Florian, entre éthique et Belgique
22 août 2003, Libération
Un enfant atteint d’une maladie rarissime ne peut être soigné en France.
Pour les parents de Florian, ne reste qu’une possibilité : concevoir un autre enfant par fécondation in vitro et choisir une cellule. Il faut alors réimplanter l’embryon et, à la naissance, recueillir le placenta qui permettra la greffe. es parents de Florian ont envoyé une lettre à Jacques Chirac. Un message en guise d’ultime espoir en France, où une dizaine d’enfants seulement sont atteints de la même maladie que leur fils. L’aplasie médullaire raréfie la moelle osseuse, affaiblit le système immunitaire, provoque de multiples hémorragies. Pendant les quatre dernières années, Florian, 8 ans, a suivi cinq traitements différents. Sans succès. Seule une greffe de la moelle osseuse est aujourd’hui susceptible de le sauver, pourtant le fichier mondial n’a révélé aucun donneur potentiel. Ne reste donc qu’une possibilité : concevoir un autre enfant par fécondation in vitro, procéder à une sélection embryonnaire, et une fois l’ovule fécondé, choisir une cellule. Si la cellule choisie est compatible avec Florian, il faut alors réimplanter l’embryon et, à la naissance, recueillir le placenta qui permettra la greffe. La loi française interdit cette pratique, non dénuée de risques (voir ci-contre). D’où la demande au président de la République de modifier la loi. En cas de refus, Florian se rendra en Belgique, où une telle opération est possible.
Combat. Marie-Françoise, la mère de Florian, a joint à sa lettre au chef de l’Etat une cassette vidéo retraçant le combat contre la maladie. Un combat qui débute en 1999. Des bleus et des petites tâches rouges apparaissent sur la peau de Florian, alors âgé de 4 ans. Ses parents, qui viennent d’emménager à Beuvry (Pas de Calais), trouvent son comportement changé. Quasiment du jour au lendemain, l’enfant est fatigué, essoufflé. Il faudra six mois aux médecins pour identifier la maladie.
Florian contracte toutes les maladies qui passent, tous les virus. Il ne peut plus faire de sport, ne s’alimente plus normalement, met deux ans pour apprendre à monter un escalier qu’il ne sait toujours pas descendre. Toutefois, ses parents refusent “qu’il vive dans une bulle”. “Plusieurs fois, il est passé tout près de la mort”, explique Marie-Françoise d’une voix déterminée. “Il a fait une paralysie faciale pendant trois mois, différentes hémorragies, s’est retrouvé à cinq reprises en réanimation”. Mais Florian se bat, retourne à l’école. Régulièrement, “la maladie se fait silencieuse” : il revit pendant quelques semaines, avant d’attraper un nouveau virus. L’arrivée de Thomas, quatrième fils de la famille, est source d’espoir. Cependant, le placenta prélevé à sa naissance n’est pas compatible avec son grand frère. La réalité apparaît. Florian va mourir. “Lui-même disait qu’il n’aurait plus d’anniversaire, qu’il n’aurait jamais 7 ans”, raconte sa mère. “Florian a pris conscience de la mort avec les événements du 11 septembre. C’était la psychose à la maison”.
“Exorciser”. Néanmoins, Florian atteint ses 7 ans, retrouve le moral. Il décide d’apprendre l’anglais, qu’il associe à la mort, “pour mieux l’exorciser”, selon sa mère, qui vit elle-même “des hauts et des bas”. Marie-Françoise sait que d’autres enfants en France connaissent la même maladie que Florian. Elle est en contact avec des parents mais ne souhaite pas les rencontrer. “C’est comme un miroir. On n’a pas forcément envie de se regarder. On préfère se stimuler par téléphone”. Florian non plus n’aime pas se regarder, même si sa mère le surprend parfois entrain “de zieuter vers la glace, pour voir s’il ne saigne pas dans la bouche, s’il n’a pas de bleus”.
Jusqu’en février dernier, Marie-Françoise a espéré que la nouvelle loi autoriserait les fondements nécessaires à la greffe de son fils. Espoir perdu. Le parlement est hostile à une pratique jugée susceptible de dérives. Marie-Françoise a donc créé une association, Offrons un avenir à Florian. Pour son fils, et pour informer : “Il faut recueillir le sang quand on coupe le cordon ombilical, puis le congeler pour permettre une future greffe. Il faut plus de donneurs de sang, d’organes.” Plus de donateurs aussi. Si Florian doit se faire opérer en Belgique, l’intervention a un coût, 3 000 euros, que la famille doit prendre en charge. Tout en sachant que l’opération échoue dans 85 % des cas, et qu’une seule tentative ne sera pas a priori suffisante.
Petite soeur. Marie-Françoise cite les tentatives réussies d’une Belge, d’un Américain ; dit savoir “que certains médecins font n’importe quoi” ; affirme ne pas voir la différence avec un diagnostic préimplantatoire visant à détecter une maladie ; raconte que Florian a très envie d’avoir une petite soeur. Surtout, elle et son mari ne trouvent pas leur demande “immorale” puisqu’ils désireraient de toute façon avoir un autre enfant. S’ils n’avaient pas à s’occuper de Florian.