risques. "Mais à ma connaissance, heureusement, personne d'autre n'aurait été contaminé à l'hôpital de Niort".
Quand il repense au début de sa maladie, Laurent fait un constat : " Mes néphrologues manquaient cruellement d'informations lorsque je suis tombé malade. J'avais connaissance, via la lecture régulière de Renaloo, de choses qu'ils ignoraient, comme le fait qu'il soit possible de se faire prescrire 10 masques chirurgicaux".
Quatre mois après les premiers symptômes, Laurent se pose toujours la question des tests. "A l'époque, puisque je n'avais pas la grippe, j'avais demandé à être dépisté. En pure perte, ce qu'il ne s'explique toujours pas très bien. Les tests étaient-ils indisponibles ? Les médecins ont-ils jugé que cela n'était pas nécessaire ? Je n'en sais rien car leur décision n'était pas véritablement argumentée".
Mi-juin, ses néphrologues lui font réaliser un test sérologique, en lui indiquant que c'était essentiellement à des fins statistiques. Ce test s'est révélé négatif. "Il n'y avait là rien de surprenant pour les médecins, car cinq mois après une crise de Coronavirus, l'absence d'anticorps ne signifie pas grand-chose. Mais je n'ai toujours pas subit de test PCR, ce que je trouve surprenant".
Ce test, Laurent va devoir le faire bientôt. Fin août, ses congés terminés, il reprendra normalement son travail et ses aller-et-retours hebdomadaires entre Niort et Paris. "La clinique privée dans laquelle je suis dialysé à Paris m'a averti début juillet par mail : elle ne m'acceptera que si je suis en mesure de lui fournir un test de sérologie PCR réalisé moins de 72 h avant mon arrivée".
D'ici là, Laurent ne s'inquiète pas outre-mesure : "Je vais rester confiné au maximum. En cas de seconde vague, mes néphrologues auront acquis un réservoir de connaissances qui leur permettra de mieux la gérer. De même, si une autre pandémie survenait dans l'avenir, le corps médical sera beaucoup mieux préparé".
Reproche-t-il à ses néphrologues les "flottements" des premières semaines début mars ? "Non, ce qui s'est passé avec la Covid-19 est inédit et c'est allé si vite ! Médecins comme malades, nous avons tous été pris de court". En fin connaisseur du monde des assurances, Laurent est certain que les autorités et le monde médical auront appris de leurs erreurs.
Interview réalisée pour Renaloo par Philippe Desfilhes